Né le 5 janvier 1895 à Niort (Deux-Sèvres), abattu par des FTP le 23 février 1944 à Irleau (Deux-Sèvres) ; mécanicien ; militant communiste ; volontaire en Espagne républicaine ; responsable de l’Organisation spéciale de Niort et du Marais poitevin en 1941.

Georges Texereau
Georges Texereau
Portait non daté, mais vraisemblablement de la Libération. Archives de la Fédération du PCF des Deux-Sèvres, document communiqué par Maurice Rouzier à Michel Chaumet.
Fils de Georges Désiré Texereau, charpentier, et de Jeanne Marie née Moreau, couturière, Georges Texereau fut mobilisé en décembre 1914. Son registre matricule décrit un homme d’1,69 m, aux cheveux et aux yeux châtains, au visage rond, ayant exercé les professions de carrossier en auto et de chauffeur de taxi. Il résidait alors dans la commune de Saint-Liguaire, rattachée plus tard à Niort. Il servit successivement dans le 90e régiment d’infanterie, le 3e régiment du génie et enfin le 290e régiment d’infanterie. Il resta simple soldat, avec un certificat de « bonne conduite » pour toute récompense, échappant aux blessures sinon à la maladie qui lui valut d’être hospitalisé au Touquet Paris-Plage de novembre 1916 à août 1917.
Démobilisé, il revint à Niort et travailla quelques temps comme charpentier avec son père, rue de Ribray. Il épousa le 12 juin 1920 Germaine Odette Ernestine Béco, née le 29 mai 1903 à Niort. Le couple résida à Tours puis revint à Niort, 96 rue du Clou-Bouchet, où Texereau ouvrit un garage de réparation de cycles. Son épouse exerça la profession de coiffeuse.
Georges Texereau devint militant communiste à une date indéterminée. Il s’engagea dans les Brigades internationales où il servit avec le grade de lieutenant. Il fut gravement blessé à la tête et sa blessure le rendait souvent «  taciturne et peu communicatif  » selon la police qui le recherchait. Ce qui est confirmé par son amie communiste Denise Masson qui dit de lui : « A son retour, il était complètement désemparé…Il était comme ça, brusque, peut-être un peu cassant dans ses opinions, mais brave ».
En février 1939, il hébergea deux enfants espagnols réfugiés à Aiffres (Deux-Sèvres), dont la mère avait été tuée. Ils restèrent deux ou trois mois, jusqu’à ce que leur père, soldat républicain démobilisé, retrouve leur trace. Texereau organisa leur retour en train et les accompagna en moto jusqu’à la frontière espagnole.
Fidèle au Parti en dépit du pacte germano-soviétique, Texereau devint en 1941 responsable de l’Organisation spéciale de Niort et du Marais Poitevin, du Front national et de la propagande communiste dans la région de Niort (Deux-Sèvres), placé sous l’autorité du triangle de direction du PCF clandestin dans les Deux-Sèvres composé depuis juin 1941 d’André Bernardeau, Roger Guillot et Eugène Gréau. Texereau participa directement au déclenchement de la lutte armée consécutif à l’invasion de l’Union soviétique en organisant, dans la nuit du 12 au 13 décembre 1941, avec le jeune Lucien Billié, apprenti dans son garage, le sabotage d’une guérite de raccordement de câbles téléphoniques rue de Goise à Saint-Florent-lès-Niort. Bien que cette opération se soldât par un échec - la guérite fut endommagée par l’explosion mais sans que le trafic fût interrompu – la police diligenta une enquête conduite à un haut niveau.
En effet, « l’enquête est d’abord confiée au commissaire de la PJ d’Angers Jacques Baulleret qui s’oriente vers les milieux communistes de la ville, puis à Louis Dury de la 1ère brigade de PJ d’Angers assisté de Fernand David, commissaire de la préfecture de police [chef de la Brigade spéciale 1] et de plusieurs inspecteurs. Ces enquêteurs avaient précédemment enquêté dans les milieux communistes de Niort. A l’époque, des documents trouvés chez un militant nommé Fauveau établissaient que le responsable du Parti communiste français pour la région de Niort était Texereau, que des actions contre des meules de paille, des ouvrages des PTT et des ponts de chemin de fer étaient prévues et qu’un carnet portait l’adresse de Bernardeau, rue de Strasbourg. Clévy, inspecteur principal de la brigade spéciale des RG de Paris, décide alors de faire surveiller la demeure de Texereau et de l’arrêter le 19 décembre 1941 au matin. Mais lorsque la police se présente, le suspect a disparu. Sa femme indique aux enquêteurs qu’il est parti chercher des pièces de rechange chez les marchands de cycle. Mais on ne le trouve nulle part. Alors, son domicile est perquisitionné et l’on y découvre un fusil Mauser modèle 1899, un revolver Bull dog calibre 320 à 5 coups hors d’usage, des cartes routières, une cartouche à broche (on le soupçonne d’être parti avec un revolver qui tire ces cartouches) et 10 porte-sabres. » (Michel Chaumet, Archives privées).
