Né le 13 juillet 1889 à Paris (Ier arr.), fusillé le 9 août 1941 à la Vallée-aux-Loups, Châtenay-Malabry (Seine, Hauts-de-Seine) ; universitaire, journaliste, fondateur de La Revue des Nations et de la revue La Paix, militaire ; résistant dans le réseau de renseignements SR Kléber.

Nouvelle plaque posée à Châtenay-Malabry
Communiqué par madame Annette Bouton-Charle
Mémorial de la vallée aux loups. Châtenay-Malabry
Communiqué par madame Annette Bouton-Charle
Dernière lettre, site du Mont-Valérien
Dernière lettre, site du Mont-Valérien
Image pieuse transmise par Jean-Charles Verdier
Image pieuse transmise par Jean-Charles Verdier
Fils de Louis Julien Pelletier, 29 ans à sa naissance, commissaire aux Halles, et de Victorine Imbert (23 ans), domiciliés place Dauphine, Paris (Ier. arr), Louis Robert Pelletier naquit dans une famille catholique bourgeoise, descendante d’un général d’Empire. Il fut un brillant élève de Camille Julian, professeur au Collège de France.
Agrégé d’histoire, germaniste, il exerçait comme professeur à l’École pratique des hautes études et habitait le Ve arrondissement de Paris. Le député socialiste Albert Thomas le choisit comme secrétaire parlementaire. Il collabora à plusieurs journaux et fonda La Revue des Nations. Louis Robert Pelletier milita au sein de la Ligue contre l’antisémitisme fondée par Bernard Lecache.
En 1914, il s’engagea dans l’armée et fut blessé de guerre. Son action courageuse lui valut plusieurs citations et la Légion d’honneur. Il poursuivit sa carrière militaire en combattant au Maroc en 1920-1921 et, de retour à la vie civile, écrivit un roman intitulé Les Chacals derrière le soldat (1925). Il se maria le 2 avril 1921 à Paris (Ve arr.) avec Marthe Roux, fille du directeur du Petit Parisien. Le couple eut deux garçons, Étienne et Robert.
Après son expérience ministérielle comme directeur de cabinet du ministre des finances Joseph Caillaux, il revint au journalisme, fonda la revue La Paix et écrivit dans plusieurs journaux dont Paris-Soir dont il devint le rédacteur en chef. Spécialiste des questions militaires, il enseigna les méthodes d’espionnage à l’École militaire, s’intéressant particulièrement à la question allemande et au monde slave, puis entra au 2e Bureau de l’état-major de l’armée où il s’engagea comme officier volontaire lors de la déclaration de la guerre.
Avec des collègues refusant la défaite, il organisa un des premiers réseaux de résistance, le SR Kléber, chargé du renseignement pour la zone occupée. Alors qu’il organisait son départ vers l’Angleterre pour rejoindre le Général de Gaulle, il fut dénoncé par un nommé Dupré, sous-officier du 2e Bureau, puis arrêté par l’Abwehr, le 11 novembre 1940, au café La Potinière, rue de La Boétie, près du Cercle militaire.
Interné à la prison du Cherche-Midi puis dans celle de Fresnes, il fut condamné à mort par le tribunal allemand du Gross Paris, réuni rue Boissy-d’Anglas, le 28 juillet 1941. Louis Robert Pelletier a été fusillé le 9 août 1941 à la Vallée-aux-Loups, chemin dit de l’Orme-mort à Châtenay-Malabry. Son corps fut inhumé le 9 août 1941 au cimetière parisien d’Ivry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne) division 47, ligne 2, n° 68.
Reconnu Mort pour la France, il a été homologué interné résistant (DIR), résistant des Forces françaises combattantes au sein du réseau Kléber et médaillé de la Résistance par décret du 15 janvier 1954, parution au JO du 21 janvier 1954.
Son nom figure sur la plaque apposée au Panthéon en l’honneur des écrivains et journalistes morts pour la France. Il est honoré au Mémorial du Mont-Valérien, où sa dernière lettre est exposée. Une plaque apposée 93 rue du Bac à Paris (VIIe arr.) sur l’immeuble où il a vécu de 1912 à 1940 lui rend hommage ainsi qu’à son fils Etienne Pelletier du réseau Alliance, déporté au camp de Struthof puis à la forteresse de Rastatt et exécuté le 24 novembre 1944 au bord du Rhin avec ses camarades de réseau. Enfin son nom figure sur le Mémorial des Services Spéciaux à Ramatuelle (Var)
La lettre à son fils cadet, écrite le 8 août 1941, marquée par la foi religieuse, a été publiée plusieurs fois : « On ne meurt jamais en vain, c’est parce que trop de Français disaient et pensaient le contraire que nous avons connu la défaite avec toutes ses effroyables conséquences [...]. Il faut avec l’aide de Dieu choisir un chemin et s’y tenir. J’ai voulu faire trop de choses, j’ai eu trop d’ambitions contradictoires ».
Dernière lettre
 
