Né le 13 février 1893 à Paris (XVIe arrondissement), exécuté sommairement comme otage le 26 mars 1944 à Brantôme (Dordogne) ; inspecteur de police ; militant SFIO et militant laïque ; résistant, membre du réseau AJAX.

Maurice Jean Bouscatel naquit le 12 février 1893 à Paris (16ème arr.) de Louis (employé des Postes) et Anne Selsis (sans profession). Il se maria le 11 mars 1922 à Paris 6ème arr.) avec Jeanne Augustine Dupuy (sans profession). Le couple n’eut pas d’enfant et se sépara durant la présence de Bouscatel à Saint-Etienne. Dès lors il vécut maritalement avec une autre femme.
Titulaire du certificat d’étude, il fut employé de 1911 à 1913 dans plusieurs entreprises en qualité de dessinateur. Le conseil de révision du 6ème arrondissement de Paris le reconnut inapte au combat pour « faiblesse » le 29 octobre 1913. Il incorpora le 27 novembre la 2ème section des ouvriers de l’administration. Toutefois, il fut mobilisé au 77ème régiment d’infanterie le 16 janvier 1916. En mai, il combattit à Verdun. C’est là qu’il fut cité à l’ordre de la brigade le 20 mai en ces termes : « N’a pas hésité à s’offrir volontairement pour faire une reconnaissance des lignes ennemies sous un bombardement violent. A accompli sa mission jusqu’au bout », et se vit attribuer la Croix de guerre. De janvier 1919 à septembre 1919 il intégra une unité d’occupation en Allemagne puis fut nommé inspecteur de police stagiaire aux armées à Mayence. Il fut démobilisé le 12 février 1920 (après 5 ans et 8 mois de service), rentra dans ses foyers à cette date et fut nommé inspecteur de police mobile à la Sureté générale. Ce fut le début d’une longue carrière policière.
Il fut d’abord affecté à la Direction de la Sûreté générale au contrôle général des services de recherches judiciaires (ancêtre de la police judiciaire, souvent appelé « Brigade du Tigre » du surnom de son créateur Georges Clémenceau). Il atteignit la première classe le 2 juillet 1926. Le 2 novembre 1926, il fut nommé inspecteur principal. Le 21 avril 1930 il fit son entrée à la section financière et le 16 juin il fut nommé Officier de police judiciaire. A la fin de l’année, il s’orienta vers ce qui devait devenir les renseignements généraux en qualité d’Inspecteur principal de police spéciale.
En 1932-1934, il fut impliqué à son corps défendant dans une affaire dite « Cotillon-Bonny » durant laquelle Pierre Bonny « premier flic de Franc », futur chef gestapiste, fut accusé par le journal d’extrême-droite Gringoire de vol de documents et de violation du secret professionnel. Malgré le manque de preuves, un non-lieu et l’aspect clairement politique du procès, le ministre de l’intérieur suspendit Bouscatel de son poste le 8 juin 1935. Il se retira alors à Cuq-Toulza (Tarn) où s’étaient établis ses parents. Il ne cessa de clamer son innocence et fut réintégré le 2 décembre 1937 par Marx Dormoy, ministre de l’intérieur du gouvernement de Front populaire. Le même jour, il fut installé dans les mêmes fonctions à Saint-Etienne (Loire).
Malgré ses demandes répétées il ne put être nommé dans la région toulousaine pour se rapprocher de sa famille. Le 11 février 1943 il fut nommé aux Renseignements généraux de Guéret et détaché à Aubusson. Il travailla sous l’autorité d’Henry Castaing, commissaire principal, chef de service et chef régional du Réseau AJAX. Dès lors il fut chargé en particulier de se rapprocher des autorités d’occupation pour surveiller leurs activités dans le sud de la Creuse particulièrement à La Courtine où stationnaient d’importantes formations parachutistes. Il se heurta rapidement aux milieux collaborationnistes de la ville. Sous prétexte qu’il vivait en concubinage notoire, il fut muté le 1er février 1944 au camp d’internement de Nexon sur demande du ministère de l’intérieur. Ses dossiers de notation ne tarissant pourtant pas d’éloges et ne faisant aucune allusion à sa situation familiale. On peut légitimement douter du motif avancé. On peut souligner également qu’inspecteur principal depuis 1926, sa carrière n’avait pas évoluée. La cause réelle fut plutôt à rechercher dans ses engagements.
