Né le 29 septembre 1923 à Paris (XVIIIe arr.), fusillé le 9 mars 1942 au Mont-Valérien, commune de Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine) ; ouvrier fourreur ; communiste ; résistant membre de l’Organisation spéciale (OS) appelée après la guerre Les Bataillons de la jeunesse.

Arch. Mun. Nantes, fonds Luce.
Fernand Zalkinov
Fernand Zalkinov
Plaque à l'Assemblée nationale
Plaque à l’Assemblée nationale
Fils de Naoum et d’Hana, issu d’une famille juive d’origine russe, Fernand Zalkinov vivait chez ses parents, 51 rue des Amandiers à Paris (XXe arr.). Son père, artisan cordonnier, lisait Naïe Presse (La Presse Nouvelle), journal édité par la sous-section juive du Parti communiste. Fernand Zalkinov, élève boursier de l’école Arago, désirait devenir professeur d’allemand mais, du fait de la guerre et de l’Occupation, il n’eut pas la possibilité de poursuivre ses études. Il se fit embaucher, par nécessité, comme ouvrier fourreur. À l’été 1940, il adhéra aux Jeunesses communistes, puis à l’été 1941 à l’Organisation spéciale où il retrouva ou fit connaissance avec Roger Hanlet, Pierre Milan, Tony Bloncourt, Acher Semahya, Christian Rizo, Robert Peltier et Gilbert Brustlein. Ce dernier, de quatre ans son aîné, avait la responsabilité de l’Est parisien. Les jeunes recrues n’avaient aucune formation militaire.
Le 21 août 1941, Pierre Georges, futur colonel Fabien, tua l’aspirant allemand Alfons Moser au métro Barbès. Gilbert Brustlein assurait sa protection, Fernand Zalkinov et Bob Gueusquin sur le quai observaient toutes réactions hostiles. Le 21 octobre 1941 à Nantes, Gilbert Brustlein abattit l’officier Karl Hotz. Sans doute par insuffisance de moyens, Brustlein et Zalkinov habitaient la même chambre au 6e étage du 126 avenue Philippe-Auguste à Paris (XIe arr.). Gilbert Brustlein, rentrant de Nantes, remit un pistolet automatique à Fernand Zalnikov.
Fernand Zalkinov participa à une dizaine d’actions et d’attentats avec différents combattants : le 3 septembre 1941, vers 22 h 30, un sous-officier allemand Ernest Hoffmann était blessé boulevard de Strasbourg à Paris (Xe arr.) ; le 5 septembre, à Vincennes, un camion allemand était incendié causant peu de dégâts ; le 19 septembre, vers 6 h 40, une dizaine de résistants lançaient des bouteilles inflammables dans le garage Soga au 21 boulevard Pershing (XVIIe arr.), l’incendie fut rapidement maîtrisé ; le 25 septembre, tentative de déraillement d’un train sur la ligne Paris-Strasbourg à Lagny (Seine-et-Marne), échec ; le 1er octobre, près de la gare de Lagny, tentative de sabotage de la voie ferrée, l’engin n’explosa pas ; début octobre 1941, incendie de fourrages appartenant aux Allemands à Jouy-le-Châtel (Seine-et-Marne) ; vol de clefs à tire-fond à Orry-la-Ville (Oise), puis à la station de métro Cambronne ; 11 octobre, nouvel attentat à l’explosif sur la voie ferrée Paris-Strasbourg, nouvel échec ; 15 octobre, tentative d’incendie d’un atelier de réparations de l’organisation Todt à Montreuil-sous-Bois, aucun dégât ; 21 octobre, Verneuil-l’Étang à cinq cent mètres de la gare de Joinville un engin explosif était fixé sur la voie du chemin de fer Paris-Bastille, les gardes-voies, requis civils, réussirent à éteindre la mèche.
À son domicile, dans la soirée du 30 octobre 1941, la brigade criminelle interpela Fernand Zalkinov. Des armes et du matériel pour fabriquer des engins explosifs furent saisis. Les policiers l’interrogèrent au 36 quai des Orfèvres. Ses parents, sa sœur et son beau-frère furent arrêtés entre minuit et une heure du matin.
Le journal collaborationniste Le Matin titra le 19 novembre : « Des terroristes auteurs d’attentats sont arrêtés. Mais un de leurs chefs, Gilbert-André Brustlein, est en fuite. C’est un devoir national que d’aider à sa découverte ». Dans le corps de l’article sa photographie était ainsi légendée « Le bandit Brustlein ». Fernand Zalkinov, considéré comme un des chefs du groupe, était nommé « le fourreur juif » dans l’édition du lendemain. Les nazis dénoncèrent un mythique complot « judéo-bolchévique ».
Incarcérés à la Santé, mis au secret, frappés lors des interrogatoires, livrés aux Allemands, Fernand Zalkinov et ses camarades comparurent du 4 au 6 mars 1942, devant un tribunal militaire allemand au Palais-Bourbon. Roger Hanlet, Pierre Milan, Tony Bloncourt, Acher Semahya, Christian Rizo, Robert Peltier et Fernand Zalkinov furent condamnés à mort pour « activités de franc-tireur », ce dernier fut le seul à ne pas déposer un recours en grâce. Le président de la cour martiale souligna l’excellente coopération des polices française et allemande, en présence du commissaire qui avait dirigé l’opération.
Dans sa dernière lettre adressée à sa sœur le 9 mars, Fernand Zalkinov confiait : « nous avons demandé comme dernière grâce de mourir ensemble [...] je ne ressens de haine contre qui que ce soit. Je voudrais aimer toute la terre [...]. Je suis sûr que ma mort ne sera pas inutile, qu’elle servira à construire un monde où il y aura du pain pour tous et aussi des roses ».
Le 9 mars 1942, Fernand Zalkinov fut passé par les armes au Mont-Valérien, il fut inhumé au cimetière d’Ivry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne).
Le ministère des Anciens Combattants reconnut Fernand Zalkinov comme FTP-MOI, une plaque apposée au 71 rue des Amandiers porte les noms de : « Zalkinov Anna, Zalkinov Rachel, Moyen Raymond, Moyen Alkmar, Julie, déportés et assassinés par les nazis ; Zalkinov Noël père (au lieu de Naoum) et Zalkinov Fernand fils, membres du Parti communiste fusillés le 9 mars 1942 ». Son père Naoum Zalkinov fut exécuté comme otage le 11 août 1942, sa mère Anna et sa sœur Rachel moururent à Auschwitz.
Le 9 mars 2000, un hommage solennel était rendu aux sept combattants, soixante ans après le procès du Palais-Bourbon. Ils furent décorés de la Médaille militaire, de la Croix de guerre avec palme et de la Médaille de la Résistance à titre posthume. Laurent Fabius, président de l’Assemblée nationale, présida la cérémonie. Une plaque commémorative rappelle qu’ils sont « Morts pour la France ».
Dernière lettre
 
