Le 21 août 1944, huit maquisards de la haute vallée de l’Orb (Hérault) qui participaient à l’effort de retardement des forces allemandes en retraite furent exécutés par les Allemands appartenant à une colonne du 171e régiment d’infanterie venue de Saint-Pons (Hérault). Ce furent des exécutions sommaires, extrajudiciaires.

Lieux de combats dans l'ouest héraultais
Lieux de combats dans l’ouest héraultais
La route de la retraite allemande traverse le haut bassin de l’Orb
Lieu de l'exécution route de Faugères
Lieu de l’exécution route de Faugères
Trois stèles au col de Peytafi
Stèle FFI au col de Peytafi
Stèle FFI au col de Peytafi
En mémoire de Louis Marres
En mémoire de Louis Marres
Stèle pour le benjamin des victimes.
Plaque pour la jeune provençale agent de liaison du maquis Paul Claie
Plaque pour la jeune provençale agent de liaison du maquis Paul Claie
Sur le Larzac une croix pour chaque maquisard abattu à La Pezade
Sur le Larzac une croix pour chaque maquisard abattu à La Pezade
Près du Caylar : aucun des maquisards ne survécut le 23 août 1944.
Les noms des victimes du combat de la Pezade.
Les noms des victimes du combat de la Pezade.
Un appel au souvenir sur la stèle des victimes de la Pezade.
Louis Marres, tué par les Allemands en retraite . Il avait 17 ans.
Louis Marres, tué par les Allemands en retraite . Il avait 17 ans.
Louis Marres, fils du géographe Paul Marres.
Le col de Peytafi est situé à 346 mètres d’altitude sur la route d’Hérépian à Béziers, non loin de Faugères. Cette ancienne route nationale 609 a été redessinée et est aujourd’hui la départementale 909 et 909 A. Là ont été érigées 3 stèles en hommage aux victimes dont le plus jeune, Louis Marres, n’avait que 17 ans. L’une des stèles lui a été réservée ; une autre porte le nom de la seule femme du groupe, Andrée de David-Beauregard ; sur la troisième sont gravés les huit noms des résistants tués le 21 août par la même colonne allemande. La stèle porte le sigle des FFI et le dessin du bonnet phrygien.
Depuis le débarquement du 15 août en Provence, les DMR avaient ordonné à plusieurs reprises aux résistants armés de freiner et d’affaiblir les troupes allemandes pendant leur marche vers la vallée du Rhône à travers le Languedoc. Les routes qui traversent les hauts cantons, étroites, tortueuses, furent souvent préférées par les Allemands de la 19e Armée, depuis l’ordre de repli général du 17 août. En effet, les voies qui traversent les plaines d’ouest en est, surveillées par l’aviation alliée, étaient devenues les plus dangereuses. Non qu’il n’y eût de grands risques sur le réseau secondaire propice aux embuscades dressées par les maquisards, et très endommagé depuis juin par les sabotages du Plan Tortue. La semaine du 19 au 26 août fut meurtrière pour les Allemands, pour les résistants, et aussi pour des civils sans armes abattus au passage par des soldats épuisés, traqués, que la peur rendait furieux. La colonne responsable des exécutions du 21 août venait de Saint-Pons où avaient eu lieu des combats et cherchait à gagner Béziers en passant par la région de Bédarieux. Qui étaient les maquisards du haut pays de l’Orb ? Les uns faisaient partie de l’AS, l’Armée secrète créée par Combat, les autres, proches des communistes, appartenaient aux FTPF, et aussi à l’Action ouvrière très active dans le pays minier de la haute vallée de l’Orb Deux jours de suite, les 21 et 22 août 1944 les maquis de la région se heurtèrent aux Allemands en retraite.Le 21 sur le territoire de Faugères, le 22 à Colombières-sur-Orb.
Trois maquis furent impliqués dans le drame du 21 août : le maquis Bertrand AS qui avait rassemblé depuis juillet 1944 de petits groupes de Graissessac et du Bousquet d’Orb, le maquis FTPF du Vernazoubre, du nom d’un petit affluent de l’Orb, et le maquis AS de Laurens au sud de Bédarieux, qui contrôlait des voies ferrées — Béziers-Neussargues — et aussi les deux routes menant de Bédarieux à Béziers ou Pézenas. Ces maquis, depuis juin, oeuvraient de concert, tant pour organiser des sabotages que pour répondre aux attaques des Allemands ou des GMR. Bertrand, mieux approvisionné que les FTP de Vernazoubre, leur avait fourni des armes. Les deux organisations avaient recruté d’abord dans le bassin houiller. Les mineurs « maîtres du sol mais aussi du sous-sol » comme l’a écrit Gérard Bouladou, bénéficiaient d’une topographie propice aux embuscades en ce pays de moyenne montagne très forestier, et aussi de la connaissance du sous-sol minier, dédale de galeries actives ou abandonnées qui étaient autant de refuges. Après le débarquement de Normandie, ils avaient été rejoints par des étudiants de Montpellier et des cheminots de Béziers
L’après-midi du 21 août, vers 17h, des hommes du maquis Bertrand commandés par le lieutenant FFI Camillerapp rencontrèrent près de la Caumette et enrôlèrent des jeunes gens du Bousquet d’Orb alors qu’ils auraient du aller surveiller le col de Peytafi. Or, une jeune femme, agent de liaison, allait passer par ce col pour se diriger ensuite vers Béziers. Elle portait un message du Commandant Barthez, chef du maquis Paul Claie, de Saint - Affrique, au capitaine Cabrol, responsable des corps francs biterrois. C’était l’ordre de participer à la garde de la Nationale 9 à la limite du Larzac, au Pas de l’Escalette. Il fallait retenir sur le plateau les Allemands qui venaient de Rodez et de Millau, les empêcher de descendre vers Lodève. Un ordre venu de l’état-major FFI. Le sabotage lui-même était confié à un groupe du maquis Paul Claie.
La messagère du maquis de Saint-Affrique s’appelait Andrée de David-Beauregard. C’était une infirmière de 28 ans. Elle circulait en bicyclette et dut s’arrêter au col de Peytafi à cause d’une crevaison. La mission était dangereuse car une colonne de fantassins qui avait quitté Toulouse le 19 août et s’était heurtée le 20 à Saint-Pons (Hérault) au maquis Latourette venait de s’engager vers Lamalou et Hérépian (Hérault). Une partie de la colonne prit la même route que la jeune femme.
Andrée de Beauregard fut d’abord rejointe par Louis Marres, jeune lieutenant FFI qui circulait en moto pour aller chercher ce jour-là l’appui des maquisards de Laurens. Tous deux furent surpris par l’arrivée d’un camion allemand qui arborait des drapeaux français pris à Herepian (Hérault). Ils furent immédiatement abattus. Les hommes de Camillerapp arrivés trop tard à Peytafi, prirent les Allemands en chasse. Ceux-ci, déjà accrochés par les résistants de Laurens, furent rejoints entre Magalas et Puimisson. Les occupants du camion allemand furent tués après avoir exécuté six résistants, dont Jean Camillerapp. Quant à la colonne allemande venue de Millau, elle tendit une embuscade au groupe de sabotage de Paul Claie le 22 août à La Pezade (Aveyron) et les 23 FFI furent tués. Les drames de La Pezade et du Col de Peytafi (Hérault) sont liés : la décision de barrer le passage le 21 août aux forces allemandes entre le sud du Massif Central et les plaines du Biterrois aboutit donc à un échec.
Les maquis étaient sociologiquement hétérogènes, avec, dans le pays minier, une majorité d’ouvriers. Ce qui avait conduit Louis Marres à cacher ses origines familiales bourgeoises, et Andrée de Beauregard à taire ses attaches aristocratiques. Les pseudos seuls étaient utilisés : « Luc » pour Louis Marres, « Odette » pour Andrée de Beauregard. Deux des victimes de la rencontre à Peytafi avaient un grade FFI : celui de lieutenant pour Louis Marres, celui de capitaine pour Jean Camillerapp. Mais ces deux hommes étaient en fait des civils venus aux maquis par patriotisme. Il en était de même pour les autres, employés, ouvriers, mineurs. De plus, trois d’entre eux n’avaient pas 20 ans. Le plus âgé du groupe, Sauveur Deles, était un ouvrier ajusteur né en 1900. Ce n’est pas une situation d’exception : la résistance intérieure armée a été le plus souvent privée d’expérience militaire, sauf quand elle avait l’appui d’anciens des Brigades internationales, de guérilleros, ou encore, comme dans les maquis de l’ORA, d’officiers d’active. Mais le cas de la jeune femme tuée au col de Peytafi était particulier à plusieurs titres : elle venait de Provence, était infirmière, et n’était arrivée à Montpellier qu’en mai 1944 pour en repartir très vite vers l’Aveyron et y devenir l’agent de liaison du maquis de Saint-Affrique.
Monuments commémoratifs :
En bordure de la route Bédarieux-Béziers, sur la commune de Faugères (Hérault), 3 stèles côte à côte, l’une pour les 8 victimes de la rencontre de Peytafi, une autre pour Louis Marres et la troisième pour Andrée de Beauregard.
Sur la commune de Saint-Affrique (Aveyron), quartier des Cazes, la « peira levada » en souvenir de tous les morts de la Résistance. ̶ Au cimetière de Saint-Affrique, la tombe de trois maquisards tués à La Pezade, Roland Dreby, Marcel Baumgartner — ancien des Brigades internationales -, et Alémo Rakin, déserteur de l’armée allemande, tous trois membres du groupe de sabotage du maquis Paul Claie.
Sur la R.N. 9, au lieu dit La Pezade, le monument à la mémoire des 23 FFI tués à La Pezade ; Sur le monument, un drapeau avec la croix de Lorraine et les noms des 23 victimes. Inscription : « VOYAGEUR ! …qui passe accorde un peu de ta pensée à ces 23 patriotes qui sont morts pour que vive la France ».
Liste des exécutés du 21 août 1944 :
Alonzo François, né le 1er avril 1926, demeurant à Graissessac (Hérault), mineur
Baptiste Irénée, né le 22 janvier 1903 à Vendres (Hérault), ouvrier agricole.
Beauregard (de) Andrée, pseudo « Odette », née le 9 septembre1915 à Toulon (Var), infirmière.
Bolos Antoine, pseudo « Goupil », né le 17 juin 1925 à Graissessac (Hérault) , mineur
Camillerapp Jean, né le 16 juin 1917 à Montrevault (Maine-et-Loire), industriel à Lunas (Hérault)
Deles Lucien, Sauveur, né le 15 juillet 1900 à Toulon (Var), ajusteur à Hérépian (Hérault)
Hue Marcel, né le 28 novembre 1914 à Pau (Basses-Pyrénées Pyrénées-Atlantiques) comptable à Ceilhes (Hérault)
Marres Louis, Paul, Augustin, pseudo « Luc », né le 8 novembre1926 à Montpellier ( Hérault), lycéen.
Oeuvres

Lieu d’exécution du col de Peytafi ( Hérault)

Sources

SOURCES : Arch. Dép. Hérault, documents mis en ligne le 22/07/2014 : « Août 1944, l’Hérault libéré ! ». — Gilbert de Chambrun, Journal d’un militaire d’occasion, Les Presses du Languedoc, Montpellier, 2000, 191 p. — Gérard Bouladou, Les maquis du Massif central méridional, 1943-1944, Thèse Paul Valéry, Montpellier, tome 2, 1974, éditée en 1975, 953 p. — Mémorial du Rouergue en résistance, ONAC, Rodez, La Papeterie Ruthénoise, Rodez, 1991. — Harry Roderick Kedward, À la recherche du maquis, la Résistance dans la France du Sud, 1942-1944, Paris, éditions du Cerf, 1999, 473 p. — Laurent Roubertier (Dir), Colloque de Rodez, L’Aveyron 1939-1945, 179 p. — Jean-Claude Richard, « Les passages des colonnes allemandes dans le cœur d’Hérault au mois d’août 1944, et l’embuscade d’Aniane (26 août) par le maquis Roland », Études héraultaises, 43, 2013, pp.185-192.

Hélène Chaubin

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