Né le 20 juin 1914 à Hoff, auj. Sarrebourg (Moselle annexée), exécuté sommairement le 19 août 1944 à Chizon, lieu-dit de la commune de Sainte-Pezenne aujourd’hui rattachée à Niort (Deux-Sèvres) ; militaire de carrière ; résistant de l’Armée secrète et peut-être des Services spéciaux.

Raymond Kopp photographié en 1944 par Raymond Ménard, photographe et propriétaire de l'hôtel des Voyageurs (QG de Kopp-Parouty) à Chef-Boutonne.
Raymond Kopp photographié en 1944 par Raymond Ménard, photographe et propriétaire de l’hôtel des Voyageurs (QG de Kopp-Parouty) à Chef-Boutonne.
Crédit : Cyril Ménard, petit-fils de Raymond Ménard
Raymond Kopp en uniforme allemand
Raymond Kopp en uniforme allemand
Plaque commémorative sur la façade de l'hôtel des voyageurs, place Cail à Chef-Boutonne (Deux-Sèvres)
Plaque commémorative sur la façade de l’hôtel des voyageurs, place Cail à Chef-Boutonne (Deux-Sèvres)
Crédit : MémorialGenWeb
Plaque commémorative apposée place de l'Eglise à Chef-Boutonne (Deux-Sèvres)
Plaque commémorative apposée place de l’Eglise à Chef-Boutonne (Deux-Sèvres)
Crédit : MémorialGenWeb
Fils de Marie Joseph Paul, professeur agrégé de latin et de grec, et de Marie-Thérèse Rossé (décédée le 4 août 1937), Raymond Kopp épousa Marie Hoeffel (née le 29 juillet 1919 à Geudertheim, Bas-Rhin, fille de cultivateur) le 4 avril 1936 à Strasbourg (Bas-Rhin). Le couple eut trois enfants, deux fils et une fille. Raymond Kopp était parfaitement bilingue, mais selon l’un de ses compagnons de résistance germanophone dans les Deux-Sèvres, le lieutenant-colonel Ernest Jousseaume, il parlait l’allemand avec un accent lorrain prononcé.
Après des études secondaires (première partie du baccalauréat en 1934), Raymond Kopp s’engagea dans l’armée française pour quatre ans en 1935, au 23e Régiment d’infanterie. Caporal-chef (printemps 1938) d’active en 1939-1940 à la 23e section d’infirmiers militaires à Strasbourg, Raymond Kopp, fait prisonnier le 24 juin 1940 à la Petite-Raon dans les Vosges, fut dirigé vers le Stalag XI ou XII F, selon les sources. Concernant son parcours de 1940 à 1942, les sources divergent.
Selon certaines archives militaires, il aurait été captif pendant deux ans. Toutefois, un document indique qu’il aurait été rapatrié le 13 octobre 1942 (en permission de rapatriement de trente jours, du 13 octobre 1942 au 11 novembre 1942) puis rayé des contrôles de l’armée active le 12 novembre 1942. Un autre évoque une évasion du stalag XII F (Sarrebourg) dans la nuit du 19 au 20 juillet 1942. Ces informations paraissent sujettes à caution.