À la recherche de Texereau, la police interpella plusieurs militants communistes du Niortais, d’abord André Charles – qui fréquentait le garage de la rue du Clou-Bouchet -, Carmen Boisseau et Pierre Michaud, puis dans un second temps, André Bernardeau, Roger Guillot, Eugène Greau, Pierre Paillas et René Manem. Ces derniers furent conduits à Paris. André Bernardeau fut condamné à mort et fusillé le 5 octobre 1942. Compte tenu de l’importance accordée à cette affaire, le procureur demanda que le dossier Texereau fût transféré à Paris.
Désormais clandestin, Texereau trouva refuge chez des militants et résistants communistes du Marais poitevin, entre autres chez les Migaud à Balanger. Personnage hors norme que Georges Texereau ! Surnommé « Mademoiselle Louise » ou la « Dame blanche », puisqu’il avait l’habitude, avec l’aide de son épouse coiffeuse, de se déguiser en femme pour échapper à la police. Quelles furent ses activités militantes jusqu’à sa mort ? La documentation accessible ne permet pas de le savoir. Toutefois, force est de constater qu’il n’a plus assumé de responsabilité à la mesure de son expérience et de son engagement passé, alors même que le PCF clandestin avait un besoin crucial de cadres d’une telle valeur. Peut-on y voir l’indice d’une mise à l’écart précoce, prélude à son élimination ?
Il vécut ainsi vingt-cinq mois dans le milieu confiné des résistants clandestins qui formèrent bientôt ce qu’il est convenu d’appeler le « groupe du Marais », En effet, à partir de 1943, de jeunes réfractaires au Service du travail obligatoire (STO) se retrouvèrent dans le Marais poitevin, dans la région d’Irleau-Damvix, à la limite des Deux-Sèvres et de la Vendée. En avril 1944, avec Léon Monéger, originaire de la région parisienne et installé à Damvix, Jabouille constitua un groupe de Francs-tireurs et partisans (FTP). À la ferme du Défens de la famille Cadet, le « groupe du Marais » disposait d’un petit dépôt d’armes : deux fusils de guerre et 150 cartouches, une mitraillette et 1500 cartouches ainsi que deux barres à mine. Avec les frères Doré – Camille et Michel –, Marcel Forestier, Raymond Giraudineau, Pol Mohimont, Léon Monéger et Daniel Pouponneau, Louis Guénon, Coirier et Morin, Jabouille organisa des vols de tickets d’alimentation dans les mairies, le sabotage de voies ferrées (notamment la voie ferrée La Rochelle-Niort le 19 mai 1944), le transport d’armes et la diffusion de la presse clandestine. Autour de ce petit groupe évoluaient aussi deux jeunes femmes, Carmen Migaud, une jeune institutrice communiste, suspendue par l’administration de Vichy, deux fois écrouée par les Allemands puis libérée, et Eva, fille aînée d’Honoré Cadet. A Irleau, résidaient également un autre résistant communiste, l’instituteur Eugène Barreau, enseignant à l’école du village, et sa mère Ezilda Barreau.
Un groupe d’hommes et de femmes traqués, pour lesquels les risques encourus n’excluaient pas les passions, les rivalités et les querelles, le tout se soldant par l’envoi de lettres anonymes aux conséquences catastrophiques. Dans un premier temps, d’août à octobre 1943, trois lettres de dénonciation furent expédiées à la Feldkommandantur de Niort (l’une d’entre elles échappa à la vigilance des postiers résistants) dénonçant Eugène Barreau et les réfractaires cachés dans le maquis. L’auteur de ces lettres était Éva Cadet, dont les motivations auraient été personnelles et sentimentales. Pour ces dénonciations, elle fut condamnée le 19 mars 1945 à vingt ans de travaux forcés par la Cour de justice. Eugène Barreau riposta en novembre en envoyant des lettres d’avertissement à la famille Cadet. La culpabilité d’Eva Cadet paraissant exclue, Barreau fut bientôt soupçonné, notamment par Jabouille, d’être – avec Texereau dont il était très proche – les responsables de tous ces courriers et de constituer un danger majeur pour le groupe du Marais.
