Né le 19 janvier 1923 à Puteaux (Seine, Hauts-de-Seine), fusillé le 6 octobre 1943 au Mont-Valérien, commune de Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine) ; barman ; résistant FTPF.

Fils de Catherine Labrousse et de Louis, chauffeur qui le reconnut le 28 janvier, André Chassagne obtint à l’issue de l’école primaire le CEP. Ses parents Louis et Catherine qu’André appelait Jeanne ouvrirent en septembre 1931, un débit de boissons restaurant au 155 avenue Gambetta (XXe arr.). Après les succès électoraux des élections municipales et cantonales de 1935, celui des législatives de 1936, l’établissement servit de lieu pour les permanences des élus communistes du XXe arrondissement. En mai 1942, Catherine Chassagne fut soupçonnée d’assurer la liaison entre des militants communistes qui fréquentaient le débit de boissons et le docteur Cachin.
Requis pour le STO en mai 1943, André Chassagne décida de s’y soustraire et quitta son domicile du 134 rue de Ménilmontant (XXe arr.). Il fit connaissance d’un nommé Henri, de François Marais dit Le Rouquin et d’Alexandre Honvault. Ils se rencontraient régulièrement dans différents cafés de Paris. Le 5 juin 1943 il accepta d’agir avec ses nouveaux camarades. Le groupe incendia un garage à Meaux (Seine-et-Marne) et, le 13 juillet, mit le feu à du fourrage réquisitionné par les Allemands. André Chassagne devint sergent FTP.
Le groupe décida d’une expédition le 9 août 1943 dans un pavillon momentanément inoccupé à La Varenne-Saint-Hilaire (Seine, Val-de-Marne). Ils voulaient récupérer de la vaisselle et des objets qu’il pourrait revendre. Ils étaient venus avec des provisions, mangèrent des victuailles, burent des bouteilles de vin trouvées sur place, s’attardèrent, et décidèrent de dormir sur place. Vers 21 h 30, des voisins remarquaient que de la lumière filtrait du pavillon du 65 avenue Albert Ier. Sachant que le propriétaire était absent, ils en déduisirent qu’il était visité par des inconnus. La gendarmerie prévenue se rendit sur les lieux et demanda des renforts au commissariat de Saint-Maur-des-Fossés.
Gendarmes et policiers étaient sur les lieux vers 22 h 45. Des hommes étaient dans la cave ; les policiers crièrent : « Hauts les mains ! » Des coups de feu furent échangés. André Chassagne reçut une balle dans la cuisse droite et une autre à la main droite ; son arme, un 6,35 mm se trouvait auprès de lui avec une balle dans le canon et six dans le chargeur. Un second revolver chargé mais enrayé, de même calibre, était dans sa poche intérieure ; d’autres balles furent trouvées dans ses poches. Alexandre Honvault fut aussi blessé d’une balle dans la cuisse droite ; les deux hommes furent transportés à l’hôpital de Créteil.
Ils étaient entrés dans le pavillon par effraction afin de le cambrioler. Sur la table du salon, ils laissèrent un papier sur lequel il était écrit : « Avec nos remerciements, à la prochaine et merci. » Dans la cour, trois bicyclettes et une remorque étaient abandonnées et de nombreux paquets ficelés. Les plaques d’identité des vélos portaient les noms de Pierre Liebecq, François Marais et Robert Chapuis ; la remorque ne portait pas d’immatriculation.
Le commissaire de Saint-Maur-des-Fossés procéda aux premières constatations, et enregistra les déclarations des appréhendés. André Chassagne déclara que le vélo portant la plaque Pierre Liebecq appartenait à un ami de Juvisy ; il ne connaissait que le prénom du quatrième homme, Jean. Quant à Henri, il devait revendre les objets et chacun devait toucher de l’argent. Alexandre Honvault, vingt-deux ans, ajusteur mécanicien au chômage qui demeurait à Aubervilliers (Seine, Seine-Saint-Denis), fit une déclaration similaire.
Des inspecteurs emmenèrent les deux hommes à l’hôpital de la Pitié (XIIIe arr.). Les interrogatoires furent menés à leur chevet par le commissaire de la BS2 Jean Hénoque. Les méthodes n’étaient pas celles du commissaire de Saint-Maur-des-Fossés. André Chassagne reconnut être membre des FTP où il portait le pseudonyme de Max, comme celui qu’il portait quand il était barman. Il avait adhéré aux FTP par hasard, ignorait qu’il s’agissait d’une organisation communiste. Chaque jour à midi il voyait Jean entre les deux bassins du jardin des Tuileries. Il habitait en fait une chambre 47 avenue Gambetta, lors de la perquisition, les policiers saisirent : un pistolet 6,35 mm, une fausse carte d’identité, un certificat de travail en blanc, deux clefs, un rapport, un document manuscrit pour Julien, des recommandations concernant la discipline, une circulaire destinée aux FTP. Le produit du cambriolage du pavillon de La Varenne, vaisselle, batterie de cuisine, etc., était destiné à équiper les domiciles clandestins.
Transférés dans le quartier allemand de la prison de Fresnes (Seine, Val-de-Marne), André Chassagne, Émile Marais et son fils François Marais, Louis Wallé, Marcel Kaufmann, Peter Snauko, Chuna Bajtsztok, Maurice Pirolley comparurent le 1er octobre 1943 devant le tribunal du Gross Paris qui siégeait rue Boissy-d’Anglas (VIIIe arr.). Ils furent condamnés à mort « pour activité de franc-tireur ». André Chassagne fut passé par les armes avec ses camarades le 6 octobre 1943 au Mont-Valérien.
Après la Libération, il fut inhumé dans le carré des corps restitués au cimetière parisien d’Ivry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne). Son nom figure sur la plaque apposée contre le mur du cimetière parisien d’Ivry-sur-Seine « À la mémoire des victimes du nazisme fusillées au Mont-Valérien le 6 octobre 1943. »
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Dernier lettre
 