Paris, le 9 mars 1942
Mon cher papa,
Ma chère maman,
Ceci est ma dernière lettre. Dans quelques heures, je serai mort. Je suis très courageux et très calme.
Ne pleurez pas, je vous en prie, mais pensez à moi. Il faut que vous soyiez forts, comme je le suis. Dites-vous bien que je suis mort d’une belle mort et que, plus tard, vous serez fiers de moi.
Je vous ai profondément aimés et je sais combien vous me chérissez.
J’ai vécu si heureux, grâce à vous, à tout ce que vous avez fait pour moi.
Je vous l’ai bien mal rendu, mais je sais que vous ne m’en voulez pas.
Je préfère ne pas vous avoir vus. Je n’ai pas cessé de penser à vous. Et vous, pensez à moi, et c’est pourquoi je suis si courageux.
Je vous demande pardon pour tout ce que vous avez souffert par ma faute ; je sais que vous me pardonnerez parce que vous m’avez tant aimé et que vous oublierez tout le mal que je vous ai fait.
Je suis très calme et j’attends dans une parfaite tranquillité d’âme. J’ai conscience que ma mort n’aura pas été inutile. Il ne faut pas que vous pleuriez. Soyez, forts comme je le suis. Songez que plus tard vous serez fiers de moi et vous en aurez le droit. Jurez-moi que vous serez courageux et je mourrai tranquille.
N’oubliez pas que vous avez encore d’autres enfants et j’espère que plus tard vous aurez aussi des petits-enfants dans lesquels vous pourrez me revoir et me reconnaître.
Aujourd’hui, je rêve à ce que furent mes années d’enfance et je suis si heureux en me rappelant votre amour. Croyez bien que je vous ai toujours aimés et que si je vous ai fait souffrir, je ne le voulais pas. Mais il le fallait. Il fallait que je fasse mon devoir, quoi qu’il m’en coûte. Encore une fois, je vous demande pardon.
Ne laissez pas salir ma mémoire. Dites-vous bien que j’ai fait tout ce que j’ai pu pour rester propre et honnête, pour être digne de vous.
J’aurai vécu et je serai mort pour quelque chose, pour la cause que j’ai toujours servie avec le plus grand amour et je ne regrette pas mon sacrifice, car je sais qu’il ne sera pas vain.
Je suis courageux parce que c’est la mort que j’aurais choisie. Je ne veux pas que vous pleuriez, cela me ferait trop de peine. Pensez beaucoup à moi et cela me rendra plus fort.
Je suis sûr que plus tard il y aura un monde de joie et d’amour.
Alors, vous penserez à moi.
Adieu. Adieu pour toujours, mon cher papa, Ma chère petite maman. Je vous embrasse de toute mon âme de fils aimant et je vous presse sur mon cœur pour qu’une dernière fois vous me donniez votre chaleur et que vous m’en enveloppiez. Cela fait tellement de bien.
Je vous aime et je vous embrasse Adieu
FERNAND
Sources

SOURCES : Arch. PPo. BA 1752, Carton 12 rapports hebdomadaires sur l’activité communiste, GB 190 (photo). – BAVCC Caen (notes de Thomas Pouty). – Bureau Résistance GR 16 P 606148 (non homologué). – Le Matin, 19 novembre, 20 novembre 1941, 5 mars, 6 mars, 7 mars et 15 mars 1942. – Le Petit Parisien, 6 et 7 mars 1942. – Le Cri du peuple, 7 mars 1942. – Jean-Marc Berlière, Franck Liaigre, Le sang des communistes. Les Bataillons de la jeunesse dans la lutte armée. Automne 1941, Fayard, 2004. – Lettres de fusillés, Éditions France d’abord, 1946, p. 186-184. — Guy Krivopissko La vie à en mourir. Lettres de fusillés, 1941-1944, Paris, Tallandier, 2003. p. 146-147. – Site Internet Mémoire des Hommes. – Site Internet Le procès du Palais Bourbon. – Mémorial GenWeb.

Daniel Grason

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