Né le 22 septembre 1922 à Fumel (Lot-et-Garonne), fusillé le 19 avril 1944 à Toulouse (Haute-Garonne) ; instituteur ; résistant de l’Armée secrète (AS) puis FTPF du Lot.

Charles Boizard, "Chamino"
Charles Boizard, "Chamino"
Charles Boizard était le fils d’un ajusteur originaire de Folleron (Vendée). Sa mère, Yvonne Jeauffreau était née en Vendée. Excellent élève de l’école primaire, il fut reçu premier de son canton au certificat d’études primaires. Il entra comme interne à l’École normale de Cahors en 1938. À partir de la rentrée de 1940, il résida à Cahors chez la mère de Jean-Jacques Chapou, futur dirigeant de la Résistance lotoise. Il effectua son premier stage d’élève maître à l’école de Puy-L’Évêque (Lot) du 20 janvier à la fin du mois de février 1941. Il fut ensuite instituteur à Couvert (commune de Soturac, Lot) pendant près d’un an, puis à Mauroux (Lot) pendant deux mois à partir d’octobre 1942.
Il entra aux Chantiers de la jeunesse le 15 novembre 1942. Requis pour le Service du travail obligatoire (STO) le 28 mai 1943, il refusa de partir et se cacha à Cahors (Lot) puis dans une ferme, infirmerie du groupe de Chapou, et rejoignit un maquis de l’AS. Chapou qui le connaissait lui proposa de commander un groupe. Boizard accepta. Il passa par la suite aux FTP et lors de son arrestation, était chef du maquis "France Liberté" dans le Lot qui relevait du 3e bataillon des FTP du Lot. Il avait le grade de sous-lieutenant. Il avait pour pseudonyme « Chomino » [écrit aussi « Chamino » ou « Tschomino].
Il fut blessé et arrêté au lieu dit « La Teulière » (Larnagol, Lot) au cours d’un affrontement avec les forces d’Occupation le 10 avril 1944, les Francs gardes (FG) de la Milice et les GMR. Le maquis "France" avait pour mission de bloquer la roue de Cahors à Cajarc, le long de la vallée du Lot. Mais alors qu’ils attendaient les Allemands, les Francs gardes et les GMR les encerclèrent. N’ayant pas reçu d’ordre de retrait, les FTP affrontèrent les forces de Vichy, jusqu’au moment où, ayant un blessé (Georges Larrive), le repli fut ordonné. Boizard transporta le blessé jusqu’à la ferme et l’installa dans la grange. Mais les Allemands avaient suivi les traces de sang. Arrivés à la ferme, ils la pillèrent, découvrirent Boizard et son compagnon et les arrêtèrent. Incarcéré à la prison de Cahors puis à la prison Saint-Michel (Toulouse, Haute-Garonne), Charles Boizard — en même temps que Georges Larrive — fut condamné à mort par un tribunal militaire allemand, le 19 avril 1944 pour « acte de franc tireur ». Selon une lettre du préfet du Lot-et-Garonne au maire de Fumel, il s’agissait du tribunal d’état major principal de liaison 564. Fusillé le 19 avril 1944 à la prison Saint-Michel avec deux autres résistants (Georges Larrive et Émile Coiry, ce dernier également FTPF du Lot), il fit partie du cinquième et dernier groupe des vingt-huit exécutés dont les corps furent ensevelis au charnier de Bordelongue (Toulouse). Son corps y fut retrouvé le 7 septembre 1944.
Il fut homologué sous-lieutenant FFI en mars 1950, pour la période du 29 mai 1943 au 10 avril 1944.
Une place de la commune de Puy-L’Évêque porte son nom. Celui-ci a été gravé avec vingt-sept autres, sur la stèle érigée sur les lieux du charnier de Bordelongue.
La commune de Puy-L’Évêque a décidé, en 2015, de donner son nom à l’ espace culturel installé dans son ancienne école.
Voir : Toulouse, prison Saint-Michel et charnier de Bordelongue (9 novembre 1943-18 avril 1944)
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Toulouse, le 18 avril 1944
Très Chers Parents,
Cette lettre va vous causer une très grosse peine, car c’est malheureusement la dernière que je vais vous écrire. En effet, quand vous la recevrez, je ne serai plus de ce monde, puisque demain matin, je serai fusillé par les troupes allemandes.
