Né le 11 juin 1924 à Paris (XIVe arr.), fusillé après condamnation le 8 février 1943 au stand de tir du ministère de l’Air à Paris (XVe arr.) ; étudiant à l’École alsacienne ; résistant au sein des FTPF, l’un des « Cinq lycéens de Buffon ».

Lucien Legros
Lucien Legros
Les 5 fusillés du lycée Buffon
Les 5 fusillés du lycée Buffon
Lucien Grelot
Lucien Grelot
Fils d’un chef de bureau au ministère des Finances, Pierre Legros était domicilié 26 rue des Plantes dans le XIVe arrondissement de Paris. Il était passionné de poésie et de peinture et excellent pianiste. Il étudiait au lycée Buffon depuis la classe de sixième. En 1941 il entra à l’École alsacienne.
Dès la rentrée de 1940 des tracts et journaux circulèrent au lycée Buffon appelant à « secouer les chaînes, à ne pas être un peuple de chiens couchants [...], à ne pas lécher les bottes prussiennes ». Le journal créé en septembre 1940, intitulé Valmy, était rédigé par le professeur Raymond Burgard. Le 11 novembre des lycéens et étudiants manifestèrent à l’Étoile, il y eut cent vingt-trois arrestations dont onze lycéens de Buffon. Les cinq lycéens de Buffon Jean Arthus, Jacques Baudry, Pierre Benoit, Pierre Grelot et Lucien Legros qui ont été fusillés le 8 février 1943 participèrent-ils à cette manifestation du 11 novembre 1940 ? En tout cas ils ne figurent pas parmi ceux qui furent interpellés.
Pendant l’hiver 1941-1942 ils devinrent tous les cinq membres du Front national. Le 2 avril 1942, Raymond Burgard fut arrêté ; le 16 avril, jour de la rentrée, vers 10 h 30, heure de la récréation, une cinquantaine de lycéens extérieurs pénétrèrent dans l’établissement où un groupe du lycée les attendait. Une centaine de jeunes crièrent « Libérez Burgard ! », et entonnèrent « La Marseillaise ». Un agent du lycée, sympathisant pétainiste, fit fermer les portes du lycée. Lucien Legros et Jean Arthus réussirent à s’échapper par le petit lycée, tandis que Jacques Baudry, Pierre Benoit et Pierre Grelot aidés par Jacques Talouarn, appariteur, militant communiste, se cachèrent dans les caves, évitant ainsi l’interpellation. Lucien Legros prévint le jour même à 14 h 30 sa famille par pneumatique : « Je suis recherché par la police. Ne vous en faites pas pour moi. Affection. Lucien ».
Lucien Legros devint clandestin FTP. Il participa le 10 mai 1942 vers 15 h 30 à un attentat contre un membre de l’armée d’occupation avec Pierre Benoit à l’angle des rues de l’Armorique et Belloni (Paris, XVe arr.) ; tous les deux étaient armés d’un pistolet de calibre 6,35 mm, seul Legros tira, et le militaire fut légèrement blessé à l’épaule gauche. Le 19 mai, quai Malaquais (Paris, VIe arr.), il accompagna Pierre Grelot qui tira à deux reprises vers 9 h 30 sur le Conseiller d’administration militaire de la Luftwaffe Kulick ; celui-ci fut touché d’une balle de revolver au-dessus de l’omoplate gauche. Le 23 mai vers 23 h, il était en protection pendant que Pierre Benoit déposait une bombe quai de la Conférence (Paris, VIIIe arr.) à la hauteur d’une péniche occupée par le Secours national. La bombe déposée à dix mètres du bateau n’occasionna aucun dommage.
Un jeune étudiant au Conservatoire des arts et métiers, Tibor Berger, hongrois, était soupçonné d’être un indicateur de la Gestapo. Lucien Legros et Jean Arthus furent chargés de le tuer. Ils se rendirent le 26 mai vers 7 h 30 du matin à l’hôtel de la Sorbonne, 6 rue Robert-Cousin (Paris, Ve arr.). Jean Arthus y pénétra seul, frappa porte no 13 au second étage, Tibor Berger ouvrit ; il faisait sombre, Jean Arthus tira à deux reprises, puis prit la fuite et retrouva Lucien Legros chargé du guet à l’extérieur. Le 28 mai vers 22 h 30, Pierre Benoit lançait une grenade et un engin explosif sur le yacht allemand La Vega accosté quai de Tokyo (aujourd’hui quai de New York). Lucien Legros assura la protection avec Arthus et Grelot.
Le dimanche 31 mai Lucien Legros avec Jean Arthus et Pierre Benoit assurèrent la protection armée de la manifestation organisée devant le magasin Éco à l’angle des rues de Buci et de Seine (Paris, VIe arr.). Madeleine Marzin était l’une des chevilles ouvrière de cette initiative.
Un appel à l’action directe sans équivoque était lancé Un tract fut jeté à la volée, intitulé « Écoutez-nous ! » signé d’« Un groupe de ménagères du VIe arrondissement ». : « Si nous élevons la voix davantage nous obtiendrons davantage. Mieux, si nous nous mettons en colère, on nous donnera satisfaction. [...] Servons-nous, nous-mêmes. Nos enfants ont faim, cela passe avant tout »
Deux gardiens de la paix arrêtèrent André Dalmas, un FTP qui assurait la protection. Des manifestants tentèrent de le libérer, des coups de feu furent échangés, deux policiers furent tués.
