Né le 13 octobre 1920 à Saint-Étienne (Loire), fusillé après condamnation le 18 août 1943 au stand de tir du ministère de l’Air à Paris (XVe arr.) ; voyageur de commerce ; résistant, membre du réseau de renseignement Uranus Kléber, agent des Services spéciaux.

Gabriel Tardy. Source : collection privée René Fessy.
Gabriel Tardy. Source : collection privée René Fessy.
Fils de Jacques Tardy, ancien prisonnier de guerre, petit industriel teinturier, et de Pauline Fessy, sans profession, Gabriel Tardy était l’aîné de sept enfants. Il débuta ses études secondaires au collège des pères jésuites, où son père avait fait les siennes, et termina sa scolarité chez les maristes à Saint-Chamond, ses parents s’étant installés à Saint-Martin-en-Coailleux,commune limitrophe.
Pendant la « drôle de guerre » il suivit une préparation militaire et souscrivit un engagement dans l’armée française en 1940, à l’âge de dix-neuf ans ; il fut incorporé au 14ème Cuirassiers à Lyon (Rhône) et refusa la défaite. Il estima que le combat contre l’Occupant devait continuer et entra en contact avec le service de renseignements Uranus ; il y fut intégré au 1er janvier 1941 comme agent P2 (rémunéré). Il devint le chef d’un sous-réseau du réseau Uranus avec pour pseudonyme « Le Timide ». Il demeurait 7 rue du Capitaine-Ferber à Paris (XXe arr.). Le Service « Renseignements Guerre Clandestin était installé quai Saint-Vincent à Lyon. Quand il venait rendre compte de ses missions, famille et amis étaient heureux de le revoir.
Il accepta d’accomplir des missions qui n’étaient pas sans risques en zone occupée. Pendant une trentaine de mois, il franchit la ligne de démarcation à de multiples reprises pour accomplir des missions sur les côtes de la Manche, du Havre (Seine-Inférieure, Seine-Maritime) jusqu’à Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), allant également à Arras et Châlons-sur-Marne (Châlons-en-Champagne, Marne). Il recruta des informateurs, récupéra des documents sur les mouvements de troupes allemandes.
Les Allemands l’arrêtèrent alors qu’il se rendait à un rendez-vous dans une caserne des Groupes mobiles de réserve (GMR), des unités paramilitaires créées par le gouvernement de Vichy. Incarcéré à la prison de Châlons-sur-Marne en juin 1942, il s’échappa, mais fut à nouveau arrêté par la police de Vichy pour s’être soustrait aux Chantiers de jeunesse et purgea quinze jours de prison à Saint-Étienne (Loire). À sa sortie de prison, il reprit ses activités clandestines.
À Lyon, il avait parfois rendez-vous avec son supérieur près de la gare, à la Brasserie Georges où Daniel Cordier venait attendre Jean Moulin à ses retours de voyage.
Après l’arrivée des Allemands à Lyon, en novembre 1942, la police de sécurité et du renseignement de la SS (Sipo-SD), appelée communément la Gestapo, était déjà installée avec l’aide de René Bousquet dans un immeuble réquisitionné. Les agents de la Sipo-SD étaient dotés de faux-papiers français. Ils frappèrent fort le Service de renseignements, le réseau se reconstitua sous le nom de Kléber Uranus.
À partir de janvier 1943 il se sentit en danger, menacé, mais resta à son poste. Dénoncé, il fut interpellé le 10 mai 1943 par la Sipo-SD à Saint-Étienne et resta quinze jours dans la prison de la ville, puis transféré à Fresnes (Seine, Val-de-Marne). Après ses interrogatoires, il réussit à faire parvenir des messages rassurants à ses parents et à des membres de son réseau. Les messages étaient écrits sur des feuilles de papier à cigarettes et acheminés peut-être avec l’aide de l’abbé Franz Stock, l’aumônier allemand de la prison.
Jugé le 6 août 1943 par le tribunal du Gross Paris siégeant rue Boissy-d’Anglas (VIIIe arr.), il fut condamné à mort pour « espionnage ». Accompagné par l’abbé Stock, il fut passé par les armes le 18 août 1943 au stand de tir du ministère de l’Air. Avant son exécution, il écrivit ses lettres d’adieux à ses parents, à son amie et à son cousin et ami d’enfance René Fessy, annonçant qu’il serait fusillé à 16 heures. Son inhumation eut lieu au carré des fusillés d’Ivry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne). Après la guerre son corps a été inhumé dans un caveau individuel au cimetière du Crêt de Roch à Saint-Étienne.
Le ministère des Anciens Combattants accorda au sous-lieutenant Gabriel Tardy la mention « Mort pour la France ». Il reçut à titre posthume la Croix de Chevalier de la Légion d’Honneur, la Croix de Guerre avec palmes et la Médaille de la Résistance française. Son nom figure sur le monument aux morts du cimetière de Saint-Martin-en-Coailleux, commune actuellement rattachée à Saint-Chamond, ainsi que sur la plaque commémorative aux fusillés (146 noms) du stand de tir avenue de la Porte-de-Sèvres à Paris XV arr. et sur le Mémorial des Anciens des Services spéciaux à Ramatuelle (Var).
Son supérieur à Lyon, le capitaine Mauer, arrêté et déporté, rapatrié très malade, écrivait le 25 juillet 1945 aux parents de Gaby :
Gaby, …sous son air calme et détaché, je le sentais entièrement dévoué à la mission que nous nous étions imposée. Tandis que tant d’autres lâchaient, il continuait obstinément sa route… franchissant la ligne de démarcation comme en un jeu…, explorant et fouillant sans arrêt ces coins de notre pays occupés…, patient et prudent malgré sa jeunesse, il a porté de rudes coups à l’allemand ».
.............................................................
Dernières lettres
 
