Né le 22 février 1903 à Moineville (Meurthe-et-Moselle), guillotiné le 4 avril 1944 à Cologne (Allemagne) ; chaudronnier aux Aciéries de Neuves-Maisons ; syndicaliste CGTU puis CGT ; militant communiste ; combattant en Espagne ; résistant.

Sensiquet Hubert naquit à Moineville. Après son certificat d’études primaires, il fut d’abord maçon puis se fit embaucher comme chaudronnier aux Aciéries de Neuves-Maisons en 1924. Il rencontra Marie-Louise Olry, née à Joeuf le 25 août 1907 et ils se marièrent le 14 novembre 1925 à Neuves-Maisons. Marie-Louise donna naissance en mars 1930 à une petite Gisèle qui décéda le 10 décembre 1937. Marie-Louise fut bonne d’enfants avant son mariage puis vendeuse aux Filatures de Neuves-Maisons. Elle adhéra au Parti communiste en 1936.
Hubert Sensiquet adhéra à la CGTU en 1924 et devint le trésorier du syndicat unitaire de l’usine à partir de 1930. Il rejoignit le Parti communiste en 1933 et devint le secrétaire de la cellule locale de Neuves-Maisons en 1935. Il fut désigné candidat du parti aux élections cantonales de 1934, canton Nancy Ouest. Il fut l’un des organisateurs de la "marche de la faim" sur Nancy qui, le 18 novembre 1934, mobilisa 3 000 personnes de Chaligny sur le mot d’ordre « Des salaires et du pain ! ». Il fut aussi l’un des animateurs de la première grève importante du département. Elle commença le 12 février 1935, fut dirigée par un comité réunissant confédérés et unitaires. Elle unit sidérurgistes et mineurs, se fit avec occupation des locaux malgré la présence de gardes mobiles. Elle portait sur l’annulation de la baisse de 10% des salaires. Des négociations eurent lieu qui conduisirent le syndicat CGT confédéré, majoritaire, à appeler à la reprise du travail. En ces termes : « Ces améliorations ne paraissent pas, au comité (de grève) de nature à répondre aux nécessités actuelles mais conscient des difficultés que rencontrent nos camarades dans la continuité de la lutte, le comité les considère, néanmoins, comme une condition acceptable… ». La reprise fut votée le 21 mars par 1 313 ouvriers, 721 s’exprimant pour la poursuite du mouvement. La baisse des salaires de 10 % imposée par le Comité des Forges à l’ensemble des ouvriers de la sidérurgie et des mines de fer ne put être remise en cause. Le syndicat CGTU de l’usine affirma, en avril 1935, s’être renforcé de 200 adhérents au cours du conflit.
Avec l’avènement du Front Populaire, Hubert Sensiquet privilégia l’action politique. Il fut désigné candidat du Parti communiste aux législatives de mai-juin 1936, dans la 2e circonscription de Nancy. En février 1937, il s’engagea dans les Brigades internationales en Espagne. Il fut commissaire politique dans la 14e brigade. En août, il fut blessé devant Madrid. Il rentra d’Espagne en décembre, pour les obsèques de sa fille. Il ne fut pas réembauché aux Aciéries de Neuves-Maisons et connut alors la précarité, travaillant par intermittence pour diverses entreprises. À la conférence régionale de Neuves-Maisons de décembre 1937, il fut élu membre du bureau régional du parti. À la déclaration de guerre, il fut mobilisé au 211e régiment d’infanterie.
De retour chez lui en novembre 1940, Hubert Sensiquet travailla à la reconstruction des ponts. Son nom fut porté sur la liste de 5 communistes demeurant à Neuves-Maisons établie en juillet 1941 en application de la circulaire préfectorale du 2 juillet sur le recensement dans chaque commune des « communistes susceptibles d’être internés ». Il figura aussi sur la liste des 46 « principaux dirigeants de l’ex-parti communiste » du fichier tenu par le cabinet du préfet de région Jean Schmidt. Il était inscrit encore sur la « liste des communistes de la région de Neuves-Maisons », désigné comme « propagandiste très actif, délégué à la propagande », établie par le commissaire de police spéciale de Nancy le 19 juin 1941. Il figurait enfin sur la liste des « militants communistes ou individus dangereux qu’il conviendrait d’interner », établie par la section de gendarmerie de Nancy le 10 juillet 1941. Pour échapper à l’arrestation , il passa dans la clandestinité le 21 juin 1941. Il se planqua à Malzéville, sous l’identité de "Thomas André" et travailla dans une entreprise de Pompey. Il fut désigné par le triangle de direction clandestine du parti (Camille Thouvenin, Jean Eggen et Mario Tinelli), responsable de la trentaine du secteur de Nancy Nord (Pompey / Frouard/ Pont-à-Mousson). Après l’arrestation de Camille Thouvenin le 22 juillet 1941 à Auboué, il fut désigné pour le remplacer comme responsable politique régional du parti. Plus précisément, selon l’acte d’accusation allemand, il fut « responsable du parti communiste illégal pour les départements de la Meurthe-et-Moselle et des Vosges. » « Mon mari a milité clandestinement au parti communiste. Il s’occupait de la distribution des tracts », expliquait sa femme aux policiers français le 8 décembre 1942 venus l’arrêter. Pour le chef de la section anticommuniste de la 15e brigade régionale de police judiciaire, le commissaire Lucien Bascou, Hubert Sensiquet était le responsable politique régional du Parti communiste clandestin, chargé de l’organisation des groupes de trois de propagande sous l’égide du parti et du Front National.
Le 11 juin 1942, il fut arrêté en pleine rue à Nancy par cinq policiers de la GFP, désigné par Giovanni Pacci qui le reconnut. Il fut incarcéré à la prison Charles III, dans le quartier allemand. Il ne fut pas intégré au groupe de 38 FTP de la branche militaire qui fut jugé par le tribunal militaire de la FK 591 en juillet 1942, probablement parce qu’il dirigeait la branche politique. Le kommandeur de la SIPO und SD à Nancy décida donc de son sort. Le 14 août 1942, il fut déporté NN (nuit et brouillard), interné dans le camp d’Hinzert puis à partir du 11 mars 1943, à la prison de Trèves puis le 1er avril 1943 à la prison de Rheinbach, enfin à celle de Cologne. Le 19 mars 1943, le tribunal populaire de Cologne considérant qu’il était, à partir de septembre 1941, « un dirigeant du parti communiste français illégal qui a entrepris avec un groupe terroriste communiste (le groupe de Giovanni Pacci), de nuire au Reich en guerre », le condamna à mort comme « franc tireur ». L’arrêt de condamnation mentionne : « Il refuse de donner des détails et autres renseignements sur les activités et ses relations car il ne veut pas nuire à ses camarades. » Le 1er avril 1943, il fut décapité à la prison Klingelpütz de Cologne.
Par mesure de sécurité, sa femme Marie-Louise passa dans la clandestinité, fut hébergée à Nancy puis, à l’été de 1942, planquée par le groupe clandestin de Mohon dans les Ardennes, dirigé par Pierre Grandville. Le groupe fut démantelé par la brigade mobile de Saint-Quentin en décembre. Arrêtée le 8 décembre 1942, Marie-Louise fut transférée au fort de Romainville puis déportée le 28 août 1943 à Ravensbruck. Rentrée de déportation à Neuves-Maisons, elle reprit son activité militante au sein du Parti communiste, des sections locales de la FNDIRP et de l’UFF. Elle fut candidate du parti communiste aux législatives de 1946. Elle décéda à Nancy le 4 mai 1989.
Sources

