Né le 20 mai 1902 à Paris (XIVe arr.), fusillé le 21 mars 1942 au Mont-Valérien, commune de Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine) ; prothésiste dentaire, inventeur, styliste ; résistant du réseau britannique Phill.

Georges Paulin était un très bon élève, ayant des aptitudes pour le dessin. Il fut affecté par la mort brutale de Marie-Antoinette, sa mère, tuée par l’éclat d’un obus tiré par un canon allemand de longue portée sur Paris en mars 1918. Il débuta dans la vie professionnelle comme prothésiste dentaire, s’installa à son compte et poursuivit des études pour devenir chirurgien-dentiste ; il demeura à Malakoff (Seine, Hauts-de-Seine).
Parallèlement, en pleine époque des Arts-Déco, il créa des formes dans différents domaines : luminaires, mobilier, coiffure, bijoux, canots hors-bord... Il inventa le système Eclipse (toit automobile rétractable), les pare-brise et les phares escamotables et rétractables, déposa de 1931 à 1935 plusieurs brevets. Il réalisa des prototypes avec le carrossier Marcel Pourtout et fut son styliste attitré, puis consultant de Peugeot et enfin ingénieur-conseil et aérodynamicien du groupe Rolls-Royce Bentley.
Il n’admit pas l’armistice demandé par Pétain. En juillet 1940, il participa à la création du réseau de renseignements Phill de quatorze membres qui collaborait avec l’Intelligence Service Britannique. Les membres du réseau fournirent des renseignements sur les équipements et les effectifs des bases aériennes de la Luftwaffe, sur l’ampleur des recherches allemandes sur les moteurs à réaction et l’état d’avancement des projets.
Les blindés Renault étaient mis aux normes allemandes et utilisés lors de l’offensive allemande de juin 1941 sur le front russe. Des renseignements furent transmis sur les productions de chars d’assauts et de milliers de camions pour la Wehrmacht. Ce furent ces informations qui permirent aux Anglais de programmer un bombardement. Il eut lieu alors que les membres du réseau étaient arrêtés. Le mardi 3 mars 1942 à partir de 21 h 30, les 235 bombardiers de la RAF larguèrent des tonnes de bombes sur les usines. Les pertes humaines et matérielles furent considérables : 367 morts et 341 blessés dans la population, du fait de l’imbrication des habitations dans les nombreux bâtiments des usines. Sept ouvriers de chez Renault furent également tués.
Les membres du réseau exerçaient fictivement ou à mi-temps une activité. Dès novembre 1940, Georges Paulin travailla comme dentiste au cabinet de Durren-Berger, un dentiste français d’origine alsacienne qui parlait couramment l’allemand. Le cabinet dentaire était fréquenté par une clientèle allemande, notamment par l’ambassadeur Otto Abetz ; Hermann Brandt dit Otto, chef de l’Abwehr en France ; Von Stülpnagel, commandant des troupes allemandes ; Daniel Dubois, le numéro 1 français de la Gestapo à Paris ; ainsi que par plusieurs consuls. Le cabinet servit de plaque tournante à plusieurs membres du réseau.
Durrenberger était surveillé par la police française comme élément pro-nazi. En fait, il était également un agent occasionnel du 2e Bureau ; il ignorait les activités de Paulin et réciproquement. Georges Paulin et l’architecte Fernand Fenzy avaient un ami commun, un ingénieur suisse, surveillé comme pro-nazi par les services de police français. Il était aussi un agent occasionnel du 2e Bureau ; arrêté, il parla.
Plusieurs membres du réseau furent arrêtés le 31 octobre 1941 par la Gestapo française dirigée par Bonny et Lafont sur ordre du chef de l’Abwehr ; un poste émetteur fut saisi chez Georges Paulin. Ils furent tabassés, torturés et livrés aux Allemands, incarcérés au quartier allemand de la prison de Fresnes. Les interrogatoires se succédèrent. Le 20 mars 1942, Georges Paulin, agent Phill 703, ingénieur, dentiste ; Fernand Fenzy, architecte ; Jacques Kellner, directeur d’une entreprise de carrosserie ; Étienne Stéphane, dessinateur ; Roger Raven, ferreur, et Marius Roubille comparurent devant le tribunal militaire du Gross Paris qui siégeait rue Boissy-d’Anglas (VIIIe arr.). Les cinq premiers furent condamnés à mort pour « espionnage et aide à l’ennemi », Marius Roubille aux travaux forcés à perpétuité ; déporté à Mauthausen (Autriche), il mourut le 11 avril 1945 à Gusen.
Le 21 mars 1942, pour pouvoir être attaché au poteau d’exécution, Georges Paulin eut le torse et le cou plâtré. L’abbé Stock, aumônier allemand, l’accompagna jusqu’au lieu de l’exécution. Georges Paulin lui confia qu’il allait mourir la semaine anniversaire de la mort de sa mère.
En 1945, Georges Paulin reçut à titre posthume la Croix de guerre avec étoile de vermeil ; le général de Gaulle le cita à l’ordre du corps d’armée. Le réseau Phill devint le groupe Phill du réseau Alibi. La même année, le dénonciateur était réfugié dans son pays, la Suisse ; il échappa aux poursuites. Durren-Berger, arrêté malgré l’opposition du 2e Bureau, condamné à mort par la cour de justice le 15 novembre 1945 et gracié le 18 novembre, fut amnistié et libéré en 1951.
Son nom figure sur le monument aux morts de Malakoff dans l’enceinte du cimetière communal. Une plaque commémorative fut apposée, 1 place du 14-Juillet à Malakoff : « Ici habitait Paulin Georges fusillé par les Allemands ».
En 1964, Georges Paulin fut déclaré « Mort pour la France ». En 1967, il fut nommé lieutenant à titre posthume. En 1969, il fut décoré de la Médaille de la Résistance. En 2000, son nom et celui de ses compagnons furent gravés sur la cloche du Mont-Valérien. En 2006, une demande de Légion d’honneur émanant de sa famille reçut une fin de non-recevoir du ministère de la Défense.
Bertrand Delanoë, maire de Paris, et son conseil municipal, firent apposer en 2006 une plaque à sa mémoire, 3 place du 18 juin 1940 : « Ici de novembre 1940 à novembre 1941 Georges Paulin anima le réseau de renseignements Phill et combattit la tyrannie et le fascisme. Fusillé au Mont-Valérien le 21 mars 1942. Qu’il vive dans notre mémoire ».