Version communiquée par la famille.
 
À ses parents
 
Fresnes, mercredi 18 août 43 – 10 heures
 
Chère petite Mère et mon cher Papa. Je vais encore vous faire beaucoup de peine, mais ce sera la dernière fois. Je viens d’apprendre que mon jugement était confirmé, je dois être fusillé ce soir vers 16h. je vous demande pardon du chagrin que je vous cause et des multiples soucis que je vous ai si souvent infligés, mais je sais aussi comme vous supporterez cette épreuve avec courage en Français et en Chrétiens.
Ce n’est pas terrible de mourir quand on a fait son devoir et que l’on se sacrifie à son idéal……
Au revoir Petite Maman chérie, au revoir cher Papa. Au revoir Edmée, Jecki, Thérèse, Alain, Founette et mon petit Raphaël, je vous aiderai de mon mieux. Aimez toujours votre père et votre mère, consolez les de leurs peines et restez toujours de bons chrétiens et de bons Français. Je vous aime chers Maman et Papa.
Vive la France. Gaby
 
À son cousin René Fessy
 
Fresnes, mercredi 18 Août 43 - 12 heures
 
Mon vieux René,
 
Je n’aurai donc plus la joie de te revoir toi et mes bons amis en ce monde. Je t’écris pour que tu leur transmettre dans quatre heures, j’en aurai rejoins pas mal d’autres et ma mort aura été aussi originale que ma vie, mais sais-tu que je ne la regrette pas et que je suis heureux de mourir pour la France.
Toi vis pour elle, pour que lorsque tu seras bien vieux, tu puisses te dire ma vie n’a pas été inutile et j’ai eu la joie de servir, d’être utile à mon pays et à mon prochain,…
Je ne peux écrire à tous amis, fais-leur savoir ce que je te dis. Je pense à eux tous en ce moment, ceux avec qui j’ai vécu depuis 2 ans et à François et ses frères, à tous…….
 
Embrasse tes parents pour moi, tes frères et sœurs. Je pense aussi à tous les cousins et aux joies que j’ai eues avec eux et j’en remercie le ciel.
Au revoir, mon vieux René, au revoir les amis
_
Vive la France, Gaby
 
Version publiée par Guy Krivopissko dans La Vie à en mourir, op. cit.
Lettre à son cousin René Fessy remise à l’aumônier de Fresnes.
 
