BERNARD Roger
Né le 11 mai 1921 à Pertuis (Vaucluse), abattu le 22 juin 1944 à Saint-Martin-de-Castillon (Vaucluse) ; imprimeur ; Section atterrissages et parachutages (SAP).
Son épouse, Lucienne, infirmière, servit aussi d’agent de liaison.
Roger Bernard fut surpris par des hommes de la 8e compagnie Brandebourg, le 22 juin 1944, à l’entrée de Céreste qui avait été investie au petit matin. Un revolver aurait été trouvé dans son sac, mais d’autres rumeurs le dirent porteur de chaussures américaines ou de messages codés.
Il fut abattu près de la halte ferroviaire désaffectée de Viens sur la commune de Saint-Martin-de-Castillon. Son corps est laissé sur place avec ordre de ne pas y toucher. Le drame est évoqué par René Char dans Les Feuillets d’Hypnos 138 :
"Horrible journée ! J’ai assisté, distant de quelque cent mètres, à l’exécution de B.... Il est tombé comme s’il ne distinguait pas ses bourreaux et si léger, il m’a semblé, que le moindre souffle de vent eût dû le soulever de terre."
Il en fut d’autant plus touché que Roger Bernard était un poète prometteur. Jean Giono dit de lui dans son journal : « Écrivant des poèmes et un roman avec son grand talent étonnant, extrêmement personnel. Le plus personnel de tous ceux que je connais parmi les jeunes gens. Ayant un bel avenir, stupéfiant, sorti du peuple et destiné à devenir un grand poète ». René Char, qui écrit à son sujet dans « Le poème pulvérisé » (Fureur et mystères) que « L’horizon des monstres était trop proche de sa terre », fait publier ses poèmes en décembre 1945 dans Les Cahiers d’art, sous le titre « Ma faim noire ». Ils ont été réédités par Pierre Seghers en 2004 dans la collection « Poésie d’abord ». On y trouve notamment :
« Adieu blancheur coupante de l’été.
Adieu coton du peuplier,
Bave du tamaris,
Flamme de sariette.
La cigale a battu le blé !
Douleur,
Vien sur mon cœur ;
Qu’il se soumette.
Je pénètre à présent ce que ton doigt m’indique.
Je vais vivre.
Je vis !
Je vis sur l’éternelle joie vivante de mourir ! ».
Une stèle est érigée sur les lieux du drame après la Libération. Son nom est donné à une place de Viens au début des années 1970.
SOURCES : Association des amis du Musée de la Résistance et de la Déportation, La mémoire gravée. Monuments, stèles et plaques commémoratifs de la Seconde Guerre mondiale dans le département de Vaucluse, Fontaine-de-Vaucluse, Musée d’Histoire, 2002.— René Char, Les Feuillets d’Hypnos, 1946 et article dans L’Éternelle Revue, avril 1945 (Marie-Claude Char, René Char. Dans l’atelier du poète, Paris, Quarto Gallimard 1996). — Jean Giono, Journal de l’Occupation (Paris, Gallimard, La Pléiade, 1995).— Jean-Paul Jouval, Mémorial des victimes des communes du canton d’Apt. Seconde Guerre mondiale, Indochine, Algérie, Apt, Le Souvenir français, 2017, p. 163. — Mémorial de la Résistance et des combats de la Seconde Guerre Mondiale dans les Basses-Alpes, Digne, Secrétariat aux Anciens Combattants–Commission départementale de l’Information historique pour la Paix des Alpes-de-Haute-Provence, 1992. — Pierre Seghers, La Résistance et ses poètes (France 1940-1945), Paris, Pierre Seghers, nouvelle édition 2004. — Jean Soupiron, témoignage dactylog. — Vaucluse 44, l’année de la liberté retrouvée. Aspects de la Résistance et de la Libération, Avignon, ONAC-Mission du 60e anniversaire des Débarquements et de la Libération de la France-Département du Vaucluse, 2004.
Jean-Marie Guillon