Né le 1er janvier 1902 à Moguilev (Russie, URSS, Biélorussie), fusillé comme otage le 15 décembre 1941 au Mont-Valérien, commune de Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine) ; brocanteur.

Beirel Feiler arriva en France en 1924 comme réfugié. Il se conforma à la réglementation sur le séjour des étrangers. Il épousa le 23 février 1937 à la mairie du XVIIIe arrondissement, à Paris, Roche Gimelstein, née à Raclniai en Lituanie le 9 mars 1901. Ils eurent trois enfants : Paulette née en 1933, Dora née en juillet 1934 et Michel né en juillet 1940.
Depuis 1926, Beirel Feiler exerçait la profession de brocanteur. Il habita 21 villa Biron à Saint-Ouen (Seine, Seine-Saint-Denis) dans le quartier des Rosiers, là où étaient installés brocanteurs et antiquaires du marché aux puces. En 1936, il demeurait avec femme et enfants 21 passage du Poteau à Paris (XVIIIe arr.). Il était inscrit au registre du commerce de la Seine, et son activité de brocanteur dégageait des bénéfices et lui permettait de faire vivre sa famille.
En 1937 fut créée au sein des Renseignements généraux une Section spéciale de recherche (SSR) chargée de la surveillance politique des étrangers dans le département de la Seine. Il y eut plusieurs « rayons », « espagnol », « russe », « italien », « allemand », « polonais »... Rompant avec le principe de la nationalité, fut créé en octobre 1941 un « rayon juif », chargé de surveiller les étrangers comme les Français. Les Allemands étant à Paris, il n’était plus question de les surveiller, et la direction du « rayon juif » fut confiée à son ex-responsable, le brigadier-chef Louis Sadosky. Nommé inspecteur principal adjoint en janvier 1941, il n’eut qu’un objectif, donner satisfaction à ses chefs de la direction des Renseignements généraux. Chargé d’arrêter des Juifs, il ne faillit pas. Il établit un fichier des « Juifs suspects » et il n’hésita pas à falsifier les rapports des inspecteurs qu’il eut sous ses ordres. Lui-même se vantait d’avoir fait fusiller entre soixante et quatre-vingts personnes.
Le gouvernement de Vichy promulgua, le 3 octobre 1940, un statut des Juifs qu’il aggrava le 2 juin 1941. L’article 4 indiquait : « Les Juifs ne peuvent exercer une profession commerciale, industrielle ou artisanale, ou une profession libre. » Un gérant aryen fut donc nommé par l’administration française pour gérer l’entreprise de Beirel Feiler. Il était titulaire d’une carte d’identité valable jusqu’au 13 décembre 1942 au titre de « brocanteur ambulant », mais elle portait désormais la mention « activité commerciale interdite ».
Des inspecteurs des Renseignements généraux effectuèrent le 8 septembre 1941 des contrôles à Saint-Ouen dans la rue des Rosiers, dans la rue Jules-Vallès, et sur l’avenue Michelet, où selon un rapport policier, « de nombreux israélites continuaient à vendre leur marchandise au public ». Beirel Feiler fut arrêté le 8 septembre 1941 et interné le lendemain au camp de Drancy (Seine, Seine-Saint-Denis) réservé aux Juifs avec d’autres interpellés, notamment Szama Knapajs, fusillé au Mont-Valérien comme otage le 15 décembre 1941 ; Josef Kape, fusillé au Mont-Valérien comme otage le 21 février 1942 ; Kalman Stievelmacher, déporté le 19 juillet 1942, et Lazar Herscu, déporté le 23 juillet 1943, qui tous deux moururent à Auschwitz (Pologne).
Le rapport d’un inspecteur ne signala pas la moindre activité politique de la part de Beiler Feiler, mais il lui accola l’étiquette de « suspect ». Louis Sadosky renchérit, Beirel Feiler devint un « propagandiste clandestin en faveur de la IIIe Internationale. [...] Susceptible de constituer un élément dangereux pour l’ordre public ».
Le 14 décembre 1941, le général Von Stülpnagel fit paraître un Avis : « Ces dernières semaines, des attentats à la dynamite et au revolver ont à nouveau été commis contre des membres de l’Armée allemande. Ces attentats ont pour auteur des éléments, parfois même jeunes, à la solde des Anglo-Saxons, des Juifs et des Bolcheviks et agissant selon les mots d’ordre infâmes de ceux-ci. Des soldats allemands ont été assassinés dans le dos et blessés. En aucun cas, les assassins n’ont été arrêtés. »
Désigné comme otage, Beirel Feiler fut passé par les armes au Mont-Valérien le 15 décembre 1941.
Sa femme, Roche, fut arrêtée à son domicile le 11 février 1943 et déportée par le convoi n° 50 le 4 mars 1943 depuis Drancy à destination du camp de Maidanek (Pologne) ; plus de neuf cent cinquante déportés étaient dans ce transport, et à la libération du camp il restait trois survivants.
Après la Libération, plusieurs inspecteurs témoignèrent devant la commission d’épuration de la police. Sadosky catalogua « tous les adhérents de l’association des brocanteurs de Belleville comme militants communistes. Il ne s’embarrassait pas de préjugés pour qualifier de communiste un Juif sur qui il n’aurait pas de renseignements au point de vue politique, il le faisait à la tête ». (Pierre B...)
« J’ai fait des enquêtes [...] sur le compte de Juifs qu’il avait catalogués comme membre de la sous-section juive du Parti communiste car ils appartenaient à une société de secours mutuel, société de bienfaisance ou corporative qui d’après lui était d’obédience politique d’extrême gauche. » (Arthur C...).
Les notes personnelles de Louis Sadosky furent saisies par des inspecteurs résistants de la 3e section des Renseignements généraux. Près de soixante-dix fiches portaient la mention DCD, en réalité ces hommes avaient été fusillés comme otages.
Beirel Feiler a été homologué au titre de la Résistance intérieure française (RIF) comme membre du Front national ; il fut reconnu Mort pour la France par la Direction des statuts, des pensions et de la Réinsertion sociale (DSPRS) le 7 février 2008.
Son nom figure sur la cloche du Mémorial de la France combattante au Mont-Valérien.
Voir Mont-Valérien, Suresnes (Hauts-de-Seine)
Sources

SOURCES : Arch. PPo. BA 2439, KB 95, 77W 1746. — DAVCC, Caen, otage B VIII dossier 2 (Notes Thomas Pouty), AC 21 P 343374. — Bureau Résistance GR 16 P 219867. — Laurent Joly, Louis Sadosky, brigadier-chef des RG, Berlin 1942, CNRS Éd., 2009. — Serge Klarsfeld, Le livre des otages. — Site Internet Mémoire des Hommes. — Site Internet CDJC. — MémorialGenWeb.

Daniel Grason

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