SOURCES : Première version par Étienne Kagan : Arch. Dép. Meurthe-et-Moselle, 3 M 95-96. — L’Est ouvrier et paysan, 1933-1935. — La Voix de l’Est, 1935-1939. — Le Réveil ouvrier, 1933-1939. — Témoignage de C. Thouvenin.
Version Jean-Claude Magrinelli : Archives nationales : AJ 40 – 1512 (jugement) ; — Archives départementales de Meurthe-et-Moselle : WM 333, 102 W 1, 102 W 71, 2101 W 10
Presse : La Voix de l’Est, 1935-1939 - notamment du 18 avril 1936 (législatives), du 21 août 1937 (Espagne) - et du 11 mai 1946 (législatives)
Bibliographie : Martin Michel, Sidérurgie des années 1930. Grève de Neuves-Maisons Hubert Sensiquet syndicaliste – résistant – déporté NN, Éditions RES-HIST diffusion Joël Henry, Nancy, 2013. Thouvenin Camille : « La résistance dans la région Est », document de 30 pages dactylographiées, sans date. Jonca Karol et Konieczny Alfred ? Nuit et brouillard NN L’opération terroriste nazie 1941-1944 La vérité, Imprimerie La Dragon, Draguignan, 1981. Livre mémorial de la déportation.

Jean-Claude Magrinelli

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