L’abbé allemand Franz Stock l’évoque dans son Journal de guerre :
« Samedi 21.3.42
Matin, appris à Fresnes que 6 [prisonniers] doivent être fusillés dans l’après-midi, je les préparai lentement à la nouvelle, 5 avaient été condamnés la veille, sentence immédiatement confirmée.
Paulin, Georges, 1, place du 14 juillet, Malakoff
Raven, Roger, 89, rue des Boulets, XIe
Kellner Jacques, 80, rue Spontini, XVIe
Étienne, Robert, 2, rue du théâtre, XVe
Fenzy, Fernand, 10, square de Port Royal, XIIIe [en fait Fenzy]
Gourdain, Raymond, 175, rue Boutillerie, Amiens
Les 5 premiers se confessèrent et communièrent, le dernier était arrivé la vielle d’Amiens, où condamné à mort, mais exécuté à Paris, n’était pas baptisé, athée, mourut ainsi, sans assistance religieuse. Les autres écrivirent des lettres avant, étaient plein de courage, départ de Fresnes à 3 heures, puis fusillés à 4 heures, enterrés à Ivry. »
Il fut réinhumé à Bagneux
Sources

SOURCES : Arch. PPo. 77W 373. – AVCC, Caen, Boîte 5 (Notes Thomas Pouty). – Site Internet Mémoire des Hommes. – Site Internet Georges Paulin. – Mémorial GenWeb. – État civil. — Franz Stock, Journal de guerre. Écrits inédits de l’aumônier du Mont Valérien, Cerf, 2017, p. 73.

Daniel Grason

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