Le village de Neaux (Loire), dans un paysage de collines verdoyantes, est traversé par la Nationale 7 et se situe à 12 kms de Roanne (Loire), à 4 kms de L’Hôpital-sur-Rhins et à 3 kms de Saint-Symphorien-en Laye (Loire). En 1936, il comptait 508 habitants et 476 en 1946.

La Goutte et La Vive sont des lieux-dits.

le 18 août 1944, 14 résistants et 4 victimes civiles y trouvèrent la mort.

En août 1944, après le débarquement de Provence et l’avancée des Alliés dans la vallée du Rhône, l’annonce d’un départ imminent de la Wehrmacht courut dans toute la région Rhône-Alpes. Le repli des unités ennemies s’opérait en direction de Lyon (Rhône) où les Allemands avaient décidé de concentrer toutes leurs forces. Des combats avec des résistants accompagnèrent ces différents mouvements. Le 17 août 1944, René Gentgen, adjoint à Jean Marey commandant de l’Armée Secrète pour La Loire, arriva à Roanne (Loire) pour remédier à des conflits internes et accélérer la mise en place d’unités combattantes. Il y apprit qu’un convoi de France-Rayonne et de Rhein-Métall devait quitter la ville le lendemain 18 août, à 6 heures, en direction de Lyon. L’information, venant d’un polytechnicien résistant qui connaissait bien l’entreprise, était fiable ; les réquisitions des véhicules de transport étaient terminées et le matériel prêt à l’embarquement. Les cars et camions partiraient de la caserne Combe et emprunteraient la nationale 7. Gentgen vit là « l’occasion d’offrir une proie facile » au groupe Henry de Saint-Georges-de-Baroille (Loire), formé de résistants courageux et patriotes mais affecté de problèmes récurrents de commandement. Ordre fut donné à Carrière, lieutenant de réserve et à Guidotti, sous-officier d’active, de tendre une embuscade au détachement allemand. Carrière, qui connaissait bien le terrain mais n’avait pas la même confiance dans tous ses hommes, sollicita l’appui du groupe Boyer de Saint-Germain-Laval (Loire), stationné tout près d’eux à la ferme Lafay. L’opération était présentée sans risques insurmontables, le passage des techniciens et ingénieurs allemands étant prévu sans escorte particulière sinon des hommes armés individuellement.
Dans la nuit du 18 au 18 août, le guet-apens s’organisa en hâte. Carrière commandait 21 résistants tandis que Jean Boyer désigna 40 hommes parmi les siens ; tous portaient des pantalons de treillis marron et des brodequins mais leurs chemises et leurs vestes étaient de couleurs ordinaires. Une traction avant noire et deux camions poussifs - un véhicule à gazogène appartenant à la Maison Cherblanc de Nervieux, et un camion-benne des Ateliers de Constructions de Roanne - transportèrent les hommes jusqu’aux virages que dessinait la RN 7 à un kilomètre et demi avant Neaux. L’endroit leur avait été indiqué comme propice pour l’embuscade par Lucien Jacqueton, chef des sédentaires de l’Armée Secrète à L’Hôpital-sur-Rhins. On se gara dans le sens du retour et le dispositif fut en place vers 4 heures du matin. Carrière assumait l’action principale, ses hommes portaient des fusils mitrailleurs, des armes de poing et des grenades à main ; le groupe Boyer constitué d’une forte section d’infanterie avec 4 fusils mitrailleurs, venait en appui. Installés en surplomb, les armes automatiques et légères permettraient de bloquer plusieurs centaines de mètres de route et un repli était possible par la vieille route. Seule au-dessus d’eux, près d’un petit bois d’acacias, se dressait la maison Martinet. Les ordres seraient donnés à la voix. L’embuscade semblait organisée de façon pertinente.
Les heures passèrent, le convoi n’arrivait pas. Vers 8 heures 50 heures, alors que les résistants lassés par l’attente allaient décrocher, une colonne militaire allemande fortement armée, arriva dans l’autre sens au niveau du hameau de La Vive. Ce convoi de la Wehrmacht, protégé en tête et fin de marche par une automitrailleuse et une camionnette équipée d’un canon, était composé d’un camion chargé de soldats suivi près de quatre-vingts autres camions avec deux à trois hommes à bord ; un motard, tête nue, faisait le va-et-vient le long de la colonne. En tout 160 soldats allemands armés et prêts à en découdre. Le motard, à l’approche du village, se mit en position d’éclaireur où il découvrit sans doute le dispositif de Jean Boyer. Ce dernier tenta de donner l’ordre de rester cachés mais à 8 heures 55, un coup de feu isolé partait du côté des résistants : le motard était abattu. Un camion allemand prit feu sous les tirs de fusils mitrailleurs et la riposte fut immédiate.
Un combat, très inégal, s’engagea laissant sur le terrain une dizaine de soldats ennemis et 15 résistants : ceux de Saint-Georges-de-Baroilles comptèrent douze tués, ceux de Saint-Germain-Laval, deux dont leur chef Jean Boyer. Les autres maquisards réussirent à s’échapper, poursuivis jusque dans les bois, souvent secourus par les gens du pays ou des maquis voisins. L’un d’eux, Jean Nourrisson, doyen du groupe Boyer, se cacha dans la forêt où il resta quatre jours durant. Les fusiliers allemands installèrent deux mitraillettes en batterie face au lieu-dit la Goutte et la maison Martinet fut bientôt submergée par des tirs de DCA. La ferme fut livrée au pillage et incendiée par un groupe de soldats à pied qui exécutèrent Edouard Martinet son propriétaire. La vieille route qui constituait le passage obligé pour les rescapés était prise entre deux feux ennemis. René Simon, l’adjoint de Jean Boyer, lutta avec le dernier carré du maquis, il y eu des blessés mais les pertes furent réduites. Les Allemands désormais maîtres du terrain s’emparèrent de la traction avant et incendièrent les deux camions des résistants. A 10 heures, le silence se fit sur Neaux et le convoi de la Wehrmacht reprit sa route vers Roanne. Les maquisards, malgré la tension extrême et les pertes qu’ils venaient de subir, se regroupèrent dans la même journée.
La garnison allemande de Roanne, avisée de l’accrochage, dépêcha des autos- mitrailleuses et quelques fantassins sur la RN 7. A la Vive, trois jeunes cyclistes qui suivaient un camion, furent pris pour des résistants et interceptés par une patrouille allemande. L’un d’eux, Raymond Roberton, d’abord touché par les tirs, fut achevé à la mitraillette sur le bord de la route ; les deux autres André Vacheron et Tony David qui s’enfuyaient furent abattus et leurs cadavres pillés.
Vers 14 heures 30 à Neaux, une patrouille allemande croisa la route de quatre autres jeunes gens ; l’un d’eux René Jacqueton prit peur et s’enfuit bien que blessé à la jambe par des tirs ; les trois autres furent arrêtés et emmenés. A Pontcharra-sur-Turdine, des sentinelles allemandes étaient postées à proximité d’une auto mitrailleuse en panne tandis que cinq officiers de la Résistance du Rhône tentaient de passer le carrefour qu’elles gardaient. Ces derniers furent arrêtés à leur tour et tous furent amenés à Roanne : l’un des résistants, Joseph Besson réussit à s’évader tandis que Paul Girin dit Lieutenant Pascal voulut l’imiter et fut abattu ; les trois autres Charles-Jean Pannetier, Billard Etienne-Marie et Gaston Roos furent fusillés le 19 août à Roanne quai du Renaison tandis que les trois jeunes gens furent relâchés.
Le matin du 18, le convoi de Rhein-Métall formé de deux cars et de 5 ou 6 camions, avait bien été affrété à la caserne Combe de Roanne ; quelques soldats armés accompagnaient les véhicules. Son départ fut retardé par un des chauffeurs de car parti pour faire le plein. Le convoi s’engagea sur la RN 7 à plus de 9 heures et stoppa à l’Hôpital-sur-Rhins alors que la bataille faisait rage à Neaux. Il ne reprit la route que lorsque la colonne allemande attaquée se fut dégagée. A Neaux, au tout début du combat, une traction avant noire était d’ailleurs arrivée de Roanne et ses deux occupants avaient été touchés par les balles résistantes ; secourus par les allemands et repartis avec eux, leurs papiers furent retrouvés sur place par Joseph Vignon, auteur d’un récit complet sur les évènements. La voiture était une Citroën officielle du Ministère de la Production industrielle de Vichy. La colonne de la Wehrmacht attaquée était un groupement de marche constitué par la 19ème armée allemande retraitant vers le Nord. Son arrivée à Neaux était imprévisible puisqu’elle aurait dû logiquement emprunter la nationale 6 ; les raisons exactes de ce choix d’itinéraire restent inexpliquées.
Les résistants morts au combat contre la Wehrmacht : Barge Claude, Blain Pierre, Boyer Jean, Corcelle Lucien, Guesnier André, Giraud Fernand, Kaszemacher Jacques, Mahé Albert, Magna Jean, Rajat Adrien, Roche Etienne, Vaudaine Marcel, Vial André, Zbinden Henri.
Les victimes civiles exécutées par la Wehrmacht : Martinet Edouard, David Tony, Roberton Raymond, Vacheron André.{}
Sources

SOURCES : Arch.Dép.. Rhône Mémorial de l’Oppression, 3808W742. — Arch. Dép.. Loire : René Gentgen, Combats livrés par l’Armée Secrète de la Loire en 1944, 11 J 436. – Joseph Vignon : le combat de Neaux, 18 août 1944, supplément au Résistant de la Loire N°73. --- Témoignage Thérèse Pin in Le petit novalien, N° 12 de janvier 2014. --- État civil de Neaux.

Michelle Destour

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