Né le 28 avril 1925 à Kermoroc’h (Côtes-du-Nord, Côtes-d’Armor), fusillé le 18 mai 1944 à Servel en Lannion (Côtes-du-Nord, Côtes-d’Armor) ; marin d’état ; FTPF.

La condamnation à mort et l’exécution de Paul Bernard.
La condamnation à mort de Paul Bernard et Charles Queille.
Liste des objets appartenant à Paul Bernard et à Charles Queille.
Ouest-Eclair du 26 mai 1944.
Paul Bernard était le fils de Joseph Marie Bernard, marin, demeurant à Kermoroc’h (Côtes-du-Nord, Côtes-d’Armor), et de Marie-Rosalie Le Bour, ménagère. Demeurant à Runelec en Squiffiec, célibataire, marin de la Royale, Paul Bernard fut démobilisé après le sabordage de la flotte à Toulon le 27 novembre 1942. Intégré dans un groupe de FTP, il participa à plusieurs coups de main. Arrêté dans la nuit du 9 au 10 mai 1944 à Squiffiec pour avoir hébergé un réfractaire et pour détention d’armes, il fut emprisonné à la maison d’arrêt de Guingamp où il fut affreusement martyrisé.
Paul Bernard fut condamné à la peine de mort le 18 mai 1944 par jugement du tribunal militaire de la 266e Division d’infanterie « pour activités de franc-tireur ». Par décision unanime, le jugement a été reconnu exécutoire conformément à l’article 77, alinéa 3, du KSTVO (code pénal allemand). Il a été fusillé avec un autre FTP, Charles Queillé, au terrain d’aviation de Servel, commune proche de Lannion, à 18 heures le 18 mai 1944 ; il avait dix-neuf ans. Sa mère, Marie-Rosalie Bernard, née le 11 août 1887 à Kermoroc’h, arrêtée le 10 mai au matin, fut emprisonnée à Guingamp puis à Rennes. Elle fit partie d’un convoi de déportés qui quitta la Bretagne 1er août 1944. Elle fut libérée en septembre 1944 à Giromagny (Territoire-de-Belfort). Le nom de Paul Bernard figure sur Le monument du terrain d’aviation de Servel en Lannion, sur Le monument de secteur à Squiffiec et sur La plaque de la mairie de Squiffiec. Paul Bernard fut dénoncé par Jean-Marcel Cottin, demeurant à Saint-Brieuc qui fut exécuté le 24 mai 1944 par les camarades de Paul Bernard après jugement et accord obtenu par plusieurs chefs de maquis.
Lettre d’adieux de Paul Bernard écrite depuis la maison d’arrêt de Guingamp
A ma chère maman bien aimée.
Je dois mourir, j’ai du courage.
Je te demande de vivre, rien que pour mon cher frère, tu penseras aussi à ma chère amie Valentine, que j’ai vu ce matin pour la dernière fois.
A tous mes amis, mes parents, à toi et surtout à mon petit "Tinet" j’adresse mon dernier baiser ; il ne faut pas qu’elle oublie, il faut qu’elle te console.
Enfin je dois mourir, je mourrai en vrai Français, courage petite mère, je te le demande.
Tu n’auras plus le bonheur de me revoir, alors je ne veux pas que "Tinet" t’oublie, je sais qu’elle n’aura pas le courage de ne plus penser à toi et à moi.
Je sais qu’elle est malheureuse, mais je lui demande d’être heureuse dans la vie et qu’elle garde toutes mes photos ainsi que les lettres.
Tu agrandiras ma photo en couleur, le dernier et le plus beau souvenir de ton fils qui va mourir.
"Tinet" tu feras peut-être la même chose.
Je vous remercie tous, qui avez été solidaires dans le malheur.
Alors aujourd’hui 18 mai, verra un fils de France mourir, sous ce ciel nuageux, je reste quand même courageux.
Courage petite mère et console-toi. Je sais que c’est dur de perdre un fils si jeune.
Que veux-tu, j’avais choisi mon idéal, et ma mort aura peut-être servi à quelque chose.
Mon petit "Tinet" sois courageuse dans la vie et choisis un mari pour être heureuse.
A mon frère qui ne me reverra plus, à tous mes amis de France, à tous les chers parents, je vous adresse une dernière fois mon adieu solennel et mes plus tendres baisers.
Je demande à mes oncles et tantes d’aider ma mère dans le grand malheur qui lui arrive, je sais qu’ils le feront et je les remercie de tout cour.
Je n’ai jamais été aussi courageux devant le danger, la mort ne me fait pas peur et je saurai mourir.
A tous adieu et que dieu me pardonne.
Ton fils qui va mourir.
Paul.

Chanson écrite par Paul Bernard écrite depuis la maison d’arrêt de Guingamp
Dans la prison de Guingamp, le 17 mai 1944
Air : Tes beaux yeux sont des étoiles
1
Dans cette prison de Guingamp
Qui ressemble à celle de Châteaubriant
Un jeune homme de 19 ans
Ne pense qu’à sa maman.
 
2
Dans cette cellule aux fenêtres grillagées
A la lourde porte bien fermée
Le gardien de sa grosse clé
Nous enferme pour que l’on pense aux fées.
3
A Squiffi ec tous les gars
Solidaires dans le malheur
Sauront un jour, crier „Halte là !„
A ces hommes qui n’ont point de coeur.
4
Tinet, que j’ai tant aimé
Tu n’auras plus le bonheur de me voir
Mon coeur est serré de penser
Je t’ai quitté pour jamais te revoir
5
O toi, chère patrie
Terre de joie et de bonheur
O toi, Maman chérie
Douce âme et tendre coeur.
6
A tous mes camarades de France
Je crie „combattez jusqu’à la mort„
Pour que bien vite elle ait sa délivrance
Oui, franc-tireur, sois bien fort.
 
7
Le beau pavillon de France
Symbole de force et de croyance
Flottera bientôt sur nos monuments
Et tous nous serons contents.
 
8
Et maintenant pour terminer
Je vous adresse mon sublime adieu
Avant d’être fusillé
Je fais une longue prière à Dieu.
Refrain
Nous autres pauvres prisonniers
Qui avons été torturés
Nous serons quand même courageux
Quand nous regarderons le ciel bleu
Et alors nous dirons bien haut
Nous avons fait sauter des locos
Des ponts, pour gêner
Les communications des teutons
Et, aussi pour libérer
Notre France tant bafouée
Je veux que cette chanson soit un grand souvenir de moi. Je l’ai faite dans les journées du 16 au 17 mai.
Courage je vais mourir.
Paul Bernard.

Site des Lieux de Mémoire du Comité pour l’Étude de la Résistance Populaire dans les Côtes-du-Nord
Sources

SOURCES : Arch. Dép. Côtes-d’Armor, 68J17, 2W33, 5W16. – Arch. ANACR. – DAVCC, Caen. – Alain Prigent, Serge Tilly, « Les fusillés et les décapités dans les Côtes-du-Nord (1940-1944) », Les Cahiers de la Résistance populaire dans les Côtes-du-Nord, no 12, 2011.

Alain Prigent, Serge Tilly

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