C’est dans ce contexte délétère que se situe l’assassinat de Georges Texereau le 23 février 1944 dans la cour de l’école d’Irleau. À 21h30, alors qu’il traversait la cour en compagnie d’Eugène Barreau, tous deux furent la cible de rafales de mitraillette. Mortellement touché, Texereau eut le temps de crier à Barreau "Ils m’ont eu, sauve-toi". Texereau fut victime d’une opération montée par des résistants communistes du Marais. René Froehly, le tireur, était accompagné, semble-t-il, de Jacques Jabouille, (l’organisateur du guet-apens) et de Camille Doré, probablement à l’instigation de Carmen Migaud et peut-être sur ordre de la hiérarchie du PCF selon l’historien Michel Chaumet. Le corps de Texereau, jeté dans la Sèvre, fut repêché - déguisé en femme - le 25 mai 1944 à 300 mètres de la passerelle d’Irleau. « Il s’agit, selon le rapport du capitaine de la gendarmerie de Niort, du corps d’un homme en état de décomposition avancée, portant au cou une pierre d’une dizaine de kilogrammes, les bras liés en arrière, montrant une blessure par balle à la fesse droite et un hématome à la jambe gauche. L’homme parait une cinquantaine d’années et porte des habits de femme : corset, fausse poitrine, masse d’étoffe destinée à arrondir le buste, bandes pour arrondir les mollets, deux paires de bas noirs pour arrondir les mollets, maillot collant, deux chandails (un gris et un vert), des gants noirs dans les mains. » (Michel Chaumet). Une découverte qui entretiendra la légende de « Mademoiselle Louise. »
Le 13 avril 1945, Froehly, inculpé pour le meurtre de Texereau, se justifia en invoquant un ordre de la direction régionale de la Résistance communiste décidée à éliminer un traître. Selon la déposition de l’un des participants à la gendarmerie, le 27 janvier 1945, les auteurs du guet-apens d’Irleau obéissaient à un ordre du responsable régional (« inter ») du PCF. Mais pour quels motifs éliminer un militant chevronné, actif et courageux, ancien des Brigades internationales, cadre de la Résistance communiste en 1941 ? Froelhy invoque rien moins que des contacts avec l’Intelligence service ou la Gestapo… Selon l’un des témoignages des meurtriers consignés dans les archives du PCF, un responsable FTP avait été « envoyé par le parti communiste pour exécuter le traitre Texereau pour indiscipline et responsable (sic) de l’exécution en masse de l’effectif que celui-ci avait sous ses ordres », ce qui ne repose sur aucun fait établi. Les historiens Michel Chaumet et Jean-Marie Pouplain évoquent pour leur part « des tendances anarchistes [qui] n’étaient pas toujours conformes à la ligne souhaitée par le Parti ». Selon plusieurs témoignages, un ordre écrit émanait d’un cadre du PCF, inter-régional politique de la région dont dépendaient les Deux-Sèvres, Marcel Chassagne, alias « Constant », arrêté par la 22e Brigade de la Section des Affaires Politiques du commissaire Rousselet le 17 juin 1944 et qui mourut sous la torture le 22 juin à la prison de la Pierre-Levée de Poitiers sans avoir parlé. Deux non-lieux ont clos les instructions ouvertes à la suite de l’assassinat et de la découverte du corps de Texereau, respectivement les 15 mars et 26 octobre 1945. Dans ce dernier, la décision fut motivée par la formule consacrée : « l’homicide dont Froehly René est l’auteur constitue un acte légitime comme ayant été accompli postérieurement au 16 juin 1940 dans le but de servir la cause de la libération de la France, dans les termes de l’art 1er de l’ordonnance du 6 juillet 1943, vu l’art 327 du Code Pénal. ». Froely épousa Carmen Migaud en 1945.
Dans les derniers jours de mai 1944, le groupe du Marais fut décimé par les arrestations effectuées par des miliciens et des policiers français de la 22e brigade de la SAP du commissaire Rousselet. Des arrestations peut-être consécutives à la lettre d’Eva Cadet parvenue aux Allemands dénonçant Eugène Barreau et les résistants communistes du Marais et, à coup sûr, aux renseignements obtenus à la suite de l’interpellation de Marcel Forestier, résistant du groupe du Marais, le 23 mai à Saint-Liguaire. Condamnés à mort, Camille Doré et son frère jumeau Michel, Jacques Jabouille, Léon Monéger, Pol Mohimont, Raymond Giraudineau, Daniel Pouponneau, Marcel Forestier furent passés par les armes à Biard le 4 juillet 1944 ; Ezilda Barreau, succomba à la torture à la prison de la Pierre Levée à Poitiers le 1er juin 1944 ; Honoré Cadet périt le 30 décembre 1944 au camp de concentration de Neckargerach.
Une stèle à la mémoire des Résistants du Marais fut inaugurée le samedi 28 mai 2016 dans la commune du Vanneau-Irleau, mais sans le nom de Georges Texereau, résistant irréprochable victime d’un absurde règlement de compte. Son portrait barré du ruban tricolore, issu des archives de la Fédération du PCF des Deux-Sèvres, donne à penser qu’au moins au plan local, Texereau avait été lavé de tout soupçon.
Sources

SOURCES : Arch. Dép. Deux-Sèvres, 3 U 3 dossiers de procédures, 1945 liasse 9/13, dossiers 4 et 16 ; 2 MI 1473, État-civil, R 700, Registres matricules. — Notes de Jean Maitron. — Michel Chaumet, Jean-Marie Pouplain, La Résistance dans les Deux-Sèvres, 1940-1944, La Crèche, Geste éditions, 2010, p. 205-217. — Dominique Tantin, La justice des années sombres en Deux-Sèvres, 1940-1944, La Crèche, Geste éditions, 2014, p. 368, 376. — Maurice Rouzier, archives du PCF des Deux-Sèvres. — Michel Chaumet, archives privées.

Dominique Tantin, Claude Pennetier

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