Lucien Legros fut arrêté par trois inspecteurs de la Brigade spéciale n°2 (BS2) le 3 juin 1942 vers 17 heures 30 face au n° 5 de la rue de Pondichéry dans le (Paris, XVe arr.) avec Pierre Grelot alors que Pierre Benoit réussissait, lui, à s’échapper. Jean Arthus fut arrêté à son domicile par trois inspecteurs de la BS2 le jour-même (3 juin 1942) vers 20h.
Lucien Legros portait sur lui une feuille de notes manuscrites avec l’adresse personnelle de Pierre Laval, chef du gouvernement de Vichy. Interrogé dans les locaux des Brigades spéciales, probablement battu, il reconnut que certaines des notes correspondaient à des rendez-vous liés à son activité clandestine.
Du 23 au 25 juin 1942 la Section spéciale de la cour d’appel de Paris, section de Paris du tribunal d’État, jugèrent dix-sept résistants qui étaient rue de Buci.
À l’issue du procès Lucien Legros fut condamné aux travaux forcés à perpétuité ainsi que Jean Arthus et Pierre Grelot, Pierre Benoit étant condamné à mort par contumace.
Lucien Legros fut livré aux Allemands le 1er juillet 1942 avec Jacques Baudry, condamné pour une autre affaire, et ses deux camarades Jean Arthus et Pierre Grelot. Le tribunal de la Luftwaffe qui siégeait rue Boissy-d’Anglas (VIIIe arr.) le condamna à mort le 15 octobre 1942 avec ses camarades Jean Arthus, Jacques Baudry, Pierre Grelot et aussi Pierre Benoît qui avait été arrêté le 28 août 1942.
Les « cinq du lycée Buffon » furent internés à la Santé (Paris, XIVe arr.) jusqu’au 26 octobre 1942 puis transférés à Fresnes (Seine, Val-de-Marne) où ils poursuivirent leur action au sein même de la prison (refus de recevoir l’aumônier allemand qui portait l’uniforme de la SS, tentative d’évasion...).
Lucien Legros a été fusillé le 8 février 1943 au stand de tir du ministère de l’Air à Paris (XVe arr.), ainsi que Jean Arthus, Jacques Baudry, Pierre Benoit et Pierre Grelot. Il fut inhumé au cimetière parisien d’Ivry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne) le 8 février 1943 division 47, ligne 1, n°9.
En 1952 ses restes furent incinérés et mis avec ceux de ses camarades Jean Arthus, Pierre Benoit et Pierre Grelot et dans une urne qui fut déposée le 8 février 1952 dans la crypte de la Sorbonne. Comme il en avait exprimé le souhait, Jacques Baudry repose désormais auprès de ses grands-parents à Douchy (Loiret).
Lucien Legros fut reconnu Mort pour la France, il fut homologué membre des Forces françaises combattantes (FFC) au titre du réseau Hector, membre des Forces françaises de l’intérieur (FFI) et Interné résistant (DIR). Il fut décoré de la Légion d’honneur, de la Croix de guerre avec palmes et de la Médaille de la Résistance (décret du 10 janvier 1947, publié au JO du 11 janvier 1947). Il fut cité avec ses quatre camarades à l’ordre de la Nation : "Glorieux enfants de France, qui formèrent pendant l’Occupation le groupe des Cinq étudiants du Lycée Buffon, se montrèrent en toutes circonstances animés de la foi patriotique la plus pure et la plus agissante"
Son nom est gravé sur la plaque du ministère de la Défense à Paris XVe arr., sur une plaque apposée dans le hall d’entrée du Lycée Buffon « À la mémoire des lycéens résistants fusillés le 8 février 1943 » et sur une plaque apposée 26 rue des Plantes : « Ici vécurent Jean Moulin, premier président du Conseil national de la Résistance, et Lucien Legros, élève au lycée Buffon, morts en héros pour la salut de la France. »
Paul Eluard, qui aurait été un ami personnel de la famille Legros, écrivit en 1944 un poème en hommage à Lucien Legros. « La nuit qui précéda sa mort/fut la plus courte de sa vie/l’idée qu’il existait encore/lui brûlait le sang aux poignets/le poids de son corps l’écœurait/sa force le faisait gémir/c’est tout au fond de cette horreur/qu’il a commencé à sourire/il n’avait pas UN camarade/mais des millions et des millions/pour le venger il le savait et le jour se leva sur lui. »
Dans sa dernière lettre le 8 février 1943, il écrivait à sa famille : « Mes Parents Chéris, mon Frère Chéri, Je vais être fusillé à onze heures avec mes camarades. Nous allons mourir le sourire aux lèvres, car c’est pour le plus bel idéal. J’ai le sentiment, à cette heure, d’avoir vécu une vie complète. Vous m’avez fait une jeunesse dorée : je meurs pour la France, donc, je ne regrette rien. Je vous conjure de vivre pour les enfants de Jean. Reconstruisez une belle famille... »
Son père, Étienne Legros, fut le confondateur, avec Mathilde Péri de l’Association nationale des famille de fusillés et massacrés de la Résistance française et de leurs amis (ANFFMRFA).
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Dernière lettre
 
