Né le 19 juillet 1918 à Ostrow (Pologne), fusillé comme otage le 21 février 1942 au Mont-Valérien, commune de Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine) ; tailleur ; membre du Poale Zion (Travailleurs de Sion).

Fils de Chana Lipka, Towja Lipka arriva en France avec sa mère le 23 novembre 1931. Il demeura 72 rue des Rigoles à Paris (XXe arr.), puis 6 avenue de la Porte-Brunet (XIXe arr.). Il exerçait sa profession de tailleur d’habits à son domicile pour le compte de son oncle, et il vivait avec son amie Marie, une parisienne native du XVIIIe arrondissement. Avant la guerre, il était membre du Poale Zion (Travailleurs de Sion), une organisation marxiste et sioniste. Cette appartenance lui valut d’être considéré comme « suspect au point de vue politique et comme un agitateur susceptible de troubler l’ordre public ».
Il fut mobilisé le 28 novembre 1939, incorporé au dépôt No 118 d’Infanterie Coloniale à Brest (Finistère), démobilisé le 27 juin 1940. Il fut touché par la loi de Vichy de dénaturalisation du 23 juillet 1940, cette loi permettant de retirer la nationalité française à tous ceux qui l’avaient acquise depuis août 1927. Les Juifs représentaient 4,9 % du total des naturalisés entre 1927 et 1940. 30 % furent dénaturalisés. L’avis de dénaturalisation fut signifié à Towja Lipka le 3 juillet 1941 et des policiers des Renseignements généraux l’arrêtèrent le 29 septembre 1941 à son domicile. Son internement eut lieu au camp de Drancy (Seine, Seine-Saint-Denis) réservé aux Juifs.
La Section spéciale de recherches (SSR) des Renseignements généraux, était chargée depuis 1937, de la surveillance des étrangers. Louis Sadosky responsable du rayon Allemand et Polonais fut nommé en 1941 responsable du rayon juif, rompant ainsi avec le principe de la nationalité. Sous sa plume, Towja Lipka devint un « agitateur professionnel en faveur de la IIIe Internationale. Très dangereux pour l’ordre public. »
Dans la nuit du 5 au 6 février 1942, une sentinelle allemande fut très grièvement blessée à Tours (Indre-et-Loire). En représailles, les Allemands décidèrent de fusiller ou déporter cinquante otages ; ils désignèrent quatorze otages à exécuter au Mont-Valérien dont treize Juifs internés au camp de Drancy : Szmul Balbin, Abraham Gärtner, Léon Jolles, Josef Kape, Max Kawer, Mordka Korzuch, Towja Lipka, Samuel Marhaim, Aron Miller, Jankiel Minsky, Israël Rubin, Lejbus Wajnberg et Israël Wirtheim, ainsi que Henri Debray militant communiste interné à à la prison de la Santé à Paris (XIVe arr.).
Transféré le 19 février 1942 à la prison du Cherche-Midi à Paris (VIe arr.), Towja Lipka fut passé par les armes le samedi 21 février 1942 au Mont-Valérien avec les treize autres otages. Il fut inhumé au cimetière parisien d’Ivry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne) le lundi 23 février 1942, division 39, ligne 2, n° 38. Son corps fut restitué à sa famille le 27 novembre 1947.
Towja Lipka fut reconnu Mort pour la France par l’Office national des anciens combattants (ONAC) de Caen le 14 mai 2012.
Le nom de Towja Lipka figure sur la cloche du Mémorial de la France combattante au Mont-Valérien.
L’abbé Franz Stock évoque les 13 Juifs exécutés le 21 février 1942 dans son Journal de guerre :
« Samedi 21.2.42
14 exécutions.
Venu me prendre à 8h pour le Cherche-Midi, 14 otages doivent être exécutés à 11 heures : 13 juifs, d’origine germano-polonaises, du camp de Drancy ; un Français de la Santé.
....
Un jeune juif me dit : "Ils peuvent bien nous tuer mais d’autres se lèveront, il est impossible d’exterminer la race juive." Certains juifs étaient pieux, récitaient des psaumes, l’un s’est entouré de son châle de prière en soie, il voulait être enterré avec. Question : aucun rabbin ne vient ? Les 14 doivent être enterrés lundi seulement. Le seront à Ivry. »

Voir Mont-Valérien, Suresnes (Hauts-de-Seine)
Sources

SOURCES : Arch. PPo., BA 2439, 1W 0556. — DAVCC, Caen, B VIII dossier 3 (Notes Thomas Pouty). — Louis Sadosky, brigadier-chef des RG, Berlin 1942, CNRS Éd., 2009. — Dominique Rémy, Les lois de Vichy, Romillat, 1992. — S. Klarsfeld, Le livre des otages. — Site Internet CDJC. — Site Internet Mémoire des Hommes. — MémorialGenWeb. — Franz Stock, Journal de guerre. Écrits inédits de l’aumônier du Mont Valérien, Cerf, 2017, p. 66. — Répertoire des fusillés inhumés au cimetière parisien d’Ivry.

Daniel Grason

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