En effet, d’autres éléments – des déclarations indépendantes et concordantes de proches d’une part (de sa femme et de son père) et de témoins extérieurs à la famille d’autre part – donnent à penser qu’il fut libéré en juillet 1940 comme tous les Alsaciens-Lorrains, puis qu’il entra dans la Feldgendarmerie où il aurait été promu officier (contraint ou volontairement, éventuellement en service commandé pour le 2e Bureau, ce dont il sera question plus loin, le débat reste ouvert). Selon la déposition de sa femme le 10 septembre 1945 à la gendarmerie de Brumath (Bas-Rhin), il entra début novembre dans la Hilfspolizei à Strasbourg où on lui avait promis un poste d’agent de police ; mais, en fait, il aurait été versé dans la gendarmerie à Francfort-sur-le-Main (Allemagne). D’après son épouse, « À Noël 1940, en venant en congé, il m’a dit qu’on lui avait menti et qu’à la première occasion il passerait en France ». Par ailleurs elle indiqua que par la suite son mari avait été gendarme à Hirsingue (Haut-Rhin). Or, dans leur déposition à la gendarmerie, le 31 août 1945, trois habitants d’Hirsingue affirmèrent avoir connu Raymond Kopp gendarme en 1942, mais, selon eux, contraint d’entrer dans la gendarmerie allemande et ne faisant pas mystère de ses sentiments anti-allemands ; alors qu’il devait être envoyé en Russie, il aurait déserté – selon son épouse et son père –, dans la nuit du 19 au 20 juillet 1942 (date retenue, on l’a vu, pour son évasion dans les archives militaires), passé en Suisse puis en France. Cette chronologie rend plausible – sans qu’il y ait de preuves historiquement incontestables permettant de valider cette hypothèse – sa participation à l’évasion du général Giraud, le 17 avril 1942, de la forteresse de Königstein, participation évoquée dans plusieurs hommages posthumes à Raymond Kopp. Le maire de Chef-Boutonne (Deux-Sèvres) lors de ses obsèques, après avoir affirmé que Kopp devint Feldgendarme « malgré lui », mais comprit « alors qu’il pourra jouer là un rôle utile pour la France en faisant du contre-espionnage », fit référence à un emprisonnement de Kopp soupçonné de complicité dans la fuite de Giraud et de son évasion suite à cette arrestation. La thèse de la participation de Raymond Kopp à l’évasion de Giraud fut reprise dans un opuscule intitulé « Un héros, le lieutenant Parouty », rédigé dans l’immédiat après-guerre par Max Blanchard – professeur de lettres classiques au lycée Fontanes de Niort –, d’après le témoignage d’André Guienne, résistant avec son fils Pierre aux côtés de Raymond Kopp. Selon l’historienne Christine Levisse-Touzé, l’évasion de Giraud fut en effet organisée par des Alsaciens-Lorrains et le 2e Bureau. Or l’appartenance de Raymond Kopp au 2e Bureau est tenue pour certaine par deux témoins qui l’ont côtoyé de 1942 à 1944, Bernata qui l’accueillit en Dordogne et Gustave Béguier, médecin qui l’hébergea à Angoulême (Charente). Dans le dossier de Georges Bernata (résistant de l’Armée secrète, alias Julien, sergent-chef FFI, Médaille de la résistance, Croix de Guerre, Médaille franco-britannique) au SHD de Vincennes, parmi ses états de services, on relève cette mention évidemment relative à Raymond Kopp : « août 1942, hébergement d’un Alsacien recherché par les Allemands pour espionnage et organisation et évasion de PG [prisonniers de guerre] français. » Enfin, nous disposons du témoignage de Robert Morin, policier à Paris, qui a quitté la capitale pour raisons de santé, et qui, au printemps 1944, était en convalescence chez ses parents dans le village des Vaux dans le sud des Deux-Sèvres où il côtoya Raymond Kopp dans des circonstances qui seront relatées plus loin. Dans le compte-rendu de ce témoignage daté de novembre 2013 et dû à Michèle Coulardeau-Miot, Robert Morin déclare que Kopp se confia à lui : « Officier dans la Feldgendarmerie, capturé pour avoir participé à l’évasion du général Giraud en 1942, à la faveur d’un bombardement, il s’est échappé du camion qui le conduisait au tribunal. Il est alors passé en Suisse et, de là, en Dordogne puis en Charente. »
Toutefois, sa participation à l’évasion de Giraud reste à prouver de même que son appartenance aux Services spéciaux de la Défense Nationale. Il n’est pas répertorié à Ramatuelle, au mémorial des Services spéciaux.
Après sa désertion, Raymond Kopp fut condamné à mort par contumace par les Allemands et sa famille menacée de représailles. Cela aurait amené sa femme à demander le divorce, obtenu par jugement du tribunal de Mulhouse le 3 août 1943 (devenu définitif le 25 octobre 1943), divorce dont Marie Hoeffel demandera et obtiendra l’annulation le 21 octobre 1946 en expliquant dans les attendus que « mère de trois enfants, elle s’est trouvée contrainte d’intenter son action en divorce pour se mettre à l’abri des sanctions de l’autorité occupante en maintenant son union avec un gendarme déserteur ». Mais dans un courrier du 11 juin 1945 au professeur Savatier, éminent juriste et résistant, président du Comité départemental de Libération (CDL) de Poitiers, un ancien compagnon d’armes de Raymond Kopp, malheureusement non identifié, écrit : « D’après les renseignements que j’ai sur sa famille, sa femme était de tendance pro-allemande, ce qui l’avait amené à rompre avec elle après la défaite et à engager une procédure de divorce ».
D’après le témoignage de son père (5 juin 1945), Raymond Kopp, « arrivé en France, [...] s’est rendu chez la famille Bernata aux Roches du Salon par Vergt (Dordogne) où avait été évacuée sa femme avec ses enfants au début de septembre 1939. Il avait été convenu entre lui et sa femme que c’est de la famille Bernata que sa femme pouvait avoir le cas échéant les renseignements nécessaires durant son absence ». On a vu en effet que Bernata accueillit Raymond Kopp en août 1942. Le père cite un courrier de Bernata, qui évoque un rapport complet remis en septembre 1944 au 2e Bureau à Périgueux et transmis à Niort sur l’« activité politique » de Kopp. « Il y est question du caporal-chef Kopp camouflé sous le nom d’Aubry au régiment de DAT (Défense Aérienne du Territoire) d’Avignon depuis le début de 1943 ». Bernata conseillait au père de contacter le 2e Bureau français. Mais ce rapport ne se trouve ni à Caen, ni à Vincennes.
Une pièce du dossier militaire de Raymond Kopp corrobore son détour par le sud-est de la France ; après son évasion – ou, plus probablement, sa désertion – il aurait été hébergé au 6e BI à Bourg-en-Bresse le 4 août 1942 puis à l’hôpital complémentaire du Mont-des-Oiseaux à Hyères en octobre 1942 ; réengagé à Avignon au 7e Bataillon du génie alpin et mis en route pour un groupement à Limoges le 1er novembre 1942 et enfin mis en congé d’armistice à compter du 25 janvier 1944 à Limoges par le Service du personnel de l’Air, 3e section.
C’est vraisemblablement à l’hôpital complémentaire du Mont-des-Oiseaux à Hyères (Var) qu’il rencontra Édith Parouty (épouse Aubry), née le 25 janvier 1914 à Saint-Pierre d’Eyraud (Dordogne), laquelle devint sa compagne et fut homologuée résistante. En effet, dans le dossier de cette dernière au SHD de Vincennes, il est indiqué qu’elle était infirmière manipulatrice en radiologie en poste d’octobre 1940 à décembre 1942 dans cet hôpital, avant de partir à Confolens (Charente) en janvier 1943 puis dans les Deux-Sèvres, à Melle de mai à juin 1944 et enfin à Chef-Boutonne jusqu’à la Libération.
Le couple s’installa donc d’abord en Charente (avec sans doute des incursions en Dordogne) et il eut bientôt une fille prénommée Elvire, Marie, Lucie, née le 22 septembre 1943 à Confolens (Charente) ; Édith attendait un deuxième enfant lorsqu’elle accompagna Raymond Kopp dans les Deux-Sèvres. Le garçon – prénommé Raymond, François, Joseph – naquit le 18 janvier 1945 à Chef-Boutonne (Deux-Sèvres). L’identité de sa compagne est à l’origine des pseudonymes d’« Aubry » puis de « Parouty » que Raymond Kopp a utilisés en 1943-1944.
Selon le témoignage d’un médecin d’Angoulême qui a identifié son cadavre, Gustave Béguier, « le lieutenant appartenait au 2e Bureau [...], cet homme était un ami, je le connaissais personnellement, il avait établi son PC chez moi. L’identité réelle du lieutenant Parouty est connue au 2e Bureau de Périgueux ».
