Né le 21 février 1919 à Lannion (Côtes-du-Nord, Côtes-d’Armor), fusillé après condamnation le 15 juin 1944 au stand de tir du ministère de l’Air à Paris (XVe arr.) ; manœuvre ; membre du Parti communiste clandestin.

Jean-Baptiste Morvan, dit « P’tit Jean », était le fils de Jean-Baptiste Morvan, ouvrier boulanger, 17 rue de La Trinité en Lannion, et de Rosalie Calvez. Ouvrier boulanger, un moment maçon. Après l’arrestation de Jean-Baptiste Mont en mai 1943 à Lannion, dénoncé à Lannion par une femme il fut contraint de se replier à Plouagat (Côtes-du-Nord, Côtes-d’Armor). Le PCF clandestin fut pratiquement décapité dans les Côtes-du-Nord après les grandes arrestations d’août 1943. Sous l’impulsion de Louis Picard, les structures clandestines se reconstituèrent avec une nouvelle génération de militants. Très rapidement, la direction des Francs-tireurs et partisans (FTP) s’engagea dans les premiers déraillements, en particulier sur l’axe Paris-Brest. Ces opérations furent menées par le groupe « Félix Cadras » de Chatelaudren-Plouagat mis en place par André Cavelan au début de l’année 1943. FTP, Jean-Baptiste Morvan, membre du groupe dirigé par Pierre Malfoy, participa à divers sabotages. En juin et juillet 1943, il incendia une meule de paille en gare de Plouaret en compagnie d’Henri ; seul, il sabota des bobines de câbles téléphoniques à Saint-Agathon. Début octobre 1943, il ouvrit les vannes du château de Saint-Jean-Kerdaniel alimentant les moulins de la région. Le 15 et le 26 octobre 1943, il participa aux deux premiers et plus gros déraillements sur le département entre Plouvara et Plerneuf. Le 1er novembre 1943 vers 16 h 30, ayant blessé accidentellement sa fiancée Agnès Mordelet au domicile de celle-ci, il se rendit de lui-même à la brigade de Châtelaudren où il fut arrêté par les gendarmes Broustal et Le Carnuzel.
Remis aux autorités allemandes de Saint-Brieuc, Jean-Baptiste Morvan fut incarcéré à la maison d’arrêt de Saint-Brieuc au quartier allemand où il rejoignit ses deux camarades Albert Portron et René Thouément. Il fut ensuite transféré à la maison d’arrêt Jacques Cartier de Rennes puis à celle de Fresnes (Seine) au mois de mars 1944.
Le 1er juin 1944, il fut jugé avec ses quatre camarades FTP (Gilbert Le Taillandier, René Thouëment, Albert Portron et Hyacinthe Tilly) par un tribunal militaire allemand, condamné à la peine de mort pour activité FTP ainsi que deux autres costarmoricains Célestin Briend et Jean-Marie Le Gallais.
Le 15 juin 1944, le Mont-Valérien à Suresnes n’étant pas accessible, ils furent fusillés au ministère de la Défense, direction générale des armées, 2 bis avenue de la Porte-de-Sèvres à Paris (XVe arr.), à cet emplacement se trouvaient à l’époque les champs de tirs de l’armée de l’air.
Le décès de Jean-Baptiste Morvan fut constaté par un médecin allemand à 15 h 34, il avait 25 ans. Il fut inhumé au carré militaire du cimetière de Lannion.
Le nom de Jean-Baptiste Morvan figure sur La plaque du ministère de la Défense à Paris XVème.
Jean-Baptiste Morvan écrivit une première lettre adressée à sa fiancée Agnès Mordelet.
Le 2 avril 1944
Ma chérie, depuis un mois je suis isolé des autres, j’ai beaucoup réfléchi et j’ai compris que j’étais bien imprudent. C’est la fatalité et il a fallu que ce soit moi qui forge ainsi l’instrument de notre malheur. C’est ce qui me fait mal au coeur et je suis bien triste par moment. Si j’avais fait un peu plus attention pour tout, cela aurait été évité et nous serions là l’un près de l’autre aujourd’hui. Malgré tout, j’ose espérer que cela s’arrangera et pourtant il n’y a pas beaucoup d’espoir.
Je suis sans nouvelles des événements, je n’ai pas le droit de te parler de l’affaire, juste le droit de te parler d’amour et heureusement encore.
Lors de l’accident, je n’ai eu qu’une pensée, rester près de toi, te consoler, le reste je m’en fichais. Je n’aurais pas dû me laisser prendre ; je pouvais partir avant que les gendarmes arrivent, mais qu’aurait-on pensé de moi si je t’avais abandonnée, et puis je n’ai pas réfléchi à ce qui devait fatalement arriver, je n’ai eu qu’une pensée pour toi.

