Née le 23 septembre 1919 à Radomysl (Pologne), guillotinée le 17 juillet 1942 à la prison de Cologne (Allemagne) ; couturière à domicile ; militante communiste ; résistante à Paris, agent de liaison de Conrado Miret-Muste dans l’Organisation spéciale des groupes de la Main-d’œuvre immigrée (OS-MOI).

Simone Schloss
Simone Schloss
Simone Schloss, célibataire de nationalité polonaise, demeurait 20 rue Dénoyez à Paris dans le XXe arrondissement, chez ses parents, Jacob, menuisier, et Malka née Reiss, Juifs polonais arrivés de façon légale en France en septembre 1923. Avant-guerre, Simone Schloss militait dans son quartier, à l’Union des jeunes filles de France, équivalent féminin des Jeunesses communistes pour les garçons, ainsi qu’au Parti communiste.
Le 1er mars 1941 des gardiens de la paix du quartier de Belleville l’interpellèrent avec ses amis militants alors qu’ils distribuaient le journal L’Avant-Garde. « Tous Israélites », notait en rouge l’inspecteur. Elle fut inculpée pour infraction au décret du 26 septembre 1939 pour propagande communiste. Le 29 août 1941, la Section spéciale, tribunal d’exception créé par Vichy, déclarait irrecevable son recours en appel.
Elle purgea ses huit mois de prison, puis poursuivit son activité militante dans la clandestinité. Pour protéger ses parents et respecter les règles de sécurité, elle logeait 163 boulevard de la Villette près de chez son amie Marie-Thérèse Lefèbvre et de son mari Paul, qui tenaient un magasin de cycles au 131. Elle devint agent de liaison de Conrado Miret-Muste, l’un des fondateurs et chef de l’OS-MOI. À ce titre, elle transportait des tracts, mais surtout des armes et des explosifs pour les nombreuses actions (attentats, sabotages – ou tentatives) que les résistants communistes menaient depuis l’été 1941. Paul Lefèbvre réparait et entretenait les armes récupérées. Tout ce stock était caché avec les munitions correspondantes sous le parquet du magasin... et fut saisi lors de leur arrestation par les inspecteurs de la BS2 à la suite de l’arrestation de Marcel Bertone, le 9 février 1942. Les policiers saisirent 52 rouleaux de poudre, 8 tubes à bombes, 5 pistolets à chargeur automatique, 3 revolvers à barillets et un lot de cartouches. Ils passèrent deux mois entre les mains de la BS2 des Renseignements généraux et de la police de sécurité allemande (Sipo-SD), mais les policiers ne semblent pas avoir réussi à connaître toutes les activités de Simone Schloss, notamment sa fonction d’agent de liaison et porteuse d’armes pour l’OS. Elle avoua seulement avoir donné en garde à Marie-Thérèse Lefèbvre des paquets reçus d’une certaine Lily, mais dont elles ignoraient le contenu. Paul Lefèvre était censé n’être au courant de rien, ce qui lui sauva la vie.
Depuis l’été 1941, les militants communistes s’étaient lancés dans l’action armée (attentats et sabotages). Le commandant militaire du Gross Paris (MBF), aiguillonné par Hitler, avait répliqué par des fusillades massives d’otages, faute de pouvoir arrêter les auteurs des actions armées. Mais au cours de l’hiver, un grand nombre de militants impliqués dans ces actions furent arrêtés par les policiers parisiens des Brigades spéciales (flagrants délits, imprudences, interrogatoires et filatures) et livrés aux Allemands, terriblement interrogés par les uns et les autres. Les jeunes résistants de ce qu’on nommera plus tard les « Bataillons de la jeunesse » et les adultes de l’OS furent décimés.
Nous sommes alors encore dans la phase de répression judiciaire allemande, à façade « légale ». Pour mieux stigmatiser les « terroristes » dans l’opinion publique et dissuader les résistants par la terreur, un premier simili-procès s’était tenu en mars 1942 au Palais-Bourbon devant le tribunal militaire du Gross Paris : Les sept militants des Bataillons de la jeunesse avaient tous été condamnés à mort comme « francs-tireurs » et fusillés le 9 mars 1942.
