Né le 2 avril 1925 à Lausanne (Suisse), fusillé par condamnation le 8 février 1943 au stand de tir du ministère de l’Air à Paris (XVe arr.) ; étudiant à l’École alsacienne ; résistant FTP.

Jean Arthus
Jean Arthus
Les 5 fusillés du lycée Buffon
Les 5 fusillés du lycée Buffon
En fait, Jean Arthus était ami avec les lycéens de Buffon, mais lui-même suivait sa scolarité à l’École Alsacienne.
Jean Arthus
Jean Arthus
Fils d’Henri, médecin et de Renée, née Jayet, Jean Arthus était étudiant de première à l’école alsacienne rue Notre-Dame des Champs (Paris, VIe arr.). Sa mère était morte et il demeurait chez son père 132 boulevard du Montparnasse à Paris (XIVe arr). Celui-ci, diplômé de la faculté de médecine de Lausanne, de nationalité française, fit la guerre 1914-1918 en tant que médecin militaire.
Après avoir étudié en Suisse, Jean Arthus vint à Paris en 1936. Il suivit des cours au lycée Buffon pendant des vacances scolaires. Au début de la guerre son père le plaça plusieurs mois comme pensionnaire à l’école Franco-Américaine (Marymount International School) à Neuilly-sur-Seine (Seine, Hauts-de-Seine), puis l’école ferma et il prit avec son père le chemin de l’exode en Anjou. Très bon élève, à Pâques 1941, il entra à l’école alsacienne et prépara son baccalauréat en classe de première.
Il eut par l’intermédiaire de Lucien Legros, lycéen, un contact avec le Front national pour l’indépendance au début de l’hiver 1941. Il fit la connaissance de trois autres étudiants Pierre Grelot, Jacques Baudry et Pierre Benoit, ce dernier étant le responsable du groupe. Il participa à des distributions de tracts du Front national, mais n’était pas membre du Parti communiste. Il rejoignit le Front national le 16 avril 1942, jour de la rentrée de Pâques, dans le mouvement de protestation qui suivit l’arrestation de Raymond Burgard, professeur au lycée Buffon et fondateur du journal clandestin Valmy.
Un jeune étudiant au Conservatoire des Arts et Métiers, Tibor Berger, hongrois, était soupçonné d’être un indicateur de la Gestapo, et Lucien Legros et Jean Arthus furent chargés de le tuer. Ils se rendirent le 26 mai vers 7 h 30 du matin à l’hôtel de la Sorbonne 6 rue Robert-Cousin,(Paris, Ve arr.). Jean Arthus y pénétra seul, frappa porte n° 13 au second étage, Tibor Berger ouvrit, il faisait sombre, Jean Arthus tira à deux reprises, puis prit la fuite ; il croisa revolver au poing le garçon de l’hôtel, et retrouva Legros chargé du guet à l’extérieur.
Il fit partie d’un groupe de trois avec Pierre Grelot et Pierre Benoit, ce dernier expliquant qu’il s’agissait du groupe de « Troupes de partisans ». Jean Arthus exprima sa répugnance « à cette action directe, supposant que ce terme impliquait l’assassinat. ». Il participa à une opération le 28 mai 1942 vers 22 h 30 : il s’agissait de couler un yacht amarré quai de Tokio (aujourd’hui quai de New-York) à Paris (XVIe arr.), appartenant aux autorités allemandes. En protection avec Pierre Grelot et Lucien Legros, il fit le guet, entendit deux détonations : une grenade et un engin explosif avaient été projetés sur le yacht par Pierre Benoit.
Jean Arthus devint FTP, et aurait été membre du réseau Hector. Pierre Benoit lui donna rendez-vous, ainsi qu’à Pierre Grelot le dimanche 31 mai 1942 à 9 h 15 dans les jardins du Palais-Royal (Paris, Ier arr.). Pierre Benoit informa Jean Arthus qu’une manifestation devait avoir lieu rue de Buci (Paris, VIe arr.), et qu’il recevait comme mission de crier « Vive le Front national ! ». Un homme inconnu était là. Jean Arthus ne posa pas de question, mais supposa qu’il s’agissait d’une manifestation organisée par les étudiants. Il reçut un pistolet automatique calibre 7,65 mm, chargé, mais ne lui paraissant pas en bon état. Il eut comme consigne de ne l’utiliser que si les policiers intervenaient pour disperser les manifestants et faisaient usage de leurs armes. Jean Arthus, Pierre Benoit et Pierre Grelot partirent ensemble sans l’inconnu.
Á 10 h 30, Jean Arthus était rue de Buci, Pierre Benoit l’informa que « plusieurs camarades » étaient avec les ménagères qui attendaient l’ouverture de l’épicerie. Dès l’ouverture d’ « Eco », ces militants protesteraient contre les difficultés du ravitaillement. Parmi les ménagères, il y avait des militantes dont Madeleine Marzin, Marguerite Bronner, Jeanne Chauviré, Raymonde Vanden Branden, Norma Bléron, Louise Sézille de Mazancourt...
Il remarqua de l’effervescence, deux gardiens de la paix cyclistes arrivèrent, un gardien qui avait empoigné un protestataire essayait de le sortir de l’épicerie, des manifestants tentaient de le délivrer. Tout à coup plusieurs détonations crépitèrent, Jean Arthus s’enfuit en compagnie de Pierre Grelot. Ils retrouvèrent au métro Falguière Pierre Benoit. Il confia à ses deux camarades qu’il était parvenu sous la menace de son arme à libérer un manifestant. Jean Arthus et Pierre Grelot restituèrent leur arme à Pierre Benoit, chef du groupe.
Pierre Grelot et Lucien Legros furent arrêtés par trois inspecteurs de la Brigade spéciale n°2 (BS2) le 3 juin 1942 vers 17 h30 face au n° 5 de la rue de Pondichéry dans le (Paris, XVe arr.) alors que Pierre Benoît réussissait, lui, à s’échapper.
Trois inspecteurs de la BS2 se présentèrent le 3 juin 1942 vers 20 h au domicile de Jean Arthus et l’arrêtèrent. Dans une veste et un pantalon déposés sur son lit, les policiers saisirent un pistolet 6,35 m/m avec une balle dans le canon, un chargeur garni de six balles et un carnet d’adresses. Sous son lit, une serviette en cuir contenait deux pistolets automatiques avec une balle dans le canon, deux chargeurs contenant cinq balles.
Lors de son interrogatoire Jean Arthus déclara : « Je n’ai jamais adhéré au Parti communiste ». Lucien Legros lui avait proposer d’adhérer au Front national, il lui avait certifié que cette organisation « n’était nullement d’inspiration communiste » mais qu’il s’agissait de diffuser des tracts dans les milieux universitaires sur la nécessité de libérer la France. L’action directe contre les troupes d’occupation était envisagée, mais elle ne devrait être exécutée qu’avec une aide extérieure. « Cette action ne devait pas être subordonnée aux directives communistes. » Selon ses déclarations, il milita au sein du Front national, en faisant essentiellement de la propagande orale, et il ne participa « qu’une seule fois à la diffusion de tracts du Front national des étudiants ».
L’arme de Jean Arthus fut analysée par le service de l’identité judiciaire. Des tirs de comparaison ont été effectués. Il s’avéra que les projectiles ne présentaient aucun point commun avec les balles et les douilles tirées rue de Buci et dans des affaires antérieures. Ces résultats furent communiqués le 5 juin 1942.
Dix-sept résistants qui étaient rue de Buci comparurent du 23 au 25 juin 1942 devant la Section spéciale de la cour d’appel de Paris, section de Paris du Tribunal d’État. À l’issue du procès Jean Arthus fut condamné aux travaux forcés à perpétuité ainsi que Pierre Grelot et Lucien Legros, Pierre Benoit étant condamné à mort par contumace.
Jean Arthus fut livré aux Allemands le 1er juillet 1942 avec Jacques Baudry, condamné pour une autre affaire, et ses deux camarades Pierre Grelot et Lucien Legros. Le tribunal de la Luftwaffe qui siégeait rue Boissy-d’Anglas (VIIIe arr.) le condamna à mort le 15 octobre 1942 avec ses camarades Jacques Baudry, Pierre Grelot, Lucien Legros et aussi Pierre Benoît qui avait été arrêté le 28 août 1942. Jean Arthus fut gracié à la suite d’interventions en décembre 1942, mais la Gestapo annula la mesure de clémence.
Les « cinq du lycée Buffon » furent internés à la Santé (Paris, XIVe arr.) jusqu’au 26 octobre 1942 puis transférés à Fresnes (Seine, Val-de-Marne) où ils poursuivirent leur action au sein même de la prison (refus de recevoir l’aumônier allemand qui portait l’uniforme de la SS, tentative d’évasion...).
Jean Arthus a été fusillé le 8 février 1943 au stand de tir du ministère de l’Air à Paris (XVe arr.), ainsi que Jacques Baudry, Pierre Benoit, Pierre Grelot et Lucien Legros. Il fut inhumé au cimetière parisien d’Ivry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne) le 8 février 1943 division 47, ligne 1, n°2.
En 1952 ses restes furent incinérés et mis avec ceux de ses camarades Pierre Benoit, Pierre Grelot et Lucien Legros dans une urne qui fut déposée le 8 février 1952 dans la crypte de la Sorbonne. Comme il en avait exprimé le souhait, Jacques Baudry repose désormais auprès de ses grands-parents à Douchy (Loiret).
Le père de Jean Arthus, Henri Arthus, expert-psychologue, témoigna le 31 octobre 1944 devant la commission d’épuration de la police. « Mon fils a été arrêté chez moi le 3 juin 1942 à 8 heures du soir » par trois inspecteurs de la BS2, il en reconnut un sur photographie « Cet inspecteur s’est montré très hostile aux « terroristes » comme il appelait mon fils, en m’expliquant qu’il avait le droit de les abattre dans la rue sans sommation. »
« Au cours de la fouille, une arme fut découverte à mon domicile et je fus emmené avec mon fils à la Préfecture de police. »
Henri Arthus apporta une précision d’importance sur la découverte des autres armes saisies : « Une heure environ après mon arrestation, l’un des inspecteurs est venu me demander la clé de mon domicile pour y effectuer une perquisition. Celle-ci fut faite hors de ma présence et les inspecteurs me présentèrent des revolvers à leur retour. Ils ont prétendu que ces armes étaient dans une valise de mon fils, qui fut condamné aux travaux forcés à perpétuité par le Tribunal d’Etat le 25 juin 1942, livré aux Allemands le 1er juillet 1942, condamné par eux à mort en novembre 1942, gracié à la fin de l’année et fusillé comme otage au moment de la prise de Kharkov. Mon fils était âgé de dix-sept ans. »
Deux des trois inspecteurs qui arrêtèrent, interrogèrent et frappèrent Jean Arthus ont été condamnés à mort, ces peines furent commuées en années de travaux forcées avec révocation sans pension.
Jean Arthus fut reconnu Mort pour la France, il fut homologué sous-lieutenant, membre des Forces Françaises Combattantes (FFC) au titre du réseau Hector et membre des Forces Françaises de l’Intérieur (FFI). Il fut décoré de la Légion d’honneur, de la Croix de guerre avec palmes et de la Médaille de la Résistance (décret du 31 mars 1947, publié au JO du 26 juillet 1947). Il fut cité avec ses quatre camarades à l’ordre de la Nation : "Glorieux enfants de France, qui formèrent pendant l’Occupation le groupe des Cinq étudiants du Lycée Buffon, se montrèrent en toutes circonstances animés de la foi patriotique la plus pure et la plus agissante"
Son nom est gravé sur la plaque du ministère de la Défense à Paris XVe arr. et sur une plaque apposée dans le hall d’entrée du Lycée Buffon « À la mémoire des lycéens résistants fusillés le 8 février 1943 ».
Sa dernière lettre, adressée à son père, a été publiée dans l’ouvrage La vie à en mourir.
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Dernière lettre à son père
 
Le 8 février 1943
Mon grand chéri,
Je ne sais si tu t’attendais à me revoir ; je m’y attendais. On nous a appris ce matin que c’était fini, alors adieu. Je sais que c’est un coup très
rude pour toi, mais j’espère que tu es assez fort et que tu sauras continuer à vivre eu gardant confiance en l’avenir.
Travaille, fais cela pour moi, continue les livres que tu voulais écrire, pense, que je meure en Français pour ma Patrie.
Je t’embrasse bien.
Adieu, mon grand chéri.
Jean Arthus

Voir Paris (XVe arr.), Le stand de tir de Balard (Ministère de l’Air)
Sources

SOURCES : AN 4W6 dossier 6 (audiences affaire rue de Buci). — Arch. PPo. GB 098, BA 2056, BA 2128, KB 1, KB 6, KB 95, 77W 3117, PCF carton 13 rapports hebdomadaires sur l’activité communiste pendant l’Occupation, GB 171 (photo). — Bureau Résistance GR 16 P 19019. — Arch. DAVCC, Caen, FFM Boîte 5 (notes de Thomas Pouty). — La vie à en mourir, lettres de fusillés, présentées par Guy Krivopissko, Éd. Tallandier, 2003. — Plaque du ministère de la Défense à Paris XVème. — Site Internet Mémoire des Hommes. — MémorialGenWeb. — Répertoire des fusillés inhumés au cimetière parisien d’Ivry.

Iconographie
PHOTOGRAPHIE : Arch. PPo. GB 171

Jean-Pierre Besse, Daniel Grason

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