Né le 7 janvier 1918 à Callac-de-Bretagne (Côtes-du-Nord, Côtes-d’Armor), fusillé le 6 mai 1944 à Ploufragan (Côtes-du-Nord, Côtes-d’Armor) ; boulanger puis agent d’assurances ; membre du Parti communiste clandestin ; FTPF.

Condamnation à mort d’Eugène Cazoulat.
Condamnation à mort d’Eugène Cazoulat en allemand.
Article de Ouest-Eclair du 8 mai 1944.
Article de La Croix-des-Côtes-du-Nord du 14 mai 1944.
Obseques d’Eugène Cazoulat et de ses camarades à Callac.
Eugène Cazoulat était le fils de Guillaume, Marie Cazoulat, né le 13 juillet 1884, 2e classe au 154e Régiment d’infanterie qui fut tué le 5 septembre 1917 au Petit Monthairons (Meuse). Sa mère née Catherine Kermen était débitante. Eugène Cazoulat qui ne connut pas son père exerçait le métier de boulanger. Il épousa le 8 septembre 1941 Lucienne, Marie, Albertine Feutren, bonnetière à Callac-de-Bretagne. Le couple, demeurant rue Clémeur, eut deux enfants. Le cadet, Bernard Cazoulat, naquit après la mort de son père. Callac-de-Bretagne fut une des localités du département où la Résistance fut la plus précoce. En effet, dès le printemps 1941, les autorités eurent à faire face à une activité communiste sensible. Une dizaine de Callacois furent d’ailleurs emprisonnés à Châteaubriant (Loire-Inférieure, Loire-Atlantique). Beaucoup de jeunes choisirent de se cacher dans les fermes du secteur pour échapper au Service du travail obligatoire, certains rejoignant dès l’été 1943 les premières structures organisées de la Résistance. Le 18 mars 1944 une voiture de la Sûreté avec quatre inspecteurs fut mitraillée par des résistants. Le 22 mars Joseph Guillerm fut libéré alors qu’il était transféré par des gendarmes. Enfin, dans la nuit du 25 au 26 mars, la gendarmerie de Callac-de-Bretagne fut attaquée. Dans un rapport daté du 1er avril 1944, les autorités indiquèrent que « l’activité terroriste a repris avec un peu plus de vigueur et semble désormais être le fait de bandes parfaitement organisées et puissamment armées et décidées à mettre en coupe réglée le sud-ouest du département. Une opération de grande envergure est donc nécessaire avec au minimum 500 hommes ».
Les autorités d’occupation décidèrent de mettre un terme à cette situation. Une rafle fut organisée le 9 avril 1944 à Callac-de-Bretagne par le capitaine Maschke, chef des services de l’Abwehr à Saint-Brieuc et par Rudolph Kiekaffer du SD. Ils dirigèrent les 800 soldats qui furent impliqués dans les opérations avec la participation de la gendarmerie française, de la Milice et de groupes autonomistes bretons. La population fut rassemblée aux halles de Callac-de-Bretagne. 120 personnes en situation irrégulière furent transférées à Saint-Brieuc. Une cinquantaine d’entre elles furent maintenues en détention à la maison d’arrêt, par contre une dizaine fut déportée. Ce fut l’opération de répression contre la population et contre la Résistance la plus importante réalisée dans le département par les troupes d’occupation. Membre du Parti communiste clandestin, Eugène Cazoulat fut identifié avec trois autres FTP comme ayant une responsabilité dans les attaques du mois de mars. Après avoir été sauvagement torturé, avec onze autres FTP tous originaires de l’ouest du département, le 5 mai 1944 il fut condamné à la peine de mort par la cour martiale du tribunal de la Feldkommandantur 665 à Saint-Brieuc « comme franc-tireur ».
Durant la nuit qui précéda leur exécution, les douze FTP, incarcérés à la maison d’arrêt de Saint-Brieuc, chantèrent « La Marseillaise » et « L’Internationale » et d’autres chants repris par d’autres patriotes également détenus. Durant leur transfert sur le lieu d’exécution, des témoins les entendirent chanter à nouveau.
Les autorités allemandes exécutèrent Eugène Cazoulat avec ses onze camarades – Marcel Bitaille, Auguste Dugay, Émile Henry, Maurice Lagadec, Arsène Le Bozec, Charles Le Gallou, Roger Madigou, Pierre Menguy, Jean Pleiber, François Prigent et Roger Quintric – le 6 mai 1944 au camp de manœuvre des Croix en Ploufragan, par groupes de quatre entre 7 h 10 et 7 h 31. Dans l’après-midi, vers 17 heures, un groupe de sept FTP arrêtés à Plouaret furent fusillés au même endroit. Les dix-neuf corps furent enterrés sur place sans cercueil. Le décès d’Eugène Cazoulat fut constaté par un médecin allemand à 7 h 21 ; il avait vingt-six ans.
Ces exécutions répondaient à une directive du maréchal Erwin Rommel qui, de passage à Quintin (Côtes-du-Nord, Côtes-d’Armor), au mois d’avril 1944, avait ordonné, devant la recrudescence des attentats commis par la Résistance, que soient appliquées les mêmes méthodes qu’en Russie. Le fait qu’elles furent annoncées par la presse régionale de Vichy mit en évidence l’impact sur la population que les autorités d’occupation escomptaient donner à l’événement. Quelques jours après l’exécution, le 12 mai 1944, une gerbe fut déposée au monument aux morts de Callac-de-Bretagne avec cette inscription : « Aux héros du 6 mai, fusillés par les boches. » Une oriflamme fut aussi accrochée au monument.
Constatant que la population venait déposer des fleurs à l’endroit de la fusillade, les autorités allemandes, craignant sans doute d’autres manifestations de sympathie, firent exhumer les corps par la Croix-Rouge, puis les pompes funèbres de Saint-Brieuc les mirent dans des caisses en bois et les transportèrent à l’abri de tout regard dans la forêt de L’Hermitage-Lorge (Côtes-du-Nord, Côtes-d’Armor).
Après la Libération, à la demande de Jean-Marie Madigou, le père d’un des suppliciés du 6 mai 1944, Armand Tilly et Louis Lalès, tous les trois originaires de Louargat (Côtes-du-Nord, Côtes-d’Armor), entreprirent des recherches pour retrouver les corps. Le 18 août, après une enquête assez longue, aidés par un cultivateur de Plœuc-sur-Lié (Côtes-du-Nord, Côtes-d’Armor) qui avait repéré, dans une clairière à cinq kilomètres du bourg de L’Hermitage-Lorge, des monticules de terre, ils exhumèrent dix-neuf « sépultures ». Passant outre à la réglementation préfectorale sur le transport des personnes décédées, les huit corps des suppliciés de Plouaret et de Louargat furent transportés dans leurs communes d’origine. Le Comité départemental de libération, prévenu de la présence des onze autres corps, dont celui d’Eugène Cazoulat, fit le nécessaire pour les rapatrier dans les localités respectives.
Le 18 juin 1945, lors d’une cérémonie patriotique rassemblant plusieurs centaines de personnes, Mme Catherine Burlot, née Kermen et sœur d’Yves Kermen, fusillé au Mont-Valérien, commune de Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine), épouse en secondes noces du maire de Callac-de-Bretagne, Trémeur Burlot, nommé par le comité local de libération en août 1944, et mère d’Eugène Cazoulat, prit violemment à partie M. Louis Toupin, maire révoqué puis réélu en mai 1945, par rapport aux événements d’avril 1944. Devant la gravité des accusations, celui-ci déposa une plainte contre Mme Burlot.
Le nom d’Eugène Cazoulat figure sur Le monument des fusillés au camp de manœuvre des Croix en Ploufragan, aujourd’hui proche du zoopole, sur Le monument des Martyrs à L’Hermitage-Lorge, sur Le monument de la Déportation et de la Résistance, La Pie en Paule et sur La plaque de la rafle du 9 avril 1944 dans la salle des fêtes de Callac-de-Bretagne.
Eugène Cazoulat fut inhumé au cimetière de Callac-de-Bretagne.
L’après-midi 7 FTP tous du secteur de Plouaret (Côtes-du-Nord ; Côtes d’Armor) furent condamnés à la peine de mort par le tribunal militaire allemand de Belle-Isle-en-Terre (Côtes-du-Nord ; Côtes d’Armor) et exécutés au même endroit : Arsène Faujouron, Eugène Daniel, Joseph Hénaff, Léon Le Guerson, Auguste Le Pape, Pierre Menou et Auguste Pastol.
Site des Lieux de Mémoire du Comité pour l’Étude de la Résistance Populaire dans les Côtes-du-Nord
Sources

SOURCES : Arch. Dép. Côtes-d’Armor, 2W33, 2W106, 2W116, 20W108, 1192W1. – Archives de l’ANACR-22. – Louis Pichouron, Mémoire d’un partisan breton, Presses universitaires de Bretagne, 1969. – Alain Prigent, Histoire des communistes des Côtes-du-Nord (1920-1945), Saint-Brieuc, 2000. – Serge Tilly, « L’occupation allemande dans les Côtes-du-Nord (1940-1944), Les lieux de mémoire », Cahiers de la Résistance populaire dans les Côtes-du-Nord, no 10, 2004 et no 11, 2005. – Témoignage d’Armand Tilly.

Alain Prigent, Serge Tilly

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