Né le 10 avril 1881 à Montluçon (Allier), mort le 26 mai 1940 à Marquillies (Nord), sommairement abattu par les gardes mobiles ; ouvrier verrier ; militant syndicaliste, socialiste puis communiste du Nord ; secrétaire général de la Fédération CGTU puis CGT du Verre ; adjoint au maire d’Aniche (Nord), conseiller général du canton de Trélon (Nord) (1919-1923).

Fils d’un ouvrier verrier de Montluçon (Allier), François Süe reprit le métier paternel qu’il exerça dans sa ville natale jusqu’à la Première Guerre mondiale. Au lendemain du conflit, il était installé à Anor (Nord) où il exerçait la profession de mécanicien-verrier. Fort d’une longue expérience militante, il faisait figure, dès 1919, de leader des organisations socialistes et syndicales du canton de Trélon, situé dans l’Avesnois, région à dominante rurale mais possédant d’importantes enclaves industrielles. Conseiller prud’homme, il fut élu adjoint au maire d’Anor aux élections municipales de mai 1919, puis conseiller général du canton de Trélon en décembre de la même année, sous la bannière du Parti SFIO.
Rallié au Parti communiste dès le congrès de Tours, François Süe fonda la section SFIC d’Anor dont il assura longtemps le secrétariat. Secrétaire du syndicat des verriers d’Anor, il participa aux Comité nationaux de la fédération, et, lors de celui de février, avec Jules Herman, Philibert Rivollier et Houg*, il déclara ne pas accepter l’ordre du jour voté à la précédente réunion du Comité Confédéral National relatif à l’exclusion des syndicats se prononçant pour l’adhésion à l’internationale de Moscou. En août il vota contre le renouvellement des mandats à la confédération, de Charles Delzant, secrétaire général, et Louis Monnier, trésorier, qui approuvaient l’exclusion. Délégué au congrès de la fédération nationale des travailleurs du verre, tenu à Montluçon du 23 au 26 septembre 1920, il vota contre le rapport moral. Le 14 novembre 1920, dans une réunion tenue à la mairie d’Hirson, afin de constituer la nouvelle section fédérale Nord-Est, il fut élu secrétaire par 14 voix sur 19 votants.
Dans les premiers mois de l’année 1921, il créa le Comité syndicaliste révolutionnaire d’Anor et fut délégué des verriers, des bûcherons, du Textile, du Bâtiment et des Métaux d’Anor au Ve congrès de l’Union départementale CGT du Nord, réuni à Lille le 21 juin 1921, avec des mandats en faveur de la motion de Monmousseau. Secrétaire du syndicat des verriers d’Anor, il entraîna son organisation dans l’adhésion à la CGTU au début de l’année 1922. François Süe en conserva la direction jusqu’en 1939, parallèlement à celle de la section fédérale Nord-est des verriers unitaires jusqu’à la réunification de 1935. Sa très grande expérience syndicale et sa parfaite connaissance des problèmes corporatifs des verriers l’appelèrent également à des responsabilités nationales : lors du congrès constitutif de la Fédération CGTU du Verre, tenu à Saint-Étienne les 24 et 25 juin 1922, il fut élu secrétaire général par 22 voix sur 41 votants, le poste de trésorier allant à Hermann.
François Süe fut reconduit dans ses fonctions lors du IIe congrès national, réuni à Aniche (Nord) du 25 au 27 juillet 1924 et au IIIe congrès national, organisé à Vierzon (Cher) du 29 au 31 juillet 1926. Mais lors de ce congrès, il fut critiqué pour avoir été candidat sur une liste nationaliste, aux élections municipales, ce qu’il contesta : pour lui il s’agissait d’une liste d’unité ouvrière. Au sein de la fédération du verre, deux courants se distinguèrent : les partisans de l’autonomie syndicale par rapport au politique — qualifiés d’anarcho-syndicalistes — et la tendance communiste. Dans la fédération du verre c’est la première tendance qui dirigeait la fédération. Bientôt la direction fédérale unitaire se démarqua vis-à-vis de la ligne de la CGTU. En septembre 1930, à la veille du congrès de Reims, et au cours du congrès, Herman et Süe, subirent une campagne de dénigrement de la minorité communiste, relayée dans l’Humanité. Süe et Herman furent réélus, mais ce dernier