Né le 19 septembre 1898 à Charenton-le-Pont (Seine, Val-de-Marne), fusillé comme otage le 6 septembre 1941 au Mont-Valérien, commune de Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine) ; conseiller en publicité dans la presse ; un des dirigeants du mouvement trotskyste en France.

Fils de Léon, négociant en vins et d’Henriette, née Ruder, Jean Meichler effectua son service militaire, fut lieutenant de réserve. Il épousa Jeanne Mairot le 18 mai 1929 à la mairie du XVe arr. Ils divorcèrent quelques années plus tard. Jean Meichler adhéra au Secours rouge international (SRI), Émile Bureau, secrétaire du SRI, communiste, demanda et obtint son exclusion.
Jean Meichler était issu d’une famille alsacienne aisée, catholique pratiquante et assez conservatrice. Les enfants effectuèrent leur scolarité dans des établissements religieux et Meichler étudia dans un séminaire en Bretagne. Il se révolta contre ce milieu et l’anticléricalisme le mena dans un premier temps vers le Grand-Orient de France. Il fut incorporé le 16 avril 1918 au 50ème Régiment d’artillerie. Nommé aspirant le 27 octobre de la même année, il a été promu sous-lieutenant le 27 octobre 1919, il a été démobilisé le 23 avril 1924.
Son engagement révolutionnaire l’amena à adhérer au Parti communiste au début des années vingt. Il milita dans le XVIIIe arrondissement de Paris où il devint également secrétaire du Secours rouge international. Meichler s’associa dès le début à la création de l’opposition trotskyste en France. Il participa au lancement, le 15 août 1929, de son premier organe, La Vérité.
Les nombreux démêlés de Meichler avec la police reflètent bien son intense action militante. C’est ainsi qu’il fut arrêté avec Raymond Molinier le 13 août 1929 devant la représentation commerciale soviétique à Paris parce qu’il proposait aux passants des brochures trotskystes imprimées en langue russe. Il fut d’ailleurs gérant du Biulleten Oppositsii russe édité par Trotsky qui parut longtemps en France. Il cumula cette fonction au fil des ans avec celle de gérant en 1932-1933 de la revue théorique de la Ligue communiste La Lutte des classes, dirigée par Pierre Naville ; de septembre 1933 à mars 1936 de Unser Wort, journal trotskiste de la section allemande en exil, domicilié à son adresse.
Responsable de la Ligue pour la région parisienne, il mena conjointement son action au Secours rouge international dont il suivait régulièrement les activités dans La Vérité jusqu’à son exclusion en décembre 1932.
Il fut du groupe des dirigeants trotskistes français qui se rendirent fin novembre 1932 à Copenhague pour y rencontrer Trotsky et assurer sa sécurité. C’est Meichler qui conduisit Trotsky, frappé d’une mesure d’expulsion et sommé de quitter la région parisienne, à Chamonix fin avril 1934. Il ne fait pas de doute que Trotsky apprécia la droiture et le dévouement de son « neveu » Meichler qui se faisait passer pour un parent.
Meichler était membre du Parti socialiste SFIO auquel il avait adhéré en septembre 1934 avec la majorité des militants de la Ligue communiste qui devint alors le Groupe bolchevik-léniniste (GBL) de la SFIO. Élu en août 1934 membre du comité central de la Ligue à sa IIIe conférence, il fut reconduit dans cette fonction à la conférence suivante (septembre 1935). Meichler était trésorier du GBL. Militant dans la XVIIe section de la SFIO, il fut exclu du parti avec douze autres dirigeants trotskistes le 1er octobre 1935.
Il rencontra une dernière fois Trotsky en transit à Paris, entre les 11 et 14 juin 1935, avant son départ pour la Norvège. Lors de la scission des trotskistes en décembre 1935, Meichler se rangea du côté de Pierre Frank et de Raymond Molinier qui lancèrent le journal La Commune et créèrent le Parti communiste internationaliste. Meichler fut membre du comité central et du Bureau politique.
Sur le plan professionnel, Jean Meichler, qui était licencié en droit, occupa divers emplois. On le présenta le plus souvent comme représentant. Ainsi, en août 1933, il signa en tant que membre du syndicat unitaire des voyageurs et représentants de commerce, un texte réclamant le respect de la démocratie syndicale dans la CGTU.
Il participa en 1929 aux actions en faveur de Léon Trotsky, ancien chef de l’Armée rouge. Il écrivit dans les journaux La Défense et le Bulletin de l’Opposition Internationale de Gauche. Il était en relation avec Griot dit Rosmer.
Le 13 août 1929 il diffusa des brochures en russe aux abords de la Représentation commerciale de l’URSS au 25 rue de la Ville l’Evêque, le libellé protestait « contre l’orientation bourgeoise des Soviets ». La police lui délivra une contravention pour « défaut de permis de colporteur ».
Le 21 février 1930, il participait à un meeting organisé par le journal La Liberté pour protester contre les crimes du Guépéou. Le 16 mars à 22 heures 45, il était interpellé à la hauteur du 35 avenue des Batignolles alors qu’il collait des affiches.
Le 15 mars 1930 vers 23 heures, il était surpris par la police en compagnie du militant indochinois Phan Van Chank, étudiant et Raymond Rouch alors qu’ils collaient des affiches dans le quartier de La Chapelle (XVIIIe arr.).
Le 21 septembre il distribuait des tracts de la « Ligue communiste d’opposition internationale » aux abords de la salle du Trocadéro où la Jeunesse ouvrière catholique tenait son congrès.
En 1931 il adhéra à la Ligue Communiste, opposée à la IIIe Internationale, il fut candidat aux élections complémentaires dans le quartier Saint-Victor à Paris, sans succès. En 1932, il a été candidat de la Ligue communiste aux élections législatives dans la 3ème circonscription du XVIIIe arrondissement, puis aux élections municipales complémentaires du quartier de Grenelle (XVe arr.). Il était gérant du journal La lutte des classes. En 1933, il devint le directeur de la publication en langue allemande Unser Wort (Notre Parole). Par décret présidentiel du 19 avril 1934 il a été promu lieutenant de réserve.
En 1934, les membres de la Ligue communiste dont Meichler adhérèrent au Parti socialiste (SFIO), lui et ses camarades en furent exclus. En 1935, il fonda le Comité pour la IVe Internationale. Exclu du Parti socialiste-léniniste, il se rallia au groupe bolchevik-léniniste, lequel fonda avec les CAR et les Jeunesses socialistes révolutionnaires (JSR), le Parti Ouvrier Internationaliste (POI).
Le 2 décembre 1935, il déclara en préfecture le titre du journal La Commune de Paris. Le 1er février 1936, il devint gérant du journal La Commune de Paris, puis rédacteur en chef et administrateur de Unzer Wort (Notre Parole), journal de quatre pages bimensuels en allemand tiré environ à 3.000 exemplaires.
Le 7 février 1936 il comparaissait en compagnie de Marie Craipeau, née Rothenberg devant la la XIVe Chambre Correctionnelle pour « provocation de militaires à la désobéissance » à la suite d’un article paru dans Révolution. Félicien Challaye, Marceau Pivert et Maurice Deglise témoignèrent en leur faveur. Maître Gérard Rosenthal demanda son acquittement.
Le 13 février 1936 la XIVe Chambre Correctionnelle le condamna à un mois de prison avec sursis, cent francs d’amende pour « provocation de militaires à la désobéissance ».
Il fonda les 7 et 8 mars 1936 le Parti communiste internationaliste (PCI), devint le gérant du journal de l’organisation intitulé La Commune de Paris. La police le
Son activité politique fut connue de l’autorité militaire, dès 1933 et à plusieurs reprises la révocation de son grade a été proposée, la dernière fois en mai 1935. En octobre 1934, alors qu’il effectuait une période militaire de onze jours au 151ème Régiment d’artillerie à Thionville, il entra en relation avec le responsable du groupe trotskyste de Metz, Nicolas Becker, collaborateur du journal trotskyste Der Funken in der Moselle (L’Étincelle de la Moselle).
Dans une note du 30 avril 1936, le préfet de police présentait Meichler comme « l’un des hommes de confiance de Trotsky qui recevrait les fonds destinés à la propagande du mouvement trotskiste en France ».
Lors des élections législatives de juin 1936, il fut candidat du PCI dans la 2ème circonscription dans le XIXe arrondissement.
Le 3 décembre de la même année dans l’après-midi il entra avec huit autres militants dans l’ambassade de l’URSS au 79 rue de Grenelle à Paris (XVe arr.) pour obtenir des passeports afin de se rendre en Union soviétique. Un refus leur ayant été signifié, ils refusèrent de quitter les lieux. La police intervint les militants quittèrent les lieux en chantant l’Internationale et en scandant « Vive Trotski ! »
En février 1937, lors des élections municipales complémentaires du quartier Amérique, nouvel échec. Il démissionna du PCI le 25 septembre 1937.
Il vécut chez ses parents au 10 rue Furtado Heine (XIVe arr.) et 50 rue de la Chapelle puis avec son épouse au 4 rue Germain Pilon. Il habita pendant deux ans dans une chambre mansardée chez son ami Truan au 12 avenue Frochot (IXe arr.). Celui-ci l’employait comme agent de publicité dont le siège était au 2 rue Pigalle.
Il logea seul à plusieurs reprises au cours des années 1938 et 1939 à l’hôtel du Panthéon, au n° 19. Il a été représentant pour la province de la Maison d’Éditions Perrier au 3 rue Aubriot (IVe arr.), du 4 juillet 1938 au 30 juin 1939.
Mobilisé en septembre 1939, avec le grade de lieutenant de réserve auquel il avait été nommé le 19 avril 1934, il contribua, sous l’Occupation, à mettre sur pied un réseau de Résistance. Il collabora, notamment, au comité directeur de Notre Révolution, avec Pierre Rimbert et Marcel Fourrier et participa à l’impression du journal, paraissant depuis le 1er janvier 1941, qui se fit sur une petite presse dans son bureau de publicitaire, 19 rue d’Athènes. Arrêté le 3 juillet 1941 par la direction des Renseignements généraux « pour le compte des autorités allemandes », en même temps que les dirigeants du Mouvement national révolutionnaire, Jean Rous et Michel Lissansky (libérés en décembre), il fut très surpris de les rencontrer au cours du transfert de la préfecture de police à la prison de la Santé. Vraisemblablement, ils furent victimes de la dénonciation du même indicateur, Y H, agissant pour le compte du commissaire Jacques Simon des Renseignements généraux, préposé à l’extrême gauche, comme le relate Maurice Jaquier dans son livre Simple militant. La police ignorait apparemment l’activité réelle de Meichler. N’ayant pas été informé de l’arrestation survenue tôt le matin dans le bureau de la rue d’Athènes, Rimbert vint y tirer peu après, sans encombre, un numéro de Notre Révolution. Torturé rue des Saussaies, Jean Meichler aurait été très marqué physiquement.
Il fut qualifié par la police française de « leader en France de la IVe Internationale ». Sa qualité de gérant de Unser Wort l’exposait particulièrement et cela n’avait pas dû échapper à la Gestapo, informée, s’il en était besoin, par les Renseignements généraux français.
Un coup de feu tiré le 3 septembre 1941 blessa légèrement le sergent allemand Ernst Hoffmann alors qu’il entrait dans l’hôtel Terminus, 5 rue de Strasbourg, Paris (Xe arr.) ; le commandement de la Wehrmacht annonça le 6 septembre 1941 qu’en représailles trois otages français venaient d’être exécutés au fort du Mont-Valérien : Jean Meichler leader de la IVe Internationale, Edmond Brucker, dont l’origine juive était précisée, et Eugène Anjubault, communiste.
Jean Meichler fut inhumé le 6 septembre 1941 au cimetière parisien d’Ivry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne) Division 39, ligne 4, n° 1. Son nom figure sur la cloche du Mémorial de la France combattante au Mont-Valérien. Il fut reconnu « Mort pour la France » par l’ONAC de Caen le 13 septembre 2011.
Voir Mont-Valérien, Suresnes (Hauts-de-Seine)
Sources

SOURCES : Arch. PPo. 1 W 1185-59650 (transmis par Gilles Morin). — PCF carton 45, BA 2298. DAVCC, Caen (Notes Thomas Pouty). — La Vérité, 1930-1935 et décembre 1937. — Arch. Trotsky, Harvard, papiers d’exil : lettres à Meichler 9039 et 9040, et D 267. Lettre de Meichler à Trotsky du 20 février 1936. — Le Populaire, 8 février 1936. — Bulletins intérieurs de la LC et du GBL de 1934 à 1935. — La Commune, 1935-1937. — J. Rabaut, Tout est possible ! Paris, 1974. – J. Van Heijenoort, Sept ans auprès de Léon Trotsky, Paris, 1978. — Léon Trotsky, Journal d’exil, Paris, 1977. — Le Matin et Le Petit Parisien, 6 septembre 1941. — S. Klarsfeld, Le livre des otages, op. cit., p. 21. — Témoignages de Jean Poey, de Pierre Rimbert et de Michel Lissansky recueillis par R. Prager. — DBMOF et maitron-en-ligne, version complète de cette notice. — Répertoire des fusillés inhumés au cimetière parisien d’Ivry.

Jean-Michel Brabant, Daniel Grason, Rudolph Prager

Version imprimable