Selon Édith Aubry, il arriva dans le sud des Deux-Sèvres au début de juin 1944 venant de Confolens (Charente), ville dans laquelle sa présence est signalée dès le mois de décembre 1942 dans un document anonyme conservé aux Archives nationales ; il y aurait écrit le 4 décembre le poème en vers libres cité à la fin de cette biographie. Quelle fut son activité résistante en Charente et en Dordogne de la fin de 1942 au premier semestre de 1944 ? Les sentiments exprimés dans le poème laissent supposer une menace associée à une activité clandestine périlleuse. Cécile Rol-Tanguy a attesté de contacts entre son mari Henri Rol-Tanguy alors interrégional FTP Poitou-Anjou, et Raymond Kopp en 1943. Rol-Tanguy était alors hébergé à Limalonges, dans l’extrême sud-est des Deux-Sèvres, non loin du Confolentais, et aurait, selon Cécile Rol-Tanguy, bien connu Raymond Kopp (déclaration et dédicace à sa petite-fille Marie-Agnès Kopp). Le dossier du SHD de Vincennes indique qu’il venait d’un « groupe autonome du maquis de Charente. » Ce qui est corroboré dans le dossier d’Édith Parouty par une attestation signée du Lieutenant-Colonel André Chabanne, ancien chef du maquis Bir Hacheim (AS), établie à Angoulême en date du 16 novembre 1950 dans laquelle il affirme qu’Édith Parouty – qui est alors la compagne de Raymond Kopp - a été affectée à l’AS 18 (maquis Bir Hacheim) de novembre 1943 à fin juin 1944, et qu’elle a participé à la Libération des départements de Charente et de Charente-Maritime.
Sur son arrivée et son action dans les Deux-Sèvres, nous disposons donc du témoignage de Robert Morin, dont les propos sont rapportés à la troisième personne. Celui-ci déclare « qu’en mai, il est approché par la Résistance locale et accepte de se rendre utile, grâce à sa carte professionnelle, en assurant le contact avec les divers petits groupes des environs. Vers le 25 juin, il lui est demandé d’aller chercher et de ramener à Chef-Boutonne, un résistant qui a fui la Charente où il est activement recherché et se cache aux Brousses de Melle chez une amie du Docteur Latour. […] Le jeune homme est ensuite chargé de le conduire auprès d’autres résistants et des maquis où l’homme n’est pas toujours bien accueilli : « on le soupçonnait ».
En effet, nouveau venu dans le département, Alsacien germanophone au parcours mystérieux, il suscita d’abord la méfiance parmi les résistants du Mellois. Et certaines de ses pratiques – on le verra plus loin – ne pouvaient qu’alimenter les suspicions. « Il cherchait à réaliser l’unité entre les maquis et a été déçu : chacun restait dans son coin et ne voulait pas d’ordres. » (Robert Morin).
D’après son dossier militaire, Raymond Kopp servit à compter du 1er juin dans les Forces françaises de l’intérieur-Armée secrète (FFI-AS) des Deux-Sèvres sous le grade et le nom de lieutenant Parouty, après avoir pris contact avec le capitaine Thomas (pseudonyme Guy, chef du Triangle 25 de l’AS). Il constitua le Groupe « Parouty » du Triangle 25, secteur 6 de l’AS des Deux-Sèvres, - une vingtaine d’hommes – placé sous les ordres du capitaine René Groussard, et dépendant du mouvement Libération-Nord. Son groupe cantonna d’abord à Touche Barre, une ferme isolée aux environs de Sauzé-Vaussais. Début août il établit son PC à Chef-Boutonne (Deux-Sèvres), à l’hôtel des Voyageurs, alors Café du Commerce, et fréquentait aussi le Café Gervais, place Malesherbes, « un emplacement d’où l’on pouvait plus facilement guetter une arrivée de l’occupant. » (Robert Morin).
Il recruta des volontaires pour passer au maquis, les accompagnant par petits groupes vers la Charente et le Limousin. Selon Robert Morin, « au Café du Commerce [de Chef-Boutonne], il y [avait] souvent des soldats allemands avec lesquels Parouty [avait] parfois des échanges, n’hésitant pas à les inviter à sa table (vraisemblablement pour les inciter à déserter). » Parmi eux, il y aurait eu notamment des Autrichiens. « Robert Morin souhaitait s’engager davantage, mais en dehors du contexte local. Il s’en ouvrit à Parouty qui lui proposa de le conduire en Charente et de l’introduire auprès de différents maquis. Fin juillet, avec six jeunes hommes recrutés par Robert, ils partirent pour Saint-Laurent-de-Céris [non loin de Confolens] où le petit groupe intégra le jour même un maquis de l’Armée secrète. Le lendemain, Raymond Kopp revint à Chef-Boutonne. » (Témoignage cit.)