Robert Pelletier à son fils
Prison de Fresnes (Seine)
8 août 1941
Mon Bobby bien-aimé,
Ne pleure pas mon Bobby, la pensée de tes larmes m’ôte de mon courage.
Mon Dieu ! quand je pense à ton enfance si tourmentée déjà, quand je pense aux larmes que tu as déjà versées pour moi, quand je pense que si jeune, je ne te reverrai plus.
Mais non, je te reverrai mon Bobby. Dieu nous réunira plus tard, quand tu auras aussi accompli ta tâche sur la terre et je le prierai pour qu’elle te soit moins lourde que la mienne ne l’a été. Et pour cela, je veux aussi te donner des conseils. Travaille mon Bobby, sois aussi instruit en toutes choses que tu le pourras. Dans quelques années tu choisiras ta voie. Fais-le posément en t’interrogeant, en t’interrogeant longuement sur tes goûts, sur tes aptitudes et suis le chemin choisi avec opiniâtreté. Sois doux et bon, mon Bobby, on ne l’est jamais assez. Je ne l’ai pas été toujours assez avec toi et je le regrette aujourd’hui de toute mon âme. Pourtant tu sais que ton Papa t’aime et je pense que dans ton souvenir, c’est cet amour qui l’emportera sur tout le reste.
Profite, mon Bobby, de ma douloureuse expérience. Il faut avec l’aide de Dieu, choisir un chemin et s’y tenir.
J’ai voulu faire trop de choses, j’ai eu trop d’ambitions contradictoires. J’ai eu pourtant et par-dessus tout celle de vous rendre heureux. Je n’y suis pas parvenu parce que je n’ai pas suffisamment écouté Dieu.
Ce ne sera pas ton cas, mon Bobby, n’est-ce pas ? Et ne te laisse pas accabler par le chagrin. D’autres plus jeunes que moi sont morts dans cette guerre, et pourvu que ma disparition ne vous laisse pas trop malheureux, je voudrais tant avoir, en cet instant, la certitude que tu vivras courageusement d’abord, puis joyeusement.
Il faut te dire, mon Bobby, que la mort n’est qu’une séparation momentanée et qu’on se retrouve ensuite ; j’en ai non pas seulement la Foi, mais la Certitude.
Tu seras un bon petit Français, tu seras fier de ton Papa, qui, jusqu’au bout, aura fait son devoir, non seulement pour la Patrie, mais pour vous trois.
Car c’est bien à vous trois que je pensais quand je me suis engagé dans cette voie périlleuse et glorieuse tout de même.
Tu consoleras ta Maman, tu lui répéteras [mot censuré] en lui disant que je suis toujours là, près de vous, plus près que je ne le suis en ce moment.
Peut-être te sera-t-il donné si tu travailles bien et si Dieu t’aide, d’être dans vingt ou trente ans un des hommes qui relèvera (sic) la France, qui fera que je ne serai pas mort en vain.
Mais on ne meurt jamais en vain. C’est parce que trop de Français disaient et pensaient le contraire que nous avons connu la défaite avec toutes ses effroyables conséquences.
Je voudrais te dire tant de choses et tu es encore si jeune mon Bobby. Et c’est à toi
- que ton frère et ta mère ne soient pas jaloux - que je pense avec le plus de tendresse. Je t’ai eu si peu avec moi, mon Bobby. Depuis que nous avons habité Meaux, j’ai eu si peu d’heures à vivre avec toi.
Maintenant ce ne sera plus la même chose, tu ne [me] verras pas mais je serai près de toi, Dieu le permettra, j’en suis sûr. Si mes prières sont entendues, et elles le seront, tu seras protégé, mon Bobby.
Sois courageux, comme un soldat, sois fier de moi et dès que tu pourras, sois gai. Il ne faut pas penser à moi dans la tristesse, car ma seule souffrance est la pensée de votre tristesse.
Comme je serais libéré de mon unique chagrin, si j’étais certain, mon Bobby, que tu surmonteras rapidement ta peine et que tu me donneras la joie de vivre en pensant à moi avec tendresse, mais sans douleur.
Je te bénis, mon Bobby, en demandant à Dieu de t’accorder sur terre à toi, toute innocence, ce que sa justice m’a refusé.
Toute ma pensée va vers toi, je te serre sur mon cœur, je t’embrasse de toute mon âme.
Ton père qui t’aime,
Robert.
Sois fort, sois courageux, sois bon.
VIVE LA FRANCE.

Robert dit Bobby participa avec les siens à la résistance à Lyon, fut arrêté par un officier français en flagrant délit de distribution de tracts gaullistes et enfermé au refuge des mineurs délinquants de l’Antiquaille, il avait douze ans.
Sources

SOURCES : DAVCC, Caen (Notes Thomas Pouty) AC 21P 129584 et AC 21P 295608 . — SHD, Vincennes, GR 16P 656948 . — Guy Krivopissko, La vie à en mourir, lettres de fusillés, 1941-1944, Tallandier, 2003 ; A nous et à la vie. Lettres des fusillés du Mont-Valérien (1940-1944), Tallandier, 2010, p. 59-61. — Coll. Famille de Louis-Robert Pelletier, MRN, Champigny-sur-Marne. — Claire Cameron, Le Mont-Valérien, Résistance, Répression et Mémoire, ministère de la Défense. — MémorialGenWeb. — Répertoire des fusillés inhumés au cimetière parisien d’Ivry.— État civil. — Image pieuse retrouvée dans le missel de Madeleine Gabaret née Paquereau résidante aux Sables d’Olonne. — Notes Annie Pennetier.

Guy Krivopissko

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