Né le 12 septembre 1899 à Milan (Italie), condamné par un tribunal allemand, fusillé le 10 avril 1942 au Mont-Valérien, commune de Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine) ; monteur électricien ; combattant volontaire en Espagne républicaine ; militant syndicaliste et communiste ; résistant.

Félix Pozzi (à droite) et Savenaud (au centre) en Espagne, en 1938
Félix Pozzi (à droite) et Savenaud (au centre) en Espagne, en 1938
Félix Pozzi était le fils de deux antifascistes, Philippe et Theodolenda Brechani. En Italie, il suivit les directives du Parti socialiste et mena la lutte antimilitariste contre l’impérialisme italien. Il fut arrêté lors de la manifestation du 1er mai 1917 à Milan, incarcéré, jugé le 2 juin sous l’accusation de « rébellion contre la force armée ». Il comparut devant les juges avec un groupe de manifestants. Il fut condamné à neuf mois de prison avec sursis, en raison de sa convocation pour effectuer son service militaire en juin. Motoriste d’aviation, il effectua trente mois de service militaire à Turin, à Parme (Italie), et au front comme soldat d’octobre 1917 à novembre 1918.
Dans le contexte du chômage et de la montée du fascisme, Félix Pozzi, comme beaucoup de ses compatriotes, vint travailler en France. Il traversa la frontière à Vintimille (Italie), puis à Menton (Alpes-Maritimes), pour rejoindre le Territoire-de-Belfort, puis la région parisienne. Il se maria avec Anna Zicelle, une compatriote italienne, née le 30 juin 1891 à Udine (Italie). Ils habitaient Petit-Chemin du Bel Air, à Sannois (Seine-et-Oise, Val-d’Oise) et eurent deux enfants, Roger, né le 13 septembre 1920 à Belfort (Territoire-de-Belfort), et René, né le 14 avril 1925 à Sannois.
Ayant suivi des études secondaires en Italie, Félix Pozzi eut la volonté de progresser, et se rendit pendant sept ans aux cours du soir du Conservatoire des arts et métiers, à Paris (IIIe arr.). Il obtint sa naturalisation française en 1935 (décret du 22 septembre), de même qu’Anna.
Félix Pozzi s’engagea dans le mouvement social dès le 1er janvier 1925, au syndicat des producteurs et distributeurs d’électricité, où jusqu’au 31 décembre 1936 il côtoya Marcel Paul. Il adhéra ensuite au syndicat CGT des produits chimiques de la région parisienne. Il fut membre du Parti communiste et du Secours rouge en 1933. Il devint dirigeant du sous-rayon de Sannois de 1934 à 1936, puis responsable des cellules Goodrich et membre de la section de Colombes (Seine, Hauts-de-Seine) jusqu’en 1938. Il fut délégué à la conférence régionale de la fédération Paris-Ouest du Parti communiste et participa à une école de la section de Colombes. Il lisait la presse communiste : l’Humanité, Les Cahiers du bolchevisme, Correspondance internationale, les journaux régionaux, La Voix des Italiens et les brochures éditées par l’organisation.
Il travailla à la centrale électrique de Gennevilliers (Seine, Hauts-de-Seine), usine de quatre cents ouvriers, et en fut révoqué en 1933. Il traversa quatre mois de chômage, avant d’entrer comme monteur électricien chez le fabricant de pneus Goodrich, à Colombes. Il fut l’un des dirigeants des grèves de juin 1936, puis de février 1937. Lors de ce dernier conflit, les dirigeants syndicaux prirent la parole lors d’assemblées des grévistes : Jean Carasso et Jean Poulmarch, ainsi que Waldeck Rochet, député, et Henri Neveu, conseiller général. Félix Pozzi eut la responsabilité du comité de grève du 15 décembre 1937 au 11 janvier 1938.