Malgré sa profession, Maurice Bouscatel s’engagea à gauche en adhérant, grâce à deux conseillers de Paris, au parti socialiste SFIO en 1930. Installé en banlieue à Boissy-Saint-Léger, il créa en 1931 une section locale, fonda un patronage laïque et fut secrétaire de la caisse des écoles de 1931 à 1934. Lors de son exil tarnais, il créa une section SFIO à Cuq-Toulza. Parallèlement, il fut initié au sein de la Grande Loge de France. Dans la déclaration imposée aux fonctionnaires à partir de 1940 et qu’il signe en 1941, il affirma avoir quitté l’obédience en 1928. D’autres sources évoquent 1938. Ses engagements le poussèrent naturellement vers la Résistance. Il débuta une activité de renseignement durant sa présence à Saint-Etienne. Elle s’amplifia en Creuse au contact de Castaing alias Kaolin. A Aubusson, il surveilla parallèlement les Allemands et les milieux collaborateurs très actifs pour le compte de son réseau. Il alerta également les chefs départementaux de la Résistance d’une action imminente contre eux.
A Nexon, où il remplissait des tâches peu attrayantes, il fut rattrapé par la répression. Le 25 avril 1944, des membres du SD de Limoges vinrent l’arrêter sur son lieu de travail « pour activité antiallemande » et le conduisirent au quartier allemand de la prison de la ville. Le 26 avril, il partagea le sort de 25 autres otages (dont Georges Dumas père de Roland Dumas) fusillés à Brantôme en représailles à une action d’un maquis local qui avait couté la vie à deux policiers allemands. Ce crime fut perpétré par des éléments de la brigade nord-africaine et de la division Brehmer, accompagnés et dirigés par des membres du SD de Périgueux et de Limoges.
Les causes de son arrestation ont fait quelques temps polémique. L’intendant de police de Limoges fut soupçonné de l’avoir sciemment maintenu à son poste alors qu’il devait partir en permission et qu’il le savait menacé. L’absence de preuve écarta cette hypothèse. Marcelle Sauty, milicienne aubussonnaise, insinua qu’il collaborait avec les Allemands particulièrement la Feldgendarmerie d’Aubusson et des parachutistes de La Courtine. La rumeur enfla rapidement. Henry Castaing, devenu préfet de la Creuse, publia une mise au point dans le journal des FFI L’Embuscade le 11 novembre 1944, précisant que Bouscatel travaillait depuis longtemps pour lui dans le cadre des activités du réseau AJAX et qu’il s’était rapproché sur ordre des Allemands afin de mieux les surveiller. La vérité fut établie rapidement. La même Marcelle Sauty avoua au cours d’un interrogatoire, mené par la DST, être à l’origine du signalement du policier aux Allemands et par conséquent de son arrestation.
Reconnu « mort pour la France », Maurice Bouscatel fut nommé commissaire de 1ère classe à titre posthume le 7 juin 1946 avec prise d’effet au 26 avril 1944. La médaille de la Résistance lui fut attribuée le 15 octobre 1945.


voir Site de massacre : Brantôme (Dordogne), 26 et 27 mars 1944
Sources

SOURCES : SHD GR 16 P 83751 et GR 28 P 4 193 24 ; AN 19790846/54 ; AD23 9 BIB91/1 ; AD87 184W151 (dossier Victor Chauvin Intendant de Police). — Guy Penaud, Les crimes de la division « Brehmer  » (préface de Roger Ranoux), Éditions de La Lauze, 2004. — Christian Penot, La Meute, histoire de la Gestapo à Limoges, La Geste, 2022. — Christian Penot, Bulletin n°50 de l’Association pour la Recherche sur la Résistance et l’occupation en Creuse, Une histoire méconnue : La Résistance dans la police creusoise.

Christian Penot

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