Mes parents chéris,
Mon frère chéri,
Je vais être fusillé à onze heures avec mes camarades.
Nous allons mourir avec le sourire aux lèvres, car c’est pour le plus bel idéal. J’ai le sentiment, à cette heure, d’avoir vécu une vie complète. ..
Vous m’avez fait une jeunesse dorée : je meurs pour la France, donc je ne regrette rien. Je vous conjure de vivre pour les enfants de Jean. Reconstituez une belle famille. .
Jeudi, j’ai reçu votre splendide colis : j’ai. mangé comme un roi. Pendant ces quatre. mois, j’ai longtemps médité ; mon examen de conscience est positif : je suis en tous points satisfait. .
Bonjour à tous les amis et à tous les parents.
Je vous serre une dernière fois sur mon cœur.
Votre fils,
Lucien
Sources

SOURCES : Arch. Nat. 4W6 dossier 6 (audiences, affaire rue de Buci). — Arch. PPo., carton 6 rapports hebdomadaires des Renseignements généraux pendant l’Occupation, BA 1752, BA 2056, BA 2128. — DAVCC, Caen, Boîte 5 / Boîte 6 (Notes Thomas Pouty). — Bureau Résistance GR 16 P 357032. — Lettres de fusillés, Éditions France d’abord, 1946, p. 147. — La vie à en mourir, lettres de fusillés, présentées par Guy Krivopissko, Taillandier, 2003. — Plaque du ministère de la Défense à Paris XVème. — Site Internet Mémoire des Hommes. — MémorialGenWeb. — Répertoire des fusillés inhumés au cimetière parisien d’Ivry.

Iconographie
PHOTOGRAPHIE : Arch. PPo. GB 183

Jean-Pierre Besse, Daniel Grason

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