Il participa aux opérations contre l’occupant et ses collaborateurs dans le pays mellois (attaques de convois et de détachements allemands). Le maire de Chef-Boutonne, lors des obsèques de Raymond Kopp affirma que sous le pseudonyme d’Aubry, « attaché au 2e Bureau de Périgueux toujours au service de contre-espionnage, envoyé dans les Deux-Sèvres, il y découvre habilement d’ailleurs plusieurs affaires d’espionnage et en particulier une d’elles très importante le samedi 12 août ». Il débusqua et élimina des collaborateurs des Allemands, notamment Cluzeau à Caunay. Dans un témoignage recueilli en août 2013, le résistant Pierre Guienne relate l’exécution d’une femme de Chef-Boutonne qui s’apprêtait à communiquer une liste de résistants aux Allemands.
En effet, il n’hésitait pas à revêtir l’uniforme allemand (récupéré auprès des déserteurs), ce qui – avec sa maîtrise de la langue – lui permit de monter des opérations audacieuses et de tromper l’ennemi et ses collaborateurs. Edmond Proust, alias Colonel Chaumette, le décrira après la Libération, comme un « chef énergique et courageux, souvent téméraire », un « entraineur d’hommes très apte au commandement. » Le Docteur Béguier souligne pour sa part « son étonnante audace. »
À la mi-août, en quelques jours, son destin bascula alors que les combats et la répression s’intensifiaient dans le pays mellois, un territoire où l’enjeu était double : à l’est le contrôle de la route nationale 10 et de la voie ferrée Bordeaux-Paris, un axe de communication vital pour les Allemands en repli, où ils étaient sans cesse harcelés par les maquisards, et, à Melle (Deux-Sèvres), celui de la distillerie avec d’importantes réserves de carburant convoitées par les résistants. Le 12 août, Raymond Kopp et ses hommes parvinrent à capturer des soldats du poste de garde de la distillerie où ils récupérèrent deux camions citernes. Le lendemain, en uniforme allemand, il participa, en liaison avec les autres groupes de résistance de Jousseaume (Fernand), Groussard et Tabourdeau, à l’attaque de la garnison de Melle. L’affrontement fut violent autour de la Kommandantur installée à l’hôtel Philippon où des Allemands s’étaient retranchés. Raymond Kopp et/ou Fernand Jousseaume, tous les deux germanophones, téléphonèrent à la garnison de la distillerie et obtinrent sa reddition. Les maquisards firent onze prisonniers emmenés dans le maquis. Sept furent confiés par Raymond Kopp à la garde de Pierre et André Guienne à Fontenille. Les Allemands avaient été surpris, et des représailles étaient à redouter. Or l’occupant fut renseigné par un agent infiltré dans la Résistance, qui se disait lieutenant parachuté et externe des hôpitaux, présent à Melle le 13, et qui connaissait Kopp et ses compagnons.