Fresnes,
mercredi 18 août 1943
Mon vieux René,
Je n’aurai donc plus la joie de te revoir toi et mes bons amis en ce monde. Je t’écris pour que tu leur transmettes ; dans quatre heures j’en aurai rejoint pas mal d’autres, et ma mort aura été aussi originale que ma vie ; mais sais-tu que je ne la regrette pas, et que je suis. heureux de mourir pour la France.
Toi, vis pour elle, pour que, lorsque tu seras bien vieux, tu puisse te dire, ma vie n’a pas été inutile, et j’ai eu la joie de servir, d’’être utile à mon pays et à mon prochain ; alors tu n’auras pas de regret non plus, et c’est une bien grande satisfaction  ; j’ai fait peu, mais je l’ai fait avec fanatisme. J’aurais voulu faire bien davantage, mais dans le ciel vous aiderai tous, car je sais et suis sûr qu’avec des fils comme vous le pays revivra après avoir tant souffert de ses fautes. Fais-la aimer autour de toi cette pauvre France par tes amis et tes enfants. Le ciel vous aidera si vous le demandez. J’ai eu bien des faiblesses et commis bien des fautes, mais ma mort les rachète et je sais que vous vous souviendrez longtemps de moi. Ne tombez pas dans les erreurs que j’ai commises, le bonheur sur terre réside dans le devoir accompli, et le sacrifice à son idéal, la vraie vie est celle que. l’on mène selon la morale de Dieu, les plaisirs extérieurs trouvent : toujours leurs conséquences et leurs punitions en eux-mêmes, car ils sont en dehors de la morale des choses.
Ne te laisse donc pas abuser, fixe-toi un but honorable et sacrifie. tout pour l’atteindre, les difficultés rencontrées ne sont rien et ne servent qu’à te montrer ta faiblesse si ton idéal n’est pas soutenu par la foi et appuyé sur la religion ;
N’aie donc aucune peine, mon vieux René, tu sais bien qu’un jour nous nous reverrons tous, et je t’assure que si ta vie a été bien remplie et si tu espères et crois en un monde meilleur, il n’est pas difficile de mourir . Tu connais toute ma vie, nous avons toujours vécu près l’un de l’autre, tu connais aussi mes faiblesses, ne m’imite pas, et si tu peux en réparer la plus grosse, je te la confie, ne m’imite pas en cela pour ne pas avoir de semblable regret, le seul d’ailleurs. Aime tes parents, on n’apprécie vraiment les joies de la famille que lorsqu’on en est privé, nous leur devons beaucoup et un de nos buts doit être de leur rendre un peu de bonheur, qu’ils [...] tous mes Amis, fais-leur savoir ce que je te dis. Je pense à eux tous en ce moment, ceux avec qui j’ai vécu depuis deux ans, à François, à ses frères, à eux tous, je sais que je peux compter sur toi. Tu te marieras un jour ; élève tes moutards comme nous avons été élevés • en chrétiens et en Français. Si nous sommes si bas aujourd’hui dans ce pays, si je suis ici en ce moment, c’est parce qu’on n’aimait pas assez la France. Le remède est là. Aimer la France.
Depuis trois mois j’ai bien réfléchi et j’ai pu comprendre cette chose [...] : ne te rebute pas devant les difficultés, ne te décourage pas. Prie la Sainte Vierge, c’est extraordinaire les joies qu’elle donne. Grâce à elle je n’ai jamais été aussi calme et sincèrement je me réjouis d’aller la rejoindre. Embrasse tes parents pour moi, tes frères et sœurs je pense aussi à tous les cousins Camil et aux joies que j’ai eues avec eux et j’en remercie le Ciel
Au revoir mon vieux René, au revoir les amis.
Vive la France.
Gaby Tardy
Sources

SOURCES : AVCC, Caen, B VIII. — Site Internet des Anciens des Services spéciaux de la Défense nationale (AASSDN). — Mémorial des Anciens des Services spéciaux de la Défense nationale à Ramatuelle (Var), Livre d’or. — Léon Tsévery, Florence Sekhraoui, Les 161 fusillés du polygone de Balard, Éd. FFDJ, 2011. — Site internet GenWeb. — Nos vifs remerciements à René Fessy, cousin de Gabriel Tardy pour les précisions et les documents qu’il nous a communiqués. — Notes de sa soeur, Saint-Etienne, avril 2016. — État civil.

ICONOGRAPHIE : René Fessy.

Daniel Grason, Thomas Pouty

Version imprimable