Né le 3 août 1920 à Plouagat (Côtes-du-Nord, Côtes-d’Armor), fusillé après condamnation le 15 juin 1944 au stand de tir de l’Armée de l’Air, Balard, Paris (XVe arr.) ; garde-voie ; militant communiste clandestin ; résistant au sein des FTPF.

Dernière lettre de René Thouëment
René Thouëment était le fils de Joseph, Marie Thouëment, journalier, et de Léonie, Marie Le Métayer, journalière.
Le Parti communiste clandestin fut pratiquement décapité dans les Côtes-du-Nord après les grandes arrestations d’août 1943. Sous l’impulsion de Louis Picard, les structures clandestines se reconstituèrent avec une nouvelle génération de militants. Très rapidement, la direction des Francs-tireurs et partisans (FTP) s’engagea dans les premiers déraillements de trains, en particulier sur l’axe Paris-Brest. Ces opérations furent menées par le groupe Félix-Cadras de Châtelaudren-Plouagat, mis en place par André Cavelan au début de l’année 1943. Les arrestations d’Albert Ellien et de François Ollivo ne provoquèrent pas le démantèlement du groupe, qui se réorganisa autour de Pierre Malfoy, Jean-Baptiste Morvan et Hyacinthe Tilly à la fin de l’été 1943. Le 15 octobre 1943, à proximité de Plouvara, le groupe dont René Thouëment faisait partie fit dérailler partiellement un train composé de trente wagons contenant du sable pour les installations militaires allemandes de Brest (Finistère). Deux semaines plus tard, le 1er novembre, Jean-Baptiste Morvan et Albert Portron furent arrêtés après une attaque ratée sur la voie Paris-Brest. René Thouëment, dénoncé, fut arrêté à son tour à son domicile par les gendarmes français de Châtelaudren, puis remis aux autorités allemandes de Saint-Brieuc (Côtes-du-Nord, Côtes-d’Armor). Il fut incarcéré à la maison d’arrêt de Saint-Brieuc, quartier allemand, avec ses deux camarades. Il fut ensuite transféré à la maison d’arrêt Jacques-Cartier de Rennes (Ille-et-Vilaine) puis à celle de Fresnes (Seine, Val-de-Marne) au mois de mars 1944.
Le 1er juin 1944, il fut jugé avec ses quatre camarades FTP (Gilbert Le Taillandier, Jean-Baptiste Morvan, Albert Portron et Hyacinthe Tilly) par un tribunal militaire allemand, condamné à la peine de mort pour activité FTP ainsi que deux autres costarmoricains Célestin Briend et Jean-Marie Le Gallais.
Le 15 juin 1944, le Mont-Valérien à Suresnes n’étant pas accessible, ils furent fusillés au ministère de la Défense, direction générale des armées, 2 bis avenue de la Porte-de-Sèvres à Paris (XVe arr.), à cet emplacement se trouvaient à l’époque les champs de tirs de l’armée de l’air.
Le décès de René Thouëment fut constaté par un médecin allemand à 15 h 34, il avait 24 ans.
Son frère François, né en 1925 à Plouagat, demeurant 55 rue Eugène-Caron à Courbevoie (Seine, Hauts-de-Seine), fut tué le 2 septembre 1944 lors des combats pour la libération de Paris. Son frère Robert, né le 14 janvier 1923 à Plouagat, garde-voie auxiliaire, fut tué le 4 août 1944 à Saint-Mars-du-Désert (Loire-Inférieure, Loire-Atlantique) en tentant de s’évader d’un train mitraillé par l’aviation alliée, train devant le conduire en camp de concentration en Allemagne.
Le nom de René Thouëment figure sur La plaque du ministère de la Défense à Paris XVème. René Thouëment fut inhumé au cimetière de Plouagat. La mention « Mort pour la France » a été reportée sur son acte de naissance le 16 juin 1953.Il a été homologué Interné résistant DIR et FFI.
René Thouëment écrivit une dernière lettre qu’il jeta par une fenêtre de la prison de Fresnes. Son neveu Daniel François Thouëment nous la communiqua le 29 novembre 2019 ; il nous a fait savoir qu’il était intervenu pour faire rectifier l’orthographe du nom de famille écrit Couément sur la plaque de Balard et faire ajouter le nom de ses camarades bretons, car les familles n’étaient pas venues à Paris pour la cérémonie de reconnaissance.
Typographie (majuscules) de la lettre d’origine respectée.
 
Fresnes, 15 juin 1944
Chers Frères soeurs et nièces
 
Je vous envoie ma dernière lettre car cette après-midi à 3 heures je monte au poteau d’exécution à Paris mais avec un bon courage car j’ai fait mon devoir de bon Français et j’espère que Dieu saura me choisir une bonne place dans le monde nouveau.
Naturellemnet il va vous être dur d’apprendre cette nouvelle mais que voulez-vous j’ai cru bien faire pour la France.
 
ADIEU ; ROBERT-HENRI-DÉDÉ-FRANCOIS et la famille Yves et MARIE et NEVEU et nièce Jeanne et Henri NEVEU-et Jeannine.

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Site des Lieux de Mémoire du Comité pour l’Étude de la Résistance Populaire dans les Côtes-du-Nord
Sources
SOURCES : Arch. Dép. Côtes-d’Armor, 2W31, 2W115, 2W235, 1043W33 (activité du PCF de 1940-1944). – Joseph Darsel, La Bretagne au combat, Éd. Le Signor, 1980. – Marie Pierre et Pierre Klein, Les déportés des Côtes-du-Nord, livre mémorial, 2007. – Louis Pichouron, Mémoire d’un partisan breton, Presses universitaires de Bretagne, 1969. – Alain Prigent, Histoire des communistes des Côtes-du-Nord (1920-1945), Saint-Brieuc, 2000. – Alain Prigent, « La SPAC contre le PCF clandestin », Les Cahiers de la Résistance populaire dans les Côtes-du-Nord, no 6-7, 1998. – Alain Prigent, Serge Tilly, « La bataille du rail », Les Cahiers de la Résistance populaire dans les Côtes-du-Nord, no 8-9, 2000. – Alain Prigent, Serge Tilly, « Les fusillés et les décapités dans les Côtes-du-Nord (1940-1944) », Les Cahiers de la Résistance populaire dans les Côtes-du-Nord, no 12, 2011. – Serge Tilly, « L’occupation allemande dans les Côtes-du-Nord (1940-1944), Les lieux de mémoire », Les Cahiers de la Résistance populaire dans les Côtes-du-Nord, no 10, 2004 et no 11, 2005. – L’Aube Nouvelle, hebdomadaire de la fédération des Côtes-du-Nord du PCF (1945-1951). – Manuscrit inédit de Jean Le Lévrier, membre du groupe Félix Cadras de Plouagat-Châtelaudren, déporté. – État civil, Plouagat.— Lettres de Daniel François Thouëment 2019 :notes Annie Pennetier.

Alain Prigent, Serge Tilly

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