Raymond Kopp décida de se rendre à la Kommandantur de Niort le 14 août pour informer l’état-major allemand que les prisonniers seraient exécutés en cas de représailles. En uniforme noir d’officier SS – accompagné de Charles Lainé, René Goguelat, vêtus d’uniformes allemands et de Granet –, il s’arrêta dans la soirée à la distillerie pour se procurer du carburant. Les quatre hommes y furent interceptés par une patrouille de reconnaissance allemande. Le 8 janvier 1945, un témoin, Jean Fager – mobilisé sur le front de la poche de La Rochelle et en permission à Chef-Boutonne –, a raconté dans une déposition faite dans le cadre d’une enquête de gendarmerie sur les exécutions du 19 août au Chizon, les circonstances de l’arrestation du lieutenant Parouty et de ses compagnons. « Le 14 août, vers 21 h 15, j’ai été arrêté par les Allemands sur la place de Melle. Après m’avoir un peu brutalisé, ils m’ont conduit en camionnette à la distillerie de Melle où dans la grille d’entrée se trouvait la voiture Citroën pilotée par le lieutenant Parouty. Ce dernier était habillé en Allemand ainsi que Lainé et Goguelat. Ils étaient accompagnés de Granet demeurant à Mérilly, commune de Tillou (DS) actuellement au même régiment que moi. Tous les quatre étaient dans la voiture. Les Allemands ont parlementé avec Parouty. [Que les autres passagers fussent incapables de s’exprimer dans cette langue ne pouvait qu’alerter les Allemands]. Ceux-ci ayant aperçu un drapeau tricolore dans la voiture Citroën en ont fait descendre les occupants et les ont fait mettre le long d’un mur. Étaient présents : Savary, directeur de la distillerie, et un autre employé que je ne connais pas. Ces quatre personnes ont été frappées et j’ai même cru qu’elles allaient être fusillées sur-le-champ. Parouty a parlé en allemand et tous ont monté dans la camionnette où j’étais. Nous avons été conduits à la caserne Du Guesclin à Niort. Dès notre arrivée nous avons été frappés à coups de pied et de crosses de fusil ainsi qu’avec des grenades à manche. Ceci, commandé par le capitaine Wesse ou Weis (sic) de la Gestapo se passait vers 23 h 30. J’ai été mis ensuite dans la cellule no 4 avec Parouty. Lainé, Goguelat, et Granet étaient dans la cellule no 1. »
Raymond Kopp et ses compagnons furent torturés par les hommes de la Sipo-SD sous les ordres du capitaine Weiss. Selon Joseph Pineau, chef de bataillon de l’AS et président du CDL des Deux-Sèvres, « les Allemands les interrogent, renseignés par un traître – dont le nom est inconnu – qui assistait aux côtés de Parouty à la prise de Melle. Ils savent qu’ils ont fait des prisonniers et veulent leur faire indiquer le lieu de leur détention ». Le mouchard assistait aux interrogatoires ainsi que l’atteste Pierre Guienne, résistant arrêté à Fontenille le 15 août avec son père André. Ils le reconnurent pour l’avoir remarqué parmi les assaillants du 13 à Melle. Pierre et André Guienne furent incarcérés avec Raymond Kopp à Niort jusqu’au 19. Jean Fager relata les sévices infligés à Raymond Kopp. « Le 15 août, vers une heure du matin, le lieutenant Parouty a été emmené dans la salle d’interrogatoire, mais il a refusé de parler. Je l’ai entendu crier. À son retour vers 3 h 30, j’ai constaté qu’il avait été martyrisé ; il était tout ensanglanté et avait de nombreuses plaies à la tête, au cou, au dos et sur les bras. Il m’a dit qu’il venait d’être frappé à grands coups de nerf de bœuf. Il est resté dans ma cellule jusqu’au jour de son exécution ». Selon Joseph Pineau, « maltraité, Lainé, la mâchoire fracassée, – ce qu’atteste Fager dans sa déposition – fait comprendre qu’il veut écrire. Il livre alors à l’ennemi les noms des gardiens des prisonniers et du lieu où ils sont emprisonnés (raconté par Parouty à ses compagnons de captivité) ». Le 15, Raymond Kopp, ligoté, fut emmené en voiture par les Allemands dans la région de Fontenille, Chef-Boutonne et Aubigné lors des opérations de représailles. À Fontenille, les Allemands délivrèrent les sept prisonniers confiés à la garde de Guienne père et fils, capturèrent leurs gardiens et d’autres résistants. Sur leur route, ils assassinèrent plusieurs habitants et prirent des otages.
