Né le 29 avril 1920 à Plévin (Côtes-du-Nord, Côtes-d’Armor), fusillé le 6 mai 1944 à Ploufragan (Côtes-du-Nord, Côtes-d’Armor) ; électricien ; membre du Parti communiste clandestin ; résistant, membre des FTPF.

Article de Ouest-Eclair du 8 mai 1944.
Article de La Croix-des-Côtes-du-Nord du 18 mai 1944.
Pierre Menguy était le fils naturel, non reconnu, de Louise Menguy, domestique de ferme, âgée de vingt-neuf ans à sa naissance. Cette femme vivait une double exclusion : socialement elle était exploitée honteusement ; humainement, elle faisait partie de ces femmes « perdues ». Pierre Louis Menguy fut élevé au sein par Mme Le Jeune qui venait de donner naissance à son premier garçon. Jean Le Jeune le considérait comme son frère de lait. Les deux garçons, que quelques mois séparaient, fréquentèrent ensemble l’école primaire communale publique de Plévin. Jean Le Jeune, responsable des FTP dans les Côtes-du-Nord en 1944, devint membre du comité central du Parti communiste (1947-1950).
En 1932, Pierre Menguy poursuivit ses études à l’école primaire supérieure de Guingamp, en tant que boursier. Dès qu’il obtint son brevet élémentaire, il s’engagea dans la Marine nationale au sein de laquelle il intégra l’école des électriciens à Cherbourg. Il servit sur le sous-marin Le Ouessant. Lorsque les troupes allemandes furent proches de Brest, en juin 1940, Pierre Menguy participa au sabotage puis au naufrage du sous-marin qui était en réparation à l’Arsenal de Brest. Au début de l’occupation allemande, il fut rappelé pour finir son engagement comme électricien, avec statut militaire, à l’Arsenal de Brest. Il fut en contact avec la résistance communiste brestoise qui commençait à s’organiser. Revenant régulièrement dans son village natal, il restait en contact avec Jean Le Jeune. En 1942 il fut libéré de ses obligations militaires et fut embauché à la compagnie d’électricité Le Bon puis affecté à Callac-de-Bretagne. Il devint rapidement un des responsables de la résistance communiste dans le sud-ouest du département. Commissaire aux effectifs au sein des FTP, il participa à la préparation des premiers parachutages en particulier le 3 mars 1944 à Maël-Pestivien (Côtes-du-Nord, Côtes-d’Armor). Callac-de-Bretagne fut une des localités du département où la Résistance fut la plus précoce. En effet, dès le printemps 1941, les autorités eurent à faire face à une activité communiste sensible. Une dizaine de Callacois furent d’ailleurs emprisonnés à Châteaubriant. Beaucoup de jeunes choisirent de se cacher dans les fermes du secteur pour échapper aux STO, certains rejoignant dès l’été 1943 les premières structures organisées de la Résistance. Le 18 mars 1944 une voiture de la Sûreté avec quatre inspecteurs fut mitraillée par des résistants. Le 22 mars Joseph Guillerm fut libéré alors qu’il était transféré par des gendarmes. Enfin dans la nuit du 25 au 26 mars la gendarmerie de Callac-de-Bretagne fut attaquée. Dans un rapport daté du 1er avril 1944, les autorités indiquèrent que « l’activité terroriste a repris avec un peu plus de vigueur et semble désormais être le fait de bandes parfaitement organisées et puissamment armées et décidées à mettre en coupe réglée le sud-ouest du département.
Une opération de grande envergure est donc nécessaire avec au minimum 500 hommes. »
Les autorités d’occupation décidèrent de mettre un terme à cette situation. Une rafle fut organisée le 9 avril 1944 à Callac-de-Bretagne par le capitaine Maschke, chef des services de l’Abwehr à Saint-Brieuc et par Rudolph Kiekaffer du Sicherheitsdienst (SD). Ils dirigèrent les 800 soldats qui furent impliqués dans les opérations avec la participation de la gendarmerie française, de la Milice et de groupes autonomistes bretons. La population fut rassemblée aux halles de Callac-de-Bretagne. 120 personnes en situation irrégulière furent transférées à Saint-Brieuc. Une cinquantaine d’entre elles furent maintenues en détention à la maison d’arrêt, par contre une dizaine fut déportée. Ce fut l’opération de répression contre la population et contre la Résistance la plus importante réalisée dans le département par les troupes d’occupation.
