Né le 15 octobre 1899 à Synowodzko Wyzne (Russie, Pologne, URSS, Ukraine), fusillé comme otage le 21 février 1942 au Mont-Valérien, commune de Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine) ; voyageur de commerce.

Léon Jolles, issu d’une famille juive, séjourna à Dortmund (Allemagne) où il fit connaissance avec Chaja Hudes, née le 21 décembre 1898 à Brzesko (Pologne). Ils eurent un fils, Joachim, né le 15 avril 1924, et se marièrent le 20 janvier 1930. En raison des persécutions antisémites, ils quittèrent l’Allemagne pour la Palestine sous mandat britannique. Ils entrèrent en France le 1er juin 1937 et logèrent à Paris, 16 rue Jean-Beausire (IVe arr.), puis 15 impasse Saint-Sébastien (XIe arr.).
En 1937 fut créée au sein des Renseignements généraux une Section spéciale de recherche (SSR) chargée de la surveillance politique des étrangers dans le département de la Seine. Il y eut plusieurs « rayons », « espagnol », « russe », « italien », « allemand », « polonais »... Rompant avec le principe de la nationalité, fut créé en octobre 1941 un « rayon Juif », chargé de surveiller les étrangers comme les Français. Les Allemands étant à Paris, il n’était plus question de les surveiller. La direction du « rayon Juif » fut confiée à son ex-responsable, Louis Sadosky. Celui-ci n’eut qu’un objectif, donner satisfaction à ses chefs. Chargé d’arrêter des Juifs, il ne faillit pas, il établit un fichier des « Juifs suspects », et n’hésita pas à falsifier les rapports des inspecteurs qu’il eut sous ses ordres. Lui-même se vantait d’avoir fait fusiller entre soixante et quatre-vingts personnes.
Quand le gouvernement de Vichy promulgua le statut des Juifs, Léon Jolles ne pouvait plus travailler. Pour vivre, il n’eut pas d’autre choix que d’enfreindre la loi. Avec son fils Joachim, âgé de seize ans, il fit des courses pour des particuliers. Au cours du mois de mai 1941, les policiers de la SSR effectuèrent quatre cents enquêtes au sujet de Juifs considérés comme suspects. Cinq cents Juifs furent contrôlés dans les établissements publics, cafés, restaurants. Les domiciles de certains interpellés firent l’objet de perquisitions. Ces opérations se déroulèrent dans sept arrondissements de Paris où tracts et papillons en français et en yiddish édités par le Parti communiste étaient distribués et collés.
Le 23 mai, les policiers investirent le 58 rue Crozatier (XIIe arr.). Selon des renseignements parvenus à la police, des réunions de militants communistes s’y tenaient deux ou trois fois par mois. Les domiciles d’une vingtaine de locataires juifs de l’immeuble furent perquisitionnés. Les policiers arrêtèrent Josef Fridman et Jankiel Minsky, porteurs de tickets de cotisation du Parti communiste, ainsi que Adolf Pivolski, en fait Abraham Trzebrucki, militant communiste, membre de l’organisation Solidarité, créée par l’Union des Juifs pour la résistance et l’entraide (UJRE). Léon Jolles était chez l’un des trois militants quand il fut appréhendé, en possession de marchandises dont il ne put indiquer la provenance.
Il fut envoyé le jour même au camp de Drancy (Seine, Seine-Saint-Denis). En juin, un inspecteur, chargé d’une enquête sur son activité politique, rédigea une note : « Il n’a jamais attiré l’attention au point de vue politique. » Louis Sadosky fit de Léon Jolles un « trafiquant de marché noir, propagandiste clandestin en faveur de la IIIe Internationale. Suspect du point de vue politique ». Alors que Léon Jolles était détenu, le tribunal de Quimper le condamna le 3 août 1941 à deux mois de prison pour avoir séjourné en zone côtière.
Dans la nuit du 5 au 6 février 1942, une sentinelle allemande fut très grièvement blessée à Tours (Indre-et-Loire). S’y ajoutait l’attentat commis à Rouen (Seine-Inférieure, Seine-Maritime) le 4 février 1942 contre des militaires allemands. En représailles, les Allemands décidèrent de fusiller ou de déporter cinquante otages ; ils désignèrent quatorze otages à exécuter au Mont-Valérien dont treize Juifs internés au camp de Drancy : Szmul Balbin, Abraham Gärtner, Léon Jolles, Josef Kape, Max Kawer, Mordka Korzuch, Towja Lipka, Samuel Marhaim, Aron Miller, Jankiel Minsky, Israël Rubin, Lejbus Wajnberg et Israël Wirtheim, ainsi que Henri Debray militant communiste interné à à la prison de la Santé à Paris (XIVe arr.).
Léon Jolles fut passé par les armes le samedi 21 février 1942 au Mont-Valérien avec les treize autres otages. Il fut inhumé au cimetière parisien d’Ivry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne) le lundi 23 février 1942, division 39, ligne 2, n° 13, puis transféré à Paris le 18 janvier 1950 .
La mention Mort pour la France fut attribuée à Léon Jolles le 21 octobre 2002. Le nom de Léon Jolles figure sur la cloche du Mémorial de la France combattante au Mont-Valérien.
L’abbé Franz Stock évoque les 13 Juifs exécutés le 21 février 1942 dans son Journal de guerre :
« Samedi 21.2.42
14 exécutions.
Venu me prendre à 8h pour le Cherche-Midi, 14 otages doivent être exécutés à 11 heures : 13 juifs, d’origine germano-polonaises, du camp de Drancy ; un Français de la Santé.
....
Un jeune juif me dit : "Ils peuvent bien nous tuer mais d’autres se lèveront, il est impossible d’exterminer la race juive." Certains juifs étaient pieux, récitaient des psaumes, l’un s’est entouré de son châle de prière en soie, il voulait être enterré avec. Question : aucun rabbin ne vient ? Les 14 doivent être enterrés lundi seulement. Le seront à Ivry. »

Voir Mont-Valérien, Suresnes (Hauts-de-Seine)
Sources

SOURCES : PPo, BA 2439, KB 95, 77W 12. — DAVCC, Caen, otage B VIII dossier 3 (Notes Thomas Pouty), AC 21 P 465 924. — Louis Sadosky, brigadier-chef des RG, Berlin 1942, CNRS Éd., 2009. — Serge Klarsfeld, Le livre des otages. — Site Internet Mémoire des Hommes. — Site Internet CDJC. — MémorialGenWeb. — Franz Stock, Journal de guerre. Écrits inédits de l’aumônier du Mont Valérien, Cerf, 2017, p. 66. — Répertoire des fusillés inhumés au cimetière parisien d’Ivry.

Daniel Grason

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