Les Allemands décidèrent de fusiller trois des hommes capturés à Melle le 14, ainsi que Camille Gratien, un maquisard arrêté à Chef-Boutonne le 15 août. Raymond Kopp griffonna sa dernière lettre, une courte missive destinée à sa « Chère Édith », sa compagne. Il y écrit notamment : « J’ai été martyrisé toute la nuit, j’ai essayé de me suicider mais sans succès 2 fois [...], j’ai engueulé le capitaine Weiss [...] je n’ai pas trahi et je ne trahirai jamais, tu élèveras nos enfants dans l’honneur [...]. Baisers, Adieu, Raymond ». Avec ses trois compagnons, il fut passé par les armes le 19 août à 21 h 30 au champ de tir aménagé par les Allemands à Chizon (Sainte-Pezenne, Niort) et enterré sur place. Les quatre corps ne furent exhumés et identifiés que le 21 septembre sur les indications tardives d’un fermier voisin.
Les dépouilles de Raymond Kopp, Charles Lainé et René Goguelat furent transférées le 26 septembre 1944 au cimetière de Lussais près de Chef-Boutonne, où ils reposent toujours. Raymond Kopp fut reconnu « Mort pour la France » en 1945, et interné résistant. Il fut homologué au grade de sous-lieutenant des FFI avec prise de rang au 1er août 1944. Enfin, il fut nommé à titre posthume chevalier de la Légion d’honneur par décret du 14 janvier 1948 du président de la République Vincent Auriol, récompense accompagnée de la citation suivante : « Résistant de valeur et entraîneur d’hommes remarquable, a fait preuve dans le maquis des Deux-Sèvres d’une ardeur combative au-dessus de tout éloge. A rendu des services considérables à la Résistance et s’est particulièrement distingué lors des combats pour la Libération en août 1944, notamment devant Melle. Capturé lors d’une mission le 14 août 1944, a trouvé la mort sous les balles ennemies le 19 août 1944 à Niort. A bien servi la cause de la Résistance pour laquelle il a fait le sacrifice de sa vie ». Cette nomination comporte l’attribution de la Croix de guerre 1939-1945 avec palme.
Son nom est inscrit sur plusieurs plaques à Chef-Boutonne et Lussais et sur le pupitre du site mémoriel de Chizon (Niort Sainte-Pezenne) inauguré le 28 septembre 2019 en présence de sa petite-fille Marie-Agnès Kopp.

Poème écrit par Raymond Kopp à Confolens (Charente) le 4 décembre 1942 selon un document anonyme coté AN 72 AJ 198 :
 
"Pressentiment
L’heure de ma mort sonne à mes oreilles
Je sens que depuis plusieurs mois
De mornes et angoissantes veilles,
La mort fugitive rôde autour de moi.
Je ne puis réagir contre le malheur
Mon cœur délesté d’espoir ne peut dormir
Il se sait livré à l’implacable fureur des jours à venir.
Verrai-je de la Libération poindre l’aurore ?
La douce vision des beaux jours revenir ?
Rien en moi ne fait éclore
L’illusion d’un retour de ces chers souvenirs.
Je descends lentement la fatale pente
Comme un vieux cheval fatigué dans son labeur,
Et de mes mains tremblantes
Je salue ceux qui me sont chers et je ferme mon cœur."



Lieu d’exécution et de massacre : Niort, Chizon de Sainte-Pezenne (Deux-Sèvres).
Sources

SOURCES : Dossiers SHD Raymond Kopp : AVCC, Caen, SHD/ AC 21 P 581403 et Vincennes, GR 16 P 322 287. — Dossier SHD Vincennes d’Édith Parouty : GR 16 P 458722. — Dossier SHD Vincennes de Georges Bernata : GR 16 P 52101. — Arch. Dép. Deux-Sèvres, R 363, 158 W 224. – AN 72 AJ 198. — Archives privées. – Michel Chaumet et Jean-Marie Pouplain, La Résistance en Deux-Sèvres, 1940-1944, La Crèche, Geste Éd., 2010. – Virginie Daudin et Dominique Tantin, Résister dans le Pays mellois, 1940-1945, Niort, 2006. – Témoignage de Pierre Guienne (Niort, le 19 août 2013). — Informations communiquées par Marie-Agnès Kopp, petite-fille de Raymond Kopp. — Témoignage de Robert Morin recueilli en novembre 2013 par Michèle Coulardeau-Miot et communiqué par Marie-Agnès Kopp. — Mémoire des Hommes. — MémorialGenWeb.

Dominique Tantin

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