Le 7 mars 1938, il arriva en Espagne pour s’enrôler dans l’armée Républicaine, où il fut affecté à la 14e brigade, 13e bataillon, dans laquelle il eut des responsabilités politiques. Il participa aux combats d’Aragon en mars et avril 1938. Il eut la responsabilité du service des munitions, puis de celui de l’organisation de la brigade. Il était apprécié par le service des cadres pour ses capacités à faire un bon travail de masse et à être un homme capable de faire face à des situations difficiles. Il rentra en France lors du rapatriement des brigadistes, en octobre ou novembre 1938.
Il changea d’entreprise et travailla aux établissements A.M. à Issy-les-Moulineaux (Seine, Hauts-de-Seine). Lors de l’exode de juin 1940, il se réfugia à Albi (Tarn-et-Garonne). Rentré à Paris en septembre, il habita avec son amie Renée Roussel, 48 bis rue des Haies (XXe arr.). Il vivait de son métier de monteur électricien, exécutant des pièces d’ajustage et de tournage. Il effectua des travaux en étant payé au forfait pour le garage Daubigny, rue de Tocqueville, dans le XVIIe arrondissement.
Dans l’illégalité, Félix Pozzi fut chargé par un ancien d’Espagne, Edmond Savenaud, responsable politique de la région ouest, de s’occuper de la diffusion des tracts du Parti communiste dans la banlieue ouest (Seine et Seine-et-Oise), dans le secteur no 4 qui comprenait : Boulogne-Billancourt, Garches, Nanterre, Suresnes, Neuilly, Saint-Cloud, Bezons, Houilles, Carrières-sur-Seine et Cormeilles-en-Parisis.
Il fut dénoncé et arrêté le 11 septembre 1941, à son domicile parisien, par des policiers du commissariat de Puteaux (Seine, Hauts-de-Seine). La perquisition permit la découverte de faux tickets d’alimentation destinés aux militants qui vivaient dans l’illégalité, d’un duplicateur, d’un pistolet automatique chargé de sept balles et d’une boîte de dix-neuf cartouches. Il fut interrogé notamment par l’un des inspecteurs matraqueurs de Puteaux surnommé « le Boxeur ». Félix Pozzi fut incarcéré à la prison de la Santé (Paris, XIVe arr.). Alors que tous les membres de la famille Pozzi avaient été naturalisés à cette date, le gouvernement de Vichy leur notifia copie du décret de dénaturalisation : ils devaient en conséquence quitter le territoire français.
Le 19 septembre 1941, le commissaire de Puteaux adressa un rapport avec copies à la direction de la police municipale à la direction des Renseignements généraux (RG), indiquant que des agents de son commissariat avaient pris en filature un cycliste qui se rendait très souvent en fin de journée au 26 rue de Suresnes à Nanterre (Seine, Hauts-de-Seine). Les locataires du pavillon, Célestin Hébert, tôlier, et sa femme Lucienne, étaient arrêtés depuis le 8 septembre ; lors de la perquisition furent saisis : une machine à ronéotyper, cinquante mille tracts ronéotypés et imprimés, deux cents kilos de papier et trois obus de 75, ainsi qu’un pistolet automatique.
Plusieurs militants communistes furent appréhendés à la suite des arrestations de Félix Pozzi et du couple Hébert. Le cycliste fut suivi et identifié comme étant Paul Lescop, un militant communiste de Nanterre. Le 16 septembre, les policiers arrêtèrent : Daniel Becker, ajusteur ; Jean Lebon, ajusteur outilleur ; Florentine Berson ; Georges Hany, ajusteur, tous de Nanterre ; Léon Muller, modeleur sur bois, de Boulogne-Billancourt, et Roger Bouchacour, ajusteur, d’Argenteuil. Le 19, trois autres militants de Nanterre venus s’approvisionner en tracts au pavillon de Célestin Hébert furent interpellés : Paul Lescop, employé de bureau, Edmond Dubuis et André Chabenet.
Le même jour, Georges Lacaud, tourneur sur bronze, de Courbevoie, chargé de la diffusion des tracts chez Willème, une usine de construction de camions à Nanterre, et Daniel Baron, tôlier, de La Garenne-Colombes, qui faisait équipe avec lui, furent appréhendés ensemble. De même que Maurice Wagner, ajusteur, de Bezons, membre du Comité populaire de l’usine. Trois hommes étaient activement recherchés : Marceau Delorme, trente-quatre ans, d’Asnières ; Joseph Le Garrec, vingt-quatre ans, de Nanterre, et Marcel Meunier, trente-deux ans, de Boulogne-Billancourt.
Le 24 mars 1942, le tribunal du Gross Paris, qui siégeait 11 bis rue Boissy-d’Anglas (VIIIe arr.), prononça quinze condamnations à mort, dont celles de Lucienne Hébert et Florentine Berson pour « intelligence avec l’ennemi ». Célestin Hébert et Félix Pozzi, furent aussi condamnés pour « détention d’armes ». Florentine Berson fut condamnée aux travaux forcés à perpétuité. Incarcérée à Fresnes (Seine, Val-de-Marne), elle fut envoyée en Allemagne le 20 avril 1942 et connut successivement les prisons de Karlsruhe, Anrath et Lübeck-Lauerhot, réservées aux femmes classées « NN » (Nuit et brouillard). Elle passa par Cottbus à destination de Ravensbrück, et y fut gazée le 6 mars 1945.
Lucienne Hébert fut emprisonnée à Fresnes. Le 22 avril 1942, elle fut déportée en Allemagne, incarcérée à Karlsruhe, Anrath et Lübeck-Lauerhot. Étant « NN », elle fut envoyée à Mauthausen (Autriche). Elle fut libérée par la Croix-Rouge le 22 avril 1945.
Le 10 avril 1942 dans l’après-midi, les douze condamnés à mort du 24 mars firent face au peloton d’exécution au Mont-Valérien. L’abbé allemand Stock dit dans son Journal de guerre, « La plupart des communistes moururent en criant : "Vive le Parti communiste ! etc." » Les fusillés étaient : Baron Daniel ; Bouchacour Roger ; Chabenet André ; Dubuis Edmond ; Hany Georges ; Hébert Célestin ; Lacaud Georges ; Lebon Jean ; Lescop Paul, Mullet Léon ; Pozzi Félix ; Wagner Maurice ; Becker Daniel.
La famille Pozzi paya son engagement antifasciste au prix fort. Carlo Pozzi a été fusillé le 29 décembre 1941 au Mont-Valérien. Roger, le fils aîné de Félix et d’Anna, fut grièvement blessé, le 8 décembre 1942, lors d’une arrestation mouvementée à Argenteuil par un inspecteur de la Brigade spéciale (BS) de Colombes. Il décéda quelques jours plus tard à l’hôpital de Nanterre. Son frère René, dix-sept ans, appréhendé le même jour, fut relâché trois jours après.
Félix Pozzi fut inhumé dans le carré militaire du cimetière de Sannois.
Après la Libération, Anna Pozzi fut auditionnée comme témoin lors de l’instruction des dossiers du commissaire de Puteaux et de son supérieur, commissaire divisionnaire. En octobre 1945, devant la cour de justice de la Seine, un gardien de la paix témoigna : Félix Pozzi fut « frappé à coups de pied à la poitrine » par le commissaire de Puteaux. « Quand je l’ai emmené au violon, c’était une vraie loque. » Le commissaire aurait dit : « Des gars comme ça, ça peut crever ! »
Jusqu’à la fermeture, en 1982, de l’usine Goodrich, devenue Kléber-Colombes en 1945, une cellule du Parti communiste porta le nom de Félix Pozzi. À Sannois, il figure sur une plaque commémorative à la mémoire des Forces françaises de l’intérieur (FFI) de Sannois, ainsi que sur le monument aux morts.
Sources

SOURCES : Arch. RGASPI 545.6.1043, BDIC Mfm 880/2bis, RGASPI 545.6.1357, BDIC Mfm 880/29. – Arch. PPo., BA 1849, BA 1928, BA 2117, KB 10, KB 42, KB 106, 77W 30. – Angelo Tasca (Amilcar Rossi), Naissance du fascisme, Gallimard, 1967. – Serge Klarsfeld, Le livre des otages, op. cit. – FMD, Livre-Mémorial, op. cit. – Site Internet Mémoire des Hommes. – Franz Stock, Journal de guerre. Écrits inédits de l’aumônier du Mont Valérien, Cerf, 2017, p. 78. — Mémorial GenWeb.

Iconographie
Photographie (D.R.)

Daniel Grason

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