Né le 13 janvier 1915 à Quimerch (Finistère), fusillé le 17 septembre 1943 au Mont-Valérien, commune de Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine) après condamnation ; pensionné, réformé de la marine ; communiste ; résistant FTPF dans le Finistère.

Fils d’un poudrier et d’une ménagère, Albert Abalain était pensionné à 100 % de la Marine et domicilié à Pont-de-Buis-lès-Quimerch (Finistère). Il adhéra au Parti communiste français (PCF) en 1936, milita à la Confédération générale du Travail (CGT) et participa à la reconstruction du PCF clandestin ainsi qu’à des actions menées à l’Arsenal de Brest (Finistère). Il entra très tôt dans la résistance armée communiste et selon certaines attestations contenues dans son dossier à Caen, il aurait été chef départemental des FTP du Finistère et membre de l’état-major FTP. Il fut arrêté le 1er octobre 1942 en gare de Châteaulin (Finistère) par la police française après le démantèlement du groupe FTP de Lorient (Morbihan). Le rapport de la gendarmerie de Châteaulin, en date du 1er octobre, signalait : « Suite à l’attentat dans la nuit du 30 septembre au 1er octobre 1942 contre la caserne Frébaud à Lorient [...] des renseignements reçus du commandant de section de Lorient, Abalain réformé 100 % de la marine et domicilié chez ses parents ne serait pas étranger à cette affaire. Sur le quai nous remarquons un individu correspondant au signalement. » Il fut arrêté en possession de papiers qui le domiciliaient à Hauteville (Ain), d’une somme d’argent et de faux-papiers. Il réussit à s’évader mais fut repris au petit matin du 2 octobre près du pont SNCF à Pont-de-Buis. Incarcéré au château de Brest puis détenu par le Service de police anticommuniste (SPAC) à Lorient du 8 au 12 octobre 1942, il fut à nouveau enfermé au château de Brest puis à la prison Jacques-Cartier de Rennes (Ille-et-Vilaine) à partir de janvier 1943 avant d’être transféré à Fresnes (Seine, Val-de-Marne) le 28 juillet 1943. Il fut condamné à mort par le tribunal militaire allemand Gross Paris (Abt B) le 28 août 1943 pour « sabotages par explosifs et attaques à [sic] l’armée allemande ». Le rapport de gendarmerie déjà cité nous donne le signalement suivant : « 1 m 70, cheveux blonds, yeux bleus, nez rectiligne, visage ovale. » Il a été fusillé le 17 septembre 1943 au Mont-Valérien.
Abalain figure sur le monument aux morts de Pont-de-Buis-lès-Quimerch, ville où vivaient, après la guerre, sa mère, Jeanne née Veignant (veuve), et ses frères. Le site des plaques commémoratives le dit « fusillé au Mont-Valérien avec dix-huit autres militants communistes de Brest ». Le fichier départemental du Finistère le donne bien comme fusillé au Mont-Valérien le 28 septembre et la presse locale donne la même information.
Homologué à titre posthume au grade de capitaine FFI en décembre 1947 avec attribution de la Croix de guerre et de la Médaille de la Résistance en 1948, il eut, à titre, la carte de Combattant volontaire de la Résistance (CVR) en décembre 1953 et la Légion d’honneur en juin 1955.
A Brest, son nom figure sur le monument commémoratif des 19 fusillés FTPF :
Albert Abalain, Lucien Argouac’h, André Berger, Louis Departout, Yves Giloux, Eugène Lafleur, Louis Le Bail, Paul Le Gent, Louis Le Guen, Paul Monot, Moreau Henri, Jean-Louis Primas, Jean Quintric, Albert Rannou, Albert Rolland, Étienne Rolland, Joseph Ropars, Jean Teurroc, Charles Villemin.
Sans qu’on s’en explique la raison, dix fusillés du 17 septembre 1943 avaient été oubliés dans les listes du Mont Valérien. La commission d’histoire réunie le 18 octobre 2010 fit ajouter les noms suivants : Abalain Albert, Argouac’h Lucien, Berger André, Departout Louis, Giloux Yves, Moreau Henri, Rannou Albert, Rolland Albert, Ropars Joseph, Teurroc Jean.
Prison de Rennes, le 12 mars 1943
 