dût sa réélection au fait avoir lui même présenté sa candidature contre l’avis de son syndicat. Pourtant, à cette époque, Süe semble toujours être membre du PCF, et adjoint au maire d’Aniche, d’après un article de l’Humanité du 28 septembre 1930 tout en ayant « voté contre les dicrectives du parti auquel il appartient ». Cette situation s’aggrava avec la publication le 30 novembre suivant, de « l’appel des 22 », syndicalistes CGT, CGTU et autonomes, pour la réunification de la CGT. Sue et Herman rejoignirent cet appel, rendant exécrables les relations avec le bureau confédéral. En 1931, Sue et Herman, rejoints par Paul Vuilleminot, secrétaire des syndicats parisiens, et pourtant communiste, furent accusés par l’Union régionale CGTU de la Seine d’organiser une scission de la fédération. Ils passèrent cette crise avec difficulté, la fédération restant affiliée à la CGTU.
En septembre 1933, au congrès de Paris, réuni à La Bourse du Travail, François Sue quitta le secrétariat fédéral. S’il ne dit rien sur les raisons de son départ, qui avant été annoncé avant même l’ouverture du congrès, Herman expliqua, dans le débat, les raisons qui l’avait conduit à adhérer au comité des « 22 ». Tillon, représentant la confédération, disant constater une amélioration dans les rapports entre Herman et le bureau confédéral, et bien que le congrès eut voté, par 35 voix contre une, une résolution condamnant la position des « 22 », Herman fut réélu secrétaire fédéral. François Süe devint secrétaire de la section Nord-est de la fédération unitaire, et devint le secrétaire de la section Nord-ouest de la fédération réunifiée en 1936.
Après la mort d’Herman, François Sue fut élu secrétaire général de la fédération réunifiée du verre, lors du congrès de mars 1937, poste qu’il occupait encore en 1939. Il fut fréquemment sollicité pour organiser les grèves de nombreux syndicats de l’Avesnois, notamment ceux du Textile et des cheminots, dont il était responsable en tant que secrétaire de l’Union locale CGTU de Fourmies.
A partir de 1925, le rôle de François Süe en matière politique décrut avec l’arrivée à Anor du cheminot Fernand Hermann qui devint le véritable animateur des groupements communistes locaux. À l’occasion des élections au conseil général de 1928, Süe décida de ne pas se présenter et accorda son soutien au titulaire du siège, le socialiste Coppeaux. Cette prise de position entraîna la candidature de Hermann au nom du Parti communiste et l’exclusion de Süe qui rejoignit l’Union socialiste-communiste aux côtés d’Oscar Sarot. De 1933 à 1936, il milita au sein du Parti d’unité prolétarienne puis revint au Parti socialiste SFIO lors de l’intégration du PUP au courant socialiste dès la constitution du Front populaire.
Arrêté comme militant politique et syndical au début de l’année 1940, François Süe fut incarcéré à la prison de Loos, près de Lille. Devant la rapidité de l’avance allemande, les prisonniers politiques furent évacués de la centrale et se dirigèrent à pied vers Dunkerque, escortés par des gardes mobiles, le but de ce départ étant le transfert en Afrique du Nord via l’Angleterre. Éprouvant de grandes difficultés pour marcher, François Süe ne pouvait suivre le train imposé ; avec quelques autres militants âgés, il fut sommairement abattu par les gardes mobiles, sur la route, près du village de Marquillies, le 26 mai 1940.
Sources

SOURCES : Arch. Nat. F7/13610. — Arch. Dép. Nord, M 154/191, M 595/38B, M 595/69. — Marie-Françoise Talon, Biographie des militants ouvriers de l’arrondissement de Avesnes-sur-Helpe (1919-1939), Mémoire de Maîtrise, Lille III, 1974. — L’Humanité, 30 juillet 1926, 31 juillet 1926, 22 septembre 1930, 16 septembre 1930, 27 septembre 1930, 28 septembre 1930, 22 septembre 1933, 23 septembre 1933, 7 décembre 1936, 27 mars 1937. — La Voix des Verriers, novembre 1920, janvier, février, avril septembre 1921, novembre-décembre 1929 (BNF). — Le journal de Fourmies, 11 mai 1899. — Notes de Gilles Pichavant.

Yves Le Maner

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