[Sans date]
Mes deux chéris,
Je t’envoie cette dernière lettre, ma petite Pierrette chérie, en te demandant pardon du chagrin que je vais te causer. En effet, condamné à mort le 1er, octobre, je dois être exécuté aujourd’hui à seize heures.
Veille désormais sur mon petit Jeannot adoré, aussi bien que nous l’aurions fait tous les deux Qu’il souffre le moins possible de la disparition de son papa Heureusement pour lui, il ne se rendra compte de rien Il est trop petit et j’en suis heureux C’est d’ailleurs ce que je voudrais (bien entendu c’est à toi seule d’en juger). Elève Jean-Claude seule pendant ces premières années, car je ne veux pas qu’il ait là souffrir lorsque tu referas ta vie, ce à quoi je tiens essentiellement, car tu es jeune et le malheur doit s’oublier. Je veux également que ton attitude vis-à-vis de mes parents soit parfaite, que tu ne les prives pas de Jeannot, ce sera leur seul souvenir de moi.
Je ne regrette rien de ce que j’ai fait, et serais tout prêt à recommencer. Je t’envoie ma bague que j’ai toujours portée, et que je désire donner personnellement à mon fis en souvenir de son papa qui l’adorait et qui aurait tout fait pour son bonheur. Je compte uniquement sur toi, je sais que tu me comprends et que tu ferais ce que je te demande ; j’y joins également quelques photos, je n’en garde qu’une de chacun de vous deux.
Pense que c’est la guerre, que le deuil est partout et que j’aurais pu mourir sans savoir pourquoi. Là, c’est différent, je tombe pour mon pays, mes idées que je n’ai jamais reniées, et surtout pour assurer votre bonheur futur. Le seul chagrin que j’ai, est de vous quitter sans vous avoir revus. Sache malgré tout que je ne cessais de penser à vous deux et qu’au profond amour que j’avais pour toi, je joignais une adoration sans bornes à mon petit Jeannot.
Je termine maintenant, Pierrette, chérie et Jeannot adoré, en vous serrant très fort contre moi et en vous embrassant tendrement.
André
Sources

SOURCES : Arch. PPo., Carton 15 activités communistes pendant l’Occupation, 77W 128. – DAVCC, Caen, Boîte 5 B VIII dossier 4 (Notes Thomas Pouty). – Lettres de fusillés, Éditions France d’abord, 1946. — Site Internet Mémoire des Hommes. – Mémorial GenWeb. – État civil.

Daniel Grason

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