Né le 20 septembre 1908 à Sivry-Nissar (Turquie), exécuté fin octobre 1943 à Queyrière (Haute-Loire) par des maquisards FTPF ; ouvrier casquettier, comptable, puis homme d’affaires ; militant trotskyste.

Avis de recherche de Pierre Salinia alias Maurice Segal à la suite de son évasion du Puy
Mocho Ségal émigra en France avec ses parents et ses quatre frères et sœurs en 1911. Il grandit dans le quartier juif du Marais et y fit sa scolarité jusqu’au certificat d’études. Commençant à travailler dès l’âge de douze ans, il devint ouvrier casquettier à quatorze ans. Il se syndiqua et s’initia aux problèmes politiques dans le sillage de ses frères aînés qui militèrent dans la IVe section des Jeunesses communistes avec Raymond Molinier*. Très lié à celui-ci, Mocho Ségal sympathisa plusieurs années avec l’Opposition communiste de gauche avant de s’intégrer formellement dans le mouvement.
Maurice Segal fut chargé par Raymond Molinier de se rendre le 24 juillet 1933 dans la villa « Les Embruns » à Saint-Palais (Charente-Maritime), pour préparer l’accueil de Léon Trotsky qui arriva le lendemain et y séjourna jusqu’au 9 octobre. Maurice Ségal resta sur place quelques jours et revint à Paris en compagnie de Léon Sedov*. Un rapport de police le désigna comme « courrier de la section trotskyste allemande ».
En 1934, Maurice Ségal fut le gérant de l’Institut français de représentation et recouvrement, affaire de contentieux animée par Raymond et Henri Molinier*, qui servit à financer l’organisation trotskyste. Cette affaire périclitant, Ségal dut déposer le bilan en 1937 et, craignant des complications, se réfugia quelque temps en Belgique.
C’est lors de l’adhésion des trotskystes à la SFIO en septembre 1934, qu’il s’engagea davantage dans l’action politique, prenant part à la constitution du groupe bolchevik-léniniste de la SFIO. Maurice Ségal fut élu au nom de cette tendance à la commission exécutive de la Fédération de la Seine, en février 1936, à la veille de son exclusion du parti. Soutenant Pierre Frank et Raymond Molinier dans le conflit intérieur du GBL, il aida au lancement du journal la Commune, le 6 décembre 1935 et à la constitution avec eux, en mars 1936, du Parti communiste internationaliste qui l’élut à la commission de contrôle. En juillet 1939, Maurice Ségal quitta à nouveau la France pour collaborer à l’activité de la délégation à l’étranger du PCI, formée en prévision de la guerre, qui fit paraître à Bruxelles d’août 1939 à avril 1940, vingt numéros clandestins de la Correspondance internationaliste.
L’invasion de la Belgique par la Wehrmacht, en mai 1940, amena Maurice Ségal et un petit groupe de militants exilés, à revenir en France et à se fixer à Marseille, en juin 1940. Ce groupe entreprit de renouer les contacts avec les militants dispersés et de reconstituer l’organisation du PCI. Il fit paraître un bulletin dans ce but. Une tentative de fusion avec la section du Parti ouvrier internationaliste de Marseille demeura infructueuse. La liaison avec le groupe du PCI reconstitué à Paris, sous l’Occupation, fut rétablie et Maurice Ségal se rendit dans la capitale en août 1941 pour consolider la collaboration entre les tronçons de l’organisation de la zone sud et de la zone occupée. Il effectua, ensuite une tournée dans plusieurs villes de province.
L’arrestation de Gabrielle Brausch*, sa compagne , en décembre 1941, l’obligea à chercher refuge à Lyon. Revenant à Marseille pour obtenir des informations sur le sort de celle-ci, il fut arrêté à son tour en février 1942 et condamné le 10 juillet par la section spéciale du tribunal militaire de la 15e division de Marseille, à dix ans de travaux forcés et à vingt ans d’interdiction de séjour, pour « activités communistes relevant directement ou indirectement de la IIIe Internationale ». Il comparut sous la fausse identité de Pierre Salini qui avait l’avantage d’obscurcir sa qualité de ressortissant étranger et de juif et de masquer ses antécédents judiciaires. Cette fausse identité ne résista pas.