Jean-Baptiste Morvan écrivit une lettre d’adieux adressée à sa fiancée Agnès Mordelet.
Fresnes, le 15 juin 1944
Ma chérie, c’est la dernière lettre et les derniers mots que tu recevras de moi. Je n’ose pas te dire ce que je ressens. Ton souvenir m’a toujours donné du courage et jusqu’au dernier moment ma pensée sera près de toi. Ton souvenir restera près de moi jusqu’au moment suprême, qui sera aujourd’hui à 15 heures.
Prie pour ton Jean, ma chérie, c’est tout ce que je te demande. Je ne veux pas que tu aliènes ta vie à mon souvenir. Refais-toi une existence, et quand un jour Dieu te rappellera, je serai là-haut pour te recevoir et alors nous ne nous quitterons plus, car l’éternité sera pour nous un voyage de noces sans fin.
J’aurai passé près de toi les meilleurs moments de ma vie et tu m’auras procuré les plus beaux instants de ma vie. J’ai vécu en soldat, j’aimais mon pays. Je vais maintenant payer de ma vie ce que d’autres pourront avoir dans la liberté, qui pour vous tous est proche. J’aurais voulu te voir avant de mourir, mais aurais-je pu garder mon sang-froid jusqu’au bout ? Je ne sais ! Enfin ! sois assurée que nous avons tous du courage, mes camarades et moi. Ma responsabilité pèse lourdement sur mes frêles et jeunes épaules. Mais Dieu nous prendra en pitié et j’espère fermement te revoir un jour dans le ciel.
Ma main tremble en t’écrivant, sans que je puisse faire autrement. Tu étais tout et tu es toujours tout pour moi. Cet amour que j’ai eu pour toi a été le soleil de ma vie et tu étais digne de ce sentiment.
Je souhaite que tu sois heureuse ma chérie et que tu aies beaucoup d’enfants. Appelle ton premier Jean-Jacques, en souvenir de moi et fais-en un soldat.
Adieu, mon amour, adieu. Du haut du ciel, si Dieu permet que j’y aille, je veillerai sur toi et sur ta famille. Je vais mourir en soldat.
Jean.

Son nom avait figuré sur la liste du Mont-Valérien mais le 5 juillet 2002 la commission historique le raya : "Le nom de Jean-Baptiste Morvan est retiré de la liste, M. Tsévery ayant signalé qu’il avait été fusillé à Balard".
Site des Lieux de Mémoire du Comité pour l’Étude de la Résistance Populaire dans les Côtes-du-Nord
Sources

SOURCES : Arch. Dép. Côtes-d’Armor, 2W235, 1043W33. – Joseph Darsel, La Bretagne au combat, Le Signor, 1980. – Louis Pichouron, Mémoire d’un partisan breton, Presses universitaires de Bretagne, 1969. – Alain Prigent, Histoire des communistes des Côtes-du-Nord (1920-1945), Saint-Brieuc, 2000. – Alain Prigent, Serge Tilly, « La bataille du rail », Les Cahiers de la Résistance populaire dans les Côtes-du-Nord, no 8/9, 2000. – Alain Prigent, Serge Tilly, « Les fusillés et les décapités dans les Côtes-du-Nord (1940-1944) », Les Cahiers de la Résistance populaire dans les Côtes-du-Nord, no 12, 2011. – Manuscrit inédit de Jean Le Lévrier, membre du groupe Félix Cadras de Plouagat.

Alain Prigent, Serge Tilly

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