Né le 24 février 1914 à Paris (XXe arr.), fusillé le 20 février 1942 au Mont-Valérien, commune de Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine) ; cordonnier.

Fils de Georges et de Marthe, née Cordier, Roger Laus était domicilié chez ses grands-parents, 74 rue de Ménilmontant, à Paris (XXe arr.). Il obtint le certificat d’études primaires. Il servit quatre ans dans un régiment stationné en Tunisie quand la guerre fut déclarée. Démobilisé, il revint en France en octobre 1940. Son amie Ginette Amet, née le 14 janvier 1915, à Paris (XIe arr.) avait accouché d’Huguette le 20 septembre. Ils se marièrent le 24 décembre 1940 et habitaient 15 rue de Reuilly à Paris (XIIe arr.). Roger Laus exerçait la profession de cordonnier. Il possédait une échoppe, rue de Chaligny (XIIe arr.) depuis janvier 1941. Sa femme Huguette, auxiliaire des PTT, travaillait 12 rue Humblot (XVe arr.).
Le 12 décembre 1941, Roger Laus s’était attardé avec quelques copains dans un café. Le couvre-feu était fixé à 18 heures. Quand il passa devant la caserne de Reuilly, l’heure était dépassée et deux gardiens de la paix lui demandèrent de se hâter. Quand il rentra chez lui, très énervé, il fut pris d’un brusque accès d’une fièvre contractée en Tunisie. Sa femme lui reprocha son état, une dispute éclata. Il la menaça et sortit un vieux revolver à barillet. Ginette alla se réfugier chez la concierge. Malgré les supplications de sa femme, il descendit au rez-de-chaussée.
Dans le couloir de l’immeuble, la porte de sortie donnant sur la rue de Reuilly était entrouverte. Il tira un coup de feu vers le sol. La malchance voulut qu’au même moment, une patrouille allemande passait dans la rue, composée d’un sous-officier et de deux hommes. Elle ne s’arrêta pas. Le sous-officier fit simplement un geste à deux gardiens de la paix qui accoururent. Roger Laus jeta l’arme par-dessus le mur qui séparait l’immeuble de l’école voisine, puis remonta dans son logement. Il fut appréhendé par les deux policiers. La concierge indiqua où Roger Laus venait de jeter son arme. Cinq balles restaient dans le barillet et la douille mais vide. Quand il tira, la patrouille allemande avait dépassé le no 15. La balle ne fut pas retrouvée, l’état dans lequel était Roger Laus au moment des faits, excluait le fait qu’il ait pu viser quiconque.
Il fut emmené ainsi que sa femme au commissariat des quartiers Picpus et Bercy. Après avoir nié les faits, il déclara : « Dans un acte irréfléchi j’ai tourné le canon du revolver vers le sol. [...] Si une patrouille allemande est passée juste à ce moment en face de l’immeuble, c’est pure coïncidence, et j’affirme ne pas avoir voulu tirer sur les Allemands, ni sur qui que ce soit. Je n’ai eu l’intention de tuer, ni de blesser personne. Je ne sais pas pourquoi j’ai agi ainsi ». Il avait hérité de cette arme à la mort de son beau-père et était en défaut de non-déclaration. Dès l’entrée des troupes d’occupation, il était obligatoire de déclarer une arme, et en 1941 toutes les armes y compris les fusils de chasse devaient être remises dans les commissariats ou à la gendarmerie.
L’enquête de la police française et de la Feldgendarmerie fut conjointe, il y eut une reconstitution. Roger Laus fut incarcéré à la prison du Cherche-Midi. Jugé le 17 février 1942, par le tribunal militaire allemand siégeant rue Boissy-d’Anglas (VIIIe arr.), il fut condamné à mort pour « détention d’armes ». Transféré à Fresnes, il fut passé par les armes le 20 février 1942.
Dans sa dernière lettre à sa femme et sa fille, il écrivit « J’attends l’aumônier qui m’encouragera. Tu feras baptiser ma petite Huguette [...], pardonne-moi, aime-moi encore un peu [...], pourtant je n’étais pas méchant [...], cela est dur de mourir comme cela, comme une bête que l’on abat. » Peu après, il ajouta « Je viens d’être baptisé et ai fait ma communion ». Le journal collaborationniste Le Matin publia un « Avis » le 23 février informant qu’il avait été fusillé pour « détention illégale d’armes ».

Roger Laus fut inhumé au cimetière d’Ivry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne).


L’abbé Franz Stock l’évoque dans son Journal de guerre :
Vendredi 20.2.42
1 exécution
8 h 45, au Cherche-Midi : Roger Laus, né le 24.2.1914, 15, rue de Reuilly, Paris XIIe. Doit être fusillé à 3 heures. Condamné à mort mardi dernier. Départ pour Fresnes à 9 heures, où plusieurs conversions, apprends que je n’ai pas le droit de voir certains [détenus]. 12 h 30 rentré rapidement à la maison , déjeuné et ensuite au Cherche-Midi. Roger Laus n’était pas encore baptisé. Marié civilement, une fillette de 16 mois. Je le baptisai après lui avoir dispensé un bref cours, avons récité ensemble des prières, sans parrains ; très recueilli et réceptif, avait perdu tout courage. Il retrouva confiance grâce à moi. Première sainte communion après la confession générale, reçue avec une piété émouvante. Une victime de son milieu, les parents ne se sont jamais souciés d’éducation religieuse. Il ne voulut pas que je le quitte. Là-haut, au fort, nous récitâmes ensemble la prière pour les mourants. Ne demandait qu’une chose, que Dieu lui pardonnât ses erreurs, ses dernières paroles au poteau furent "Seigneur, ayez pitié de moi !" Est mort avec un cœur croyant. Ensuite , enterrement au cimetière d’Ivry 39e div. Xe ligne n° 29. Informa sa femme de sa conversion dans sa dernière lettre, souhaita qu’elle fît baptiser leur enfant au plus vite et lui offrît une éducation chrétienne. »
Sources

SOURCES : Arch. PPo, 77W 156. – DAVCC, Caen, Boîte 5 (Notes Thomas Pouty). – Guy Krivopissko La vie à mourir, Lettres de fusillés 1941-1944, p. 127, Tallandier, 2003. – Le Matin, 23 février 1942. – Site Internet Mémoire des Hommes. – Mémorial GenWeb. — Franz Stock, Journal de guerre. Écrits inédits de l’aumônier du Mont Valérien, Cerf, 2017, p. 65.

Daniel Grason

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