Né le 22 avril 1900 à Vire (Calvados), fusillé le 28 septembre 1942 à Chizon, commune de Sainte-Pezenne aujourd’hui rattachée à Niort (Deux-Sèvres) ; mécanicien garagiste, brocanteur ; condamné pour détention d’armes.

Fils d’un couple de teinturiers de Vire, Raymond Gendrot avait élu domicile à la Côte Saint-Hubert à Sainte-Pézenne, où il était propriétaire de « Genève occasion », une entreprise de récupération de vieux métaux et de pièces détachées pour automobiles qui employait trois salariés. D’un premier mariage avec Marcelle Roux, il avait eu quatre enfants, Ginette, Jacques, Anselme et Josette. Remarié avec Rachelle Moinier, il vécut ensuite avec Louisette Moinier, dont il eut un cinquième enfant, Raymond.
Arrêté le 11 février 1942 par les autorités françaises après enquête du contrôle économique sur dénonciation pour marché noir, trafic de métaux non ferreux, détention de stocks, hausse illicite, et détenu à la maison d’arrêt de Niort, il fut condamné, le 23 juillet 1942, par le tribunal correctionnel de Niort, avec trois complices, à 18 mois de prison et 100 000 francs d’amende.
Durant son incarcération, il partageait la cellule de François Urbanek, né le 20 mai 1919 à Essen (Allemagne), naturalisé français en 1938, et condamné le 18 juin 1942 par le tribunal correctionnel de Niort à 18 mois de prison pour « désertion à l’intérieur en temps de guerre avec emport d’effets – vol et tentative d’escroquerie ». Par vanité sans doute, ou habilement circonvenu par Urbanek qui pourrait avoir été un mouchard placé à dessein dans sa cellule si les autorités nourrissaient des soupçons – soupçons qui pourraient trouver leur source, selon le témoignage de Jacques Gendrot en 1946, dans un rapport de l’agent du contrôle économique G. à l’origine de son arrestation en février, rapport en sa possession, mentionnant la détention d’armes et réclamant une perquisition immédiate, et qui justifie la plainte qu’il déposa contre lui devant le nouveau procureur de la République, Delphin Debenest –, Gendrot se répandit en confidences qui allaient lui coûter très cher, en confirmant qu’il détenait des armes cachées et, selon J. Gendrot, en indiquant leur cachette. Début août, Urbanek le dénonça à la justice française.
Selon le témoignage de sa compagne en 1945, arrêtée le 31 juillet pour avoir communiqué avec R. Gendrot qui avait soudoyé un gardien, le juge d’instruction chargé du dossier lui annonça qu’il savait que Gendrot possédait des armes à son domicile. « Il m’a prévenu, dit-elle, qu’il ferait son possible pour ne pas que les Allemands le sachent ; mais que si ceux-ci l’apprenaient ce serait très grave. » Ce fut le procureur de Niort, Block de Friberg., qui en informa les Allemands, et cela de son propre aveu, ainsi qu’en témoignent ses déclarations au ténor du barreau, Me Maurice Garçon, qui eut à connaître le dossier, bien que Gendrot ait été défendu devant le tribunal militaire par un avocat allemand commis d’office. Maurice Garçon rapporte en 1945 l’entrevue qu’il eut avec Block de Friberg,« Gendrot fut condamné à mort le 16 septembre 1942 par le conseil de guerre ennemi. [...] Je me rendis à Niort et trouvai le Parquet en émoi. M. Block de Friberg,auquel je rendis visite m’annonça qu’il avait tenté déjà une démarche auprès du président du conseil de guerre pour obtenir la grâce de Gendrot et qu’il se disposait à voir le préfet qui devait alerter M. de Brinon. Il m’expliqua qu’il avait été obligé de prévenir les Allemands du dépôt d’armes parce qu’il craignait que le codétenu leur eût écrit en même temps qu’à lui et que, dans ce cas, il n’avait pas cru devoir courir le risque de se faire soupçonner de dissimulation. Je rompis très vite l’entretien en disant seulement que chacun appréciait à sa manière son devoir et que je n’étais pas juge en la circonstance. »
Le 13 août, une perquisition au domicile de Gendrot, menée par le juge d’instruction, deux gendarmes français et deux Feldgendarmes, permit la découverte d’un stock d’armes et de munitions enterré dans le jardin. Selon un rapport du commissaire de police de Niort au préfet le 14 août, il s’agissait d’un stock « assez important. Ces armes, qui avaient été placées par Gendrot dans des coffres de voitures automobiles enterrées dans son jardin au début de l’occupation allemande, consistent en fusils de chasse, revolvers du type en service dans les armées française et belge, mitraillette de marque autrichienne, poudre, plombs, et plus de 600 cartouches de chasse chargées. Tout ce matériel était graissé et en très bon état de conservation. » D’après le témoignage d’un ancien employé de Gendrot, il s’agissait de matériel récupéré durant l’exode de 1940 par Gendrot, lequel ne prenait pas une part active à la Résistance.