Simone Schloss fit partie des vingt-sept nouveaux « terroristes » inculpés auxquels les polices française et allemande reprochaient au moins trente-quatre attentats pour lesquels les faits étaient établis. Un vingt-huitième, Conrado Miret-Muste, avait succombé sous la torture avant l’ouverture du procès. Ils furent traduits devant le même tribunal militaire siégeant cette fois à la Maison de la Chimie du 7 au 14 avril 1942. Le procès, une nouvelle parodie de justice, se déroula dans les mêmes conditions : les mêmes juges militaires saluant les officiers et policiers nazis, des avocats bilingues nommés d’office et n’ayant ni accès aux dossiers ni contact avec les accusés, tortures pendant une suspension d’audience pour l’un d’entre eux qui niait, procès tenu en allemand, en principe public mais interdit aux familles. Le président Gottlob adressa ses félicitations à la police française dont l’action avait été déterminante et se réjouit de cette collaboration. Il disqualifia les accusés, ces « soi-disant patriotes, en fait des agents de Moscou ». La presse collaborationniste était présente pour mieux stigmatiser les futurs condamnés, les traitant de « canaille », de « misérable troupeau de voyous ». Le journal Au Pilori leur déniait même la qualité d’hommes. Le Parizer Zeitung citait le président : « ce jugement bien sûr n’était pas rendu contre des Français, mais (seulement) contre des communistes ».
Sur les vingt-cinq condamnés à mort le 14 avril, les vingt-trois hommes ont été fusillés dès le 17 avril 1942 au Mont-Valérien. Différente était la procédure applicable aux femmes condamnées à mort en France par un tribunal militaire allemand, cas de Simone Schloss et de Marie-Thérèse Lefèbvre, leur peine capitale étant systématiquement commuée. Elles étaient transférées en Allemagne sous la procédure Nacht und Nebel (NN) avec secret des procédures, des destinations, des condamnations. Elles étaient alors, soit rejugées par un tribunal civil, soit subissaient l’exécution de leur peine capitale mais selon les modalités du code civil allemand ; elles étaient donc guillotinées.
Le tribunal militaire allemand (dossier 113/1942) avisa le 21 avril le préfet de police de la condamnation à mort de Simone Schloss comme « franc-tireur », peine assortie d’un sursis jusqu’à ce qu’une décision intervienne au sujet de son recours en grâce. Le procureur de Düsseldorf était prié d’en assurer la détention. Déportées toutes deux dans un convoi de politiques du 27 avril 1942, les deux femmes subirent un sort différent : Marie-Thérèse survécut aux camps de concentration ainsi que son époux. Simone Schloss, « israélite », fut transférée à Karlsruhe, à la forteresse d’Anrath puis à la prison de Grefield et à celle de Cologne où elle fut guillotinée le 17 juillet 1942.
Elle avait moins de vingt-trois ans. Comme cette poignée de jeunes femmes résistantes actives, telles que France Bloch-Sérazin, Suzanne Masson ou Olga Bancic, elle ne fut certes pas fusillée en France parmi ses compagnons de lutte, mais exécutée seule et cruellement dans une prison allemande.
Ses parents, eux-mêmes arrêtés pour « menées terroristes » et incarcérés deux mois puis relaxés faute de preuve, avaient croisé leur fille au Dépôt de la préfecture de police. Ils reçurent quelques semaines après une lettre de leur fille les informant qu’elle partait dans un camp de concentration en Allemagne. Le préfet de police, prévenu de son exécution par les Allemands, n’avait pu les informer de la funeste nouvelle.
Le ministère des Anciens Combattants attribua la mention « Morte pour la France » à Simone Schloss le 27 décembre 1957. La mention « Morte en déportation » du ministère de la Défense du 3 mars 2000 figure également sur son acte de décès. Simone Schloss a été homologuée à titre posthume comme soldat de deuxième classe par les autorités militaires. Une plaque commémorative est apposée 28 rue Saint-Dominique à la Maison de la Chimie, son nom y figure en fin de liste, après ceux des fusillés, mais avec eux.
Sources

SOURCES : Arch. PPo. 77W 1601, 1W 0629. – DAVCC, Caen, Boîte 6, Liste S 1744 (Notes Thomas Pouty). – J.-P. Besse, T. Pouty, Les fusillés (1940-1944), op. cit. – J.-M. Berlière, F. Liaigre, Le sang des communistes, les Bataillons de la jeunesse dans la lutte armée. Automne 1941, Fayard, 2004. – FMD, Livre-Mémorial, op. cit. – A. Rossel-Kirschen, Le Procès de la Maison de la Chimie, L’Harmattan, 2002. – A. Ouzoulias, Fils de la nuit, Grasset, 1985 et Les Bataillons de la jeunesse, Éd. Sociales, 1975. – « La Résistance dans le XIXe arrondissement ». – 1940-1945, ANACR. – Sites Internet La vie des gens. – Mémorial GenWeb. – Yad Vashem, avec photo (photo ChronosFilm). – État civil, Paris (XXe arr.).

Iconographie
PHOTOGRAPHIE : Arch. PPo. GB 188 cliché du 13 février 1942.

Françoise Ramaut

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