Très chers parents,
Je profite pour vous écrire ces mots qu’un crayon soit en ma possession. J’ignore quand vous recevrez cette lettre, mais elle vous sera remise sans aucun doute. C’est mon compagnon de cellule, le camarade MAZE, qui vous la remettra quand il aura retrouvé sa liberté. Son cas n’est pas grave, sa peine ne sera pas sévère, si toutefois il est condamné. Pour moi, la situation n’est pas la même. Je n’ai aucun espoir de sauver ma vie, d’ailleurs l’officier instructeur m’a déclaré que je serai fusillé ; soit, cela ne m’effraie pas, je mourrai bravement en communiste, je suis fier d’avoir lutté pour l’indépendance de mon pays et pour sauver de l’esclavage le peuple de France ; ceux qui m’ont livré aux Allemands, les policiers français ou soi-disant tels , qui se font les pourvoyeurs des cours martiales, ceux-là auront à rendre compte un jour de leur conduite répugnante ; ce que j’ai pu souffrir par eux, vous ne le saurez jamais. Il est impossible d’imaginer le sadisme de ces chiens de garde des capitalistes, il est vrai que chez ces tristes individus, tout sentiment patriotique a cessé d’exister , s’il exista jamais. Peut-être ont-ils pensé, ces traîtres, que le peuple était muselé pour toujours et que cela leur assurait l’impunité... Déjà, ils se rendent compte de leur erreur, car la justice est en marche là-bas, à l’Est de l’EUROPE. Les héros de l’Armée Rouge infligent aux fauteurs de guerre capitalistes de sévères défaites, partout, les peuples subjugués par le fascisme barbare redressent la tête, un jour peut-être proche, le régime bourgeois basé sur l’exploitation de l’homme, sur l’erreur, le mensonge, la superstition s’écroulera avec fracas ; ce jour-là, nous serons vengés, les policiers et les traîtres de tout acabit rendront compte de leurs actes au peuple souverain qui les jugera.
Mes chers parents, j’ai confiance dans l’avenir, j’ai la certitude que nous sortirons victorieux du combat auquel nous ont contraint les fascistes. Je sais, mes pauvres chers parents, que ma mort vous plongera dans le désespoir mais songez à la grandeur de l’idéal pour lequel je donne ma vie, songez que je meurs pour que d’autres parents plus tard ne connaissent pas vos tourments, pensez que je fais le sacrifice suprême, pour sortir les masses laborieuses de l’animalité, de l’esclavage où les tient le capitalisme. Dans la cité nouvelle, le travailleur aura enfin la place qui lui revient, la « première » ; partout les peuples vivront dans l’abondance, libres, égaux en droits, sans distinction de race ; partout, ce sera le bonheur dans la paix sociale car les exploiteurs auront été impitoyablement liquidés ; aux divisions et aux luttes qui affaiblissent la classe laborieuse que les capitalistes entretiennent après les avoir provoquées, fera place à la fraternité, pensez à tout cela, mes chers parents, et ma mort vous paraîtra moins cruelle. Combien déjà sont tombés sous les balles allemandes, martyrs de la liberté ; après nous, combien encore feront avec joie le sacrifice de leurs vies, pour que les horreurs de la guerre soient épargnées aux générations à venir. Vraiment la mort paraît douce quand on songe au bonheur que connaitront les tout-petits un peu grâce à nous.
Mon cher Papa, je sais que tu seras fort dans le malheur comme toujours tu le fus. Console ma chère petite maman ainsi que tous les autres. Dis à mes camarades que je suis resté jusqu’au bout fidèle à mon idéal et transmets-leur mon dernier salut, le salut le plus fraternel.
Et maintenant, adieu mes chers parents, adieu, vous tous que j’aimais, je vais attendre la mort avec calme car j’ai la conscience pure. A tous, j’envoie d’affectueux baisers.
Votre fils ALBERT
Sources

SOURCES : AVCC, Caen, B VII. (Notes Jean-Pierre Besse et Thomas Pouty). – Ludivine Achard de Leluardière, Master 2, 2006 Université de Caen. – Arch. Mémorial finistérien de la Seconde Guerre mondiale. – Notes de Gilles Pichavant et Annie Pennetier. – État civil.— https://www.resistance-brest.net/ar....

Jean-Pierre Besse, Annie Pennetier

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