Fait prisonnier a la suite d’une bataille qui s’est déroulée entre les forces du Maquis et. l’armée Allemande, le lundi 10 avril 1944, j’ai été juge et condamné aujourd’hui. La sentence sera exécutée demain matin Je n’ai donc que peu d’heures a vivre maintenant. Pour moi, cela compte peu. J’aurais dû avoir une mort glorieuse en combattant. Le sort. ne l’a pas voulu. Mais comme cela a peu d’importance pour moi ! Je mourrai la tête haute, car je crois avoir fait mon devoir de Français
D’autres ont eu mon sort, d’autres l’auront malheureusement encore Mais c’est tout de même réconfortant de penser que, sûrement, notre sacrifice n’aura pas été vain. C’est une France jeune et forte H qui sortira de la lutte, et peut-être cette guerre verra enfin l’union des peuples européens se réaliser. C’était mon rêve le plus cher. Je ne le verrai pas, mais j’espère que d’autres le verront. J’espère que l’oeuvre que nous avons commencée se poursuive et [qu’elle] se fera pardessus le sang de tous ceux qui sont morts pour elle. Puissiez-vous connaître cela et pouvoir dire « notre enfant n’est pas mort pour rien. Il a servi une belle cause ». Je sais que cela n’amoindrira pas votre grande peine, mais, tout de même, je serai content de savoir que vous êtes fiers de votre aîné, plus fier que si j’étais tombé victime d’une maladie ou d’un quelconque accident.
Cette séparation sera cruelle, cruelle pour vous, car moi j’aurai au moins la satisfaction de mourir en chrétien et de pouvoir rejoindre ma chère grand-mère. Mais je vous demande de ne pas vous laisser abattre par cette lourde peine. Reportez tout l’amour que vous aviez pour moi sur mon cher petit Jean, et que lui-même vous le rende. Qu’il n’oublie pas.qu’il a à vous aimer et à vous chérir doublement, maintenant que je ne suis plus. Restez forts et vaillants, restez plus unis que jamais et ne vous laissez pas aller. Serrez les coudes, aimez-vous encore plus que par le passé et vous verrez qu’encore vous pourrez avoir un peu de bonheur. Gardez confiance en Dieu comme maintenant je la garde, et le jour où il nous réunira dans son sein, combien serons-nous heureux, alors délivrés de tous les soucis et les. malheurs terrestres. Je vous demanderai, de communiquer cette mauvaise nouvelle à tous nos parents, car je ne me sens pas le courage de le leur écrire. Cela sera dur, très dur mais pourtant. Apprenez-le à grand-mère avec tous les ménagements possibles. Elle qui a déjà tant souffert de la dernière guerre, combien grande va être aussi sa peine. Elle m’aimait bien.
Faites dire quelques messes pour le repos de mon âme, car je pense que Dieu me voudra bien avec lui et que les quelques fautes que j’ai pu commettre, je les laverai au PURGATOIRE. Que papa se convertisse aussi, c’est ce que je lui demande. Qu’il n’oublie pas qu’au-dessus de nous, il y a une volonté qui domine et dirige nos destinées. Demain, je me confesserai et communierai avant la mort. Ce sera une grande consolation et une grande joie. Faites-le pour, moi aussi. J’irai, je pense, dans un monde meilleur et, comme la vie est courte, vous ne tarderez pas à me rejoindre. Priez pour moi, c’est tout ce que je vous demande.
Ce sont les dernières volontés de votre fils qui vous aime et qui vous embrasse bien tendrement avant de mourir.
Haut les coeurs, Vive la France.
Charles Boizard.

Mon cher petit Jean,
Quand tu recevras cette lettre, je ne serai plus de ce monde, et c’est pour t’indiquer les devoirs que ma mort va te créer que je te l’écris.
Tu restes le seul, toi, le plus jeune. Tu deviens donc le seul ayant appui sur lequel papa et maman doivent se reposer. Je te demande donc que plus que jamais tu dois les aimer et les chérir tendrement ; pendant les jours qui vont suivre ma mort, ta tâche sera lourde, car le désespoir va s’abattre sur eux. Console-les, cajole-les, remonte-les. Ne les laisse pas s’abandonner complètement. Veille à ce qu’ils ne fassent pas de bêtises. Veille à ce que papa, d’un moment de colère ou de passion, ne s’emporte pas et ne mette sa vie en danger. Fais-lui comprendre que maman reste’ et qu’il doit veiller sur elle. Veille toi-même sur elle avec beaucoup de tendresse et de soin, pense constamment que tu as un grand devoir à remplir : celui de me remplacer et de me faire oublier. Et plus tard, lorsque le plus gros chagrin sera passé, tâche de leur faire une vieillesse heureuse et paisible. Ne les oublie jamais. Je sais que tu ne le feras pas, car tu as un bon petit cœur, mais pense que ce que nous aurions dû faire tous les deux, tu dois le faire seul désormais. Tu trouveras, je l’espère, une épouse qui saura te rendre heureux, plus tard. Tu connaîtras peut-être des moments difficiles et pénibles, mais que le courage ne t’ abandonne pas et, surtout, garde confiance en Dieu, le Maître de notre destin. Crois en lui comme je crois en ce moment. Espère en lui et, tu verras, tout sera beaucoup plus facile. Tâche de faire que papa. et maman aient une mort chrétienne pour qu’ils puissent venir me rejoindre là-haut, et toi aussi, tâche de venir nous rejoindre avec celle qui sera ton épouