GUYOT Adolphe
Né le 15 août 1910 à Asnières (Seine, Hauts-de-Seine), guillotiné le 24 septembre 1941 dans la cour de la prison de la Santé à Paris (XIVe arr.) ; plombier-couvreur à la Ville de Colombes (Seine, Hauts-de-Seine) ; militant communiste.
Affecté à l’entrepôt de l’armée de l’air à Saint-Cyr-l’École (Seine-et-Oise, Yvelines), le 17 janvier 1940, il fit l’objet d’une « enquête spéciale » des Renseignements généraux ainsi libellée : « L’intéressé mobilisé rentre tous les soirs chez lui. Prière de bien vouloir préciser son attitude notamment depuis le pacte. » Il s’agissait bien sûr du Pacte germano-soviétique. Le dimanche 25 février 1940 la gendarmerie de Colombes l’interpella et le conduisit au commissariat de la Plaine-Monceau pour qu’il fût remis à l’autorité militaire. Il portait sur lui deux lettres ; l’une émanait d’un correspondant aux armées, il lui écrivait « qu’il fallait descendre les officiers, cette [illisible] à Hitler ». L’autre correspondant était Daniel Georges, ex-brigadiste en Espagne, incarcéré à la prison de la Santé dans la même cellule que l’ex-député communiste de Seine-et-Oise Charles Benoist.
Libéré de son affectation au moment de l’exode, il reprit de l’activité militante, distribua des tracts de l’organisation clandestine, devint l’un des communistes qui organisa la diffusion du matériel à Colombes (douze militants y participaient). Des policiers du commissariat de Colombes l’arrêtèrent dans la nuit du 8 février 1941 et son interrogatoire eut lieu dans les locaux de la BS1 à la préfecture de police de Paris où il fut battu. Incarcéré à la prison de la Santé, il comparut le 4 juin 1941 devant le tribunal correctionnel de la Seine, et fut condamné à trois ans de prison pour infraction au décret-loi du 26 septembre 1939.
La sanction était certainement trop légère pour le gouvernement de Vichy. Il comparut les 18 et 19 septembre devant la Section spéciale, section de Paris, du tribunal d’État avec huit autres de ses camarades (trois étaient en fuite). Le procès se déroula à huis clos ; les militants étaient accusés de détention et d’émission de tracts communistes, de détention de matériel de diffusion, d’émission de cotisation en faveur de l’ex-Parti communiste et de reconstitution de cellule. Adolphe Guyot était considéré par l’accusation comme le chef de l’organisation clandestine à Colombes.
Le commissaire du gouvernement de Vichy demanda la mort pour Adolphe Guyot, conformément à la loi promulguée par Vichy le 14 août 1941, loi réprimant « l’activité communiste et anarchiste ». Toutes les autres juridictions étaient dessaisies. Me Hanotaux, défenseur d’Adolphe Guyot contre qui la peine capitale était réclamée, critiqua le principe de la rétroactivité de la loi du 14 août 1941 et déclara notamment : « Quand l’Allemagne n’avait pas encore rompu avec Moscou on ne parlait pas de l’agitation communiste. Il y a même des militants de ce parti qui ont été libérés par les autorités d’occupation. Mais depuis, les événements ont changé et il y a eu cette loi du 14 août 1941. »
Selon Me Hanotaux, la tête d’Adolphe Guyot n’était pas seulement réclamée par le commissaire du gouvernement mais aussi par le Parti communiste lui-même qui avait besoin des victimes de la justice bourgeoise pour alimenter sa propagande. S’adressant aux magistrats, il contesta le rôle de chef de Guyot, puis s’écria : « Vous voyez bien que la République continue et que pour sauver les grands on frappe les petits. » Son appel ne fut pas entendu. Le 20 septembre Adolphe Guyot fut condamné à mort ainsi que Jean Catelas et Jacques Woog. À l’annonce de la sentence, Adolphe Guyot cria : « Vive la France ! Vive le Parti communiste ! » Un garde républicain l’empêcha de continuer à parler.
La sentence fut exécutée à l’aube du 24 septembre dans la cour de la prison de la Santé : les trois militants furent guillotinés ; ils allèrent à l’échafaud en chantant « La Marseillaise ».
En novembre, un papillon édité par le Parti communiste fut distribué : « Les assassins de Nantes et de Bordeaux sont les mêmes qui ont incendié le Reichstag. »
Un second papillon avec la francisque de Pétain ruisselante de sang fut diffusé :
« Français, Française !
L’insigne du Maréchal, c’est la hache du bourreau, celle qui a décapité Bréchet Bastard, Catelas, Guyot, Woog, Anjolvy et des dizaines de patriotes.
Français, Françaises,
Tous unis dans le Front national de Lutte pour chasser le boche et son Gouvernement de valets.
La victoire du Front Unique des Patriotes vengera ses martyrs.
Vive la France Libre ! »
Inhumé le 24 septembre 1941 au cimetière parisien d’Ivry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne) division 27, ligne 4, n° 5, il fut réinhumé le 6 juin 1942 au cimetière de Bois-Colombes (Seine, Hauts-de-Seine) dans un caveau familial en présence de sa compagne, de ses enfants et d’une quinzaine de proches.
Henri Poncelet, arrêté le 11 février 1941, témoigna après la guerre devant la commission d’épuration de la police, et affirma qu’Adolphe Guyot fut « frappé odieusement par les inspecteurs. Il était d’ailleurs tellement marqué par les coups que lesdits inspecteurs ont fait surseoir à son transport avec nous ».
Le dimanche 28 avril 1946, il y eut une cérémonie rue Jean-Dolent, devant la prison de la Santé. Une plaque de marbre fut dévoilée : « Derrière ces murs 18 patriotes antifascistes furent exécutés sur les ordres d’un Gouvernement au service de l’ennemi. » Le nom d’Adolphe Guyot y figure. Quarante-huit heures plus tard, l’Humanité en rendait compte en page une, par une simple photographie légendée, en « l’honneur de 18 patriotes guillotinés ou fusillés ».
Adolphe Guyot a été homologué au titre de la Résistance intérieure française (RIF). Le Conseil municipal de Bois-Colombes donna le nom d’Adolphe Guyot à une rue de la ville.
Voir Paris (XIVe arr.), prison de la Santé, 1941-1944
SOURCES : Arch. PPo., BA 1801, BA 1928, BA 2057, BA 2297, KB 53, KB 80, PCF carton 11 rapports sur l’activité communiste pendant l’Occupation. – Bureau Résistance GR 16 P 282137. – L’Humanité, 30 avril 1946. – Dominique Rémy, Les lois de Vichy, Romillat, 1992. – État civil, Asnières. — Répertoire des fusillés inhumés au cimetière parisien d’Ivry.
Daniel Grason