Transféré, une première fois, après sa condamnation, à la prison de Lodève (Hérault), Maurice Ségal eut à souffrir de la quarantaine organisée par les communistes. On l’ignora et les responsables de la chambrée allèrent demander au directeur de la prison de l’enlever de leur chambrée : « C’est un trotskyste, ce n’est pas un patriote » (témoignage d’Albert Demazière). Ses camarades trotskystes, Albert Demazière*, Pietro Tresso* et Jean Reboul* qui le rejoignirent à Lodève, début octobre 1942, le trouvèrent fort atteint physiquement et moralement. Les tensions avec les communistes se poursuivirent, notamment à la prison du Puy où les détenus politiques furent rassemblés en décembre 1942.
La totalité des 79 détenus politiques s’évada de la prison du Puy, dans la nuit du 1er au 2 octobre 1943. L’évasion organisée par les FTPF en accord avec le Parti communiste, se réalisa grâce à la complicité d’un gardien qui ouvrit les cellules et remit des armes aux prisonniers. La majorité de ceux-ci fut acheminée vers le maquis Wodli contrôlé par le PCF, localisé notamment au lieu-dit Raffy, dans la commune de Queyrière (Haute-Loire). Maurice Ségal put avertir sa famille de sa libération, deux ou trois semaines plus tard. On ne sut rien de plus à son sujet, pas plus que de ses camarades trotskystes : Pietro Tresso, Abram Sadek et Jean Reboul. Tous disparurent sans laisser de traces et sans que l’on puisse obtenir une réponse des responsables du maquis. Toutes les enquêtes se heurtent à des dérobades et à un refus de coopérer pour éclaircir cette affaire.
Il ressort des recherches récentes que Pietro Tresso, Jean Reboul, Abram Sadek et Maurice Ségal furent exécutés fin octobre 1943 à Queyrière (Haute-Loire) sur ordre des responsables du maquis, appliquant les consignes « venues d’en haut », d’instances dirigeantes du PCF.
Le 15 avril 1996 trois amis de Blasco (Jean-René Chauvin*, Albert Demazière, Paul Parizot*) écrivirent à Robert Hue, secrétaire national du Parti communiste français, pour demander s’il était possible d’établir dans quelles conditions avait été exécutés les quatre victimes. Il répondit le 7 mai : « Quatre de vos camarades, militants trotskystes, engagés dans ces combats sont morts dans des conditions non encore élucidées. Vous souhaitez savoir comment ils sont tombés. Me permettrez-vous de vous dire que je m’associe pleinement à ce souhait de vérité [...] Je n’ignore pas ce que furent les rapports conflictuels entre militants communistes et militants trotskystes au cours de notre histoire. Que puis-je en dire sinon que les temps ont heureusement changé ? »
Sources

SOURCES : Arch. Jean Maitron. — Arch. R. Prager. — La Lutte ouvrière, 8 juillet 1937. — La Commune, 13 décembre 1935 et 5 juin 1936. — La Crise de la section française de la LCI, Paris, 1936-1939. — G. Vereeken, Le Guépéou dans le mouvement trotskyste, Paris 1975. — R. Dazy, Fusillez ces chiens enragés, Paris, 1981. — J. Revil-Baudard, Les communistes dans la clandestinité à Saint-Étienne, Université de Grenoble, 1975. — Rens. de Jean-Michel Brabant. — Témoignage d’A. Demazière. — Raymond Molinier, Mémoires d’un militant troskyste, 1904-1940, indédit, consultable au CERMTRI (la datation des activités militantes de Ségal est très douteuse). — Pierre Broué, Raymond Vacheron, Meurtres au maquis, Paris, 1997.

Rodolphe Prager

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