La justice militaire allemande se saisit aussitôt de l’affaire. Raymond Gendrot fut condamné à mort le 16 septembre 1942 par le tribunal militaire de la Feldkommandantur 564 à Niort pour « détention d’armes ». Un recours en grâce fut formé tandis que le préfet Charles Roger-Machart adressait le 17 septembre un courrier à Fernand de Brinon, délégué général du gouvernement français dans les territoires occupés, afin qu’il intervienne auprès des autorités militaires allemandes à Paris. Il chercha à disculper Gendrot de toute intention malveillante envers l’occupant, terminant son courrier par les considérations suivantes : « Je me permets de signaler à votre attention le cas de Gendrot. Si celui-ci est un malhonnête homme en affaires, il ne peut cependant être considéré comme un terroriste. Rien, dans sa vie passée, ne permet de le ranger parmi les extrémistes. Les armes avaient été cachées avec l’intention vraisemblable d’en tirer ultérieurement un bénéfice, mais non pour s’en servir contre les troupes allemandes. D’autre part Gendrot, détenu depuis le 11 février, pouvait ignorer les prescriptions allemandes et françaises punissant sévèrement la détention des armes. Gendrot est marié et père de 5 enfants âgés de 18 ans à 6 mois. Sur les indications de la Feldkommandantur de Niort, je vous demande donc d’intervenir en sa faveur auprès des Autorités supérieures allemandes. Le département des Deux-Sèvres n’a jusqu’ici connu que des actes de sabotage sans suites sérieuses. Pas une goutte de sang français ou allemand n’a été versée depuis l’armistice. L’activité communiste ou gaulliste est très faible. Il serait extrêmement regrettable, à tous les points de vue, qu’une condamnation à mort soit exécutée dans ces conditions. »
Malheureusement, le chef de l’administration militaire en France confirma la décision du tribunal militaire, en cohérence avec le durcissement de la politique de répression à partir de l’été de 1941, ainsi que l’expliquent Jean-Pierre Besse et Thomas Pouty (p. 145). « La psychose allemande du ``terrorisme’’ entraîne des changements qui tiennent au fait que désormais les délits de ``détention illégale d’armes’’ n’ont plus la même portée pour l’occupant. De même alors que durant les premiers mois de l’Occupation, la plupart des condamnations à mort pour ce motif étaient ensuite commuées en peine de prison ou de travaux forcés, à partir de l’automne 1941, l’intransigeance est de mise. Le danger potentiel que représente toute personne en possession d’armes (de guerre ou même de chasse) est alors tel que la plus grande sévérité est réclamée et ce, que la personne ait pu compter s’en servir ou non, voire même, que l’arme soit en état de fonctionner ou non ! Ainsi du mois de juin 1941 au mois de juin 1942 près d’un tiers des personnes fusillées en France occupée (en comptant les deux départements du Nord de la France) l’a été pour ``détention illégale d’’armes’’. »
Raymond Gendrot fut passé par les armes dans la vallée de Chizon, à Sainte-Pezenne, le 28 septembre à 18 heures. Il fut le premier fusillé dans les Deux-Sèvres. À Chizon, où les Allemands avaient aménagé un champ de tir, sept autres victimes furent passées par les armes avant la Libération.
Raymond Gendrot, inhumé au cimetière des Sablières à Niort, fut déclaré « Mort pour la France » le 3 avril 1945. Le titre d’« Interné Résistant » lui fut refusé en raison des motifs de l’arrestation par la commission départementale du 14 janvier 1964, refus confirmé par la commission nationale, puis le ministère des Anciens Combattants et Victimes de guerre le 4 août 1964, refus ainsi justifié : « Il n’est pas établi que l’exécution ait eu pour cause déterminante un acte qualifié de résistance à l’ennemi au sens du statut des déportés et internés résistants. » Mais, dans une note du dossier constitué pour obtenir ce statut, un employé de Raymond Gendrot de 1938 à 1942, présent lors de la perquisition, apporte les précisions suivantes : « R. Gendrot ne cachait pas son antipathie pour les Allemands » ; un autre employé ajoute qu’à « sa connaissance Gendrot ne prenait pas une part active à la Résistance ». Cependant il vouait une haine certaine aux Allemands, et il confiait souvent à ses intimes le plaisir qu’il avait à « posséder ce qu’il fallait pour accompagner les boches le jour de leur départ de France » (sic).
Il bénéficia cependant du titre d’« Interné Politique » (12 novembre 1964). Son fils Jacques, né en 1924, s’engagea dans les FFI au sein du maquis, puis poursuivit le combat comme volontaire au sein du 114e Régiment d’infanterie constitué par les FFI du département sous les ordres d’Edmond Proust, alias « Chaumette », engagé sur le front de la poche de La Rochelle. On ignore la suite donnée à sa plainte contre G., l’agent du contrôle économique, et le sort réservé à Urbanek, transféré en 1946 au fort du Hâ à Bordeaux après avoir été identifié à la prison de la Santé à Paris. Quant au procureur Block de Friberg, dont l’attitude sous l’Occupation – notamment dans l’affaire Gendrot – le conduisit devant la commission d’épuration de la magistrature en 1945, il fut disculpé faute de preuves tangibles et poursuivit une brillante carrière de parquetier.
Lieu d’exécution et de massacre : Niort, Chizon de Sainte-Pezenne (Deux-Sèvres).
Sources

SOURCES : DAVCC, Caen. – Arch. Dép. Deux-Sèvres, 158 W 221 et 3U3. – Centre des archives contemporaines de Fontainebleau (dossier Block de Friberg, 19770067 art. 49). – J.-P. Besse et T. Pouty, Les fusillés, Répression et exécutions pendant l’Occupation (1940-1944), Paris, Éd. de l’Atelier, 2006.

Dominique Tantin

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