Au moment de la rafle, Pierre Menguy se cacha dans un transformateur dont il avait la clef en tant qu’électricien. Sans doute victime d’une dénonciation il fut découvert et arrêté. Pierre Menguy fut identifié avec trois autres FTP comme ayant une responsabilité dans les attaques du mois de mars. Une opération d’exfiltration de Pierre Menguy avait été mise au point par l’état-major FTP coordonné par Andrieux et Cozic, au moment où Jean Le Jeune était en convalescence après son arrestation.
Mais l’enlèvement programmé à l’hôpital de Saint-Brieuc échoua. Pierre Menguy, membre du Parti communiste clandestin, était considéré comme un des futurs cadres de l’organisation. Après avoir été sauvagement torturé, avec onze autres FTP tous originaires de l’ouest du département, le 5 mai 1944 il fut condamné à la peine de mort par la cour martiale du tribunal de la Feldkommandantur 665 à Saint-Brieuc « comme franc-tireur ».
Durant la nuit qui précéda leur exécution, les douze FTP, incarcérés à la maison d’arrêt de Saint-Brieuc, chantèrent « La Marseillaise » et « L’Internationale » et d’autres chants repris par d’autres patriotes également détenus. Durant leur transfert sur le lieu d’exécution, des témoins les entendirent chanter à nouveau. Les autorités allemandes exécutèrent Pierre Menguy avec ses onze camarades Marcel Bitaille, Eugène Cazoulat, Auguste Dugay, Émile Henry, Maurice Lagadec, Arsène Le Bozec, Charles Le Gallou, Roger Madigou, Jean Pleiber, François Prigent et Roger Quintric le 6 mai 1944 au camp de manœuvre des Croix en Ploufragan, par groupes de quatre entre 7 h 10 et 7 h 31. Dans l’après-midi vers 17 heures un groupe de sept FTP arrêtés à Plouaret ont été fusillés au même endroit. Les dix-neuf corps furent enterrés sur place sans cercueil. Le décès de Pierre Menguy fut constaté par un médecin allemand à 7 h 31, il avait vingt-quatre ans.
Ces exécutions répondaient à une directive du maréchal Erwin Rommel qui, de passage à Quintin (Côtes-du-Nord, Côtes-d’Armor), au mois d’avril 1944, avait ordonné, devant la recrudescence des attentats commis par la Résistance, que soient appliquées les mêmes méthodes qu’en Russie. Le fait que ces exécutions furent annoncées par la presse régionale de Vichy met en évidence l’impact sur la population que les autorités d’occupation comptaient donner à l’événement. Quelques jours après l’exécution, le 12 mai 1944, une gerbe fut déposée au monument aux morts de Callac-de-Bretagne avec cette inscription « Aux héros du 6 mai, fusillés par les boches ». Une oriflamme fut aussi accrochée au monument.
Constatant que la population venait déposer des fleurs à l’endroit de la fusillade, les autorités allemandes, craignant sans doute d’autres manifestations de sympathie, firent exhumer les corps par la Croix-Rouge, puis les pompes funèbres de Saint-Brieuc les mirent dans des caisses en bois et les transportèrent à l’abri de tout regard dans la forêt de L’Hermitage-Lorge (Côtes-du-Nord, Côtes-d’Armor).
Après la Libération, à la demande de Jean-Marie Madigou, le père d’un des suppliciés du 6 mai 1944, Armand Tilly et Louis Lalès, originaires de Louargat (Côtes-du-Nord, Côtes-d’Armor), entreprirent des recherches pour retrouver les corps. Le 18 août, après une enquête assez longue, aidés par un cultivateur de Ploeuc-sur-Lié (Côtes-du-Nord, Côtes-d’Armor) qui avait repéré, dans une clairière à cinq kilomètres du bourg de L’Hermitage-Lorge, des monticules de terre, ils exhumèrent dix-neuf « sépultures ». Passant outre à la réglementation préfectorale sur le transport des personnes décédées, les huit corps des suppliciés de Plouaret et de Louargat furent transportés dans leurs communes d’origine. Le Comité départemental de Libération, prévenu de la présence des onze autres corps, dont celui de Pierre Menguy, fit le nécessaire pour les rapatrier dans les localités respectives.
Une compagnie du bataillon FTP-FFI Guy Môquet qui participa à la bataille de La Pie-en-Paule le 29 juillet 1944 portait le nom de Pierre Menguy (PLM). Le nom de Pierre Menguy figure sur Le monument des fusillés au camp de manœuvre des Croix en Ploufragan, aujourd’hui proche du zoopole de Ploufragan, sur Le monument des Martyrs à L’Hermitage-Lorge, sur Le monument de la Déportation et de la Résistance, La Pie en Paule et sur La plaque de la rafle du 9 avril 1944 dans la salle des fêtes de Callac-de-Bretagne.
Il fut inhumé au cimetière de Plévin.
Un poème fut écrit à sa mémoire :
« Miserere pour PLM PLM Nom de voyage et de rêve PLM Train bleu Mais... Nom de guerre PLM Plein les mains d’amour et les cheveux de liberté PLM comme lame de sabre qui croise Comme faux qu’on aiguise et trinquaille PLM chaque soir revenait Avec ses yeux de lumière et sa bouche de chaleur. PLM reviendras-tu ? PLM un soir n’est pas revenu PLM a tant crié A tant saigné S’est tant mordu la langue Qu’il se l’est hachée... PLM n’a pas ``donné’’... pas ``donné’’ Chaque coup reçu ouvrait la porte Au cri de liberté. Liberté ! Liberté mes frères ! Tu peux toujours frapper Je suis du bois qui ne saurait céder Liberté ! Comme il l’a criée PLM l’avons recherché. Qu’avons fouillé ! PLM n’avons pas retrouvé. PLM nach Dachau PLM Miserere pour PLM »
Jean Le Jeune nous a confié ce poème écrit à la mémoire de Pierre-Louis Menguy, et extrait de l’ouvrage de Noémie Le Meur, Comme un enfant qui dort, édité en 1983 dans la collection Horizons poétiques à Camuzac (Aude). Originaire de Saint-Ygeaux, Noémie Guyomard épousa Louis Le Meur en 1933. Elle enseigna après son mariage dans les mêmes écoles que son mari : à Paule, à Calanhel, puis à Callac pendant l’Occupation, elle termina sa carrière au Hinglé en 1967. Pendant l’Occupation, le couple hébergea les principaux responsables de la Résistance, en particulier Yves Picard, responsable du Parti communiste clandestin, et Jean Le Jeune. Son mari joua un rôle important dans la Résistance. Louis Le Meur, commandant Rolland, responsable des FTP de la région de Callac, devint chef du 4e bureau FFI à la veille de la Libération. En mai 1944, il devint commandant-adjoint de l’état-major départemental des FTP puis prit la direction du 4e bureau de l’état-major FFI en juin 1944.
L’après-midi 7 FTP tous du secteur de Plouaret (Côtes-du-Nord ; Côtes d’Armor) furent condamnés à la peine de mort par le tribunal militaire allemand de Belle-Isle-en-Terre (Côtes-du-Nord ; Côtes d’Armor) et exécutés au même endroit : Arsène Faujouron, Eugène Daniel, Joseph Hénaff, Léon Le Guerson, Auguste Le Pape, Pierre Menou et Auguste Pastol.
Site des Lieux de Mémoire du Comité pour l’Étude de la Résistance Populaire dans les Côtes-du-Nord
Sources

SOURCES : Arch. Dép. Côtes-d’Armor, 2W116. – Archives de l’ANACR-22. – Jean Le Jeune, Itinéraire d’un ouvrier breton, Saint-Brieuc, 2002. – Louis Pichouron, Mémoire d’un partisan breton, Presses universitaires de Bretagne, 1969. – Alain Prigent, Histoire des communistes des Côtes-du-Nord (1920-1945), Saint-Brieuc, 2000. – Alain Prigent, Serge Tilly, « Les fusillés et les décapités dans les Côtes-du-Nord (1940-1944) », Les Cahiers de la Résistance populaire dans les Côtes-du-Nord, no 12, 2011. – Témoignage d’Armand Tilly.

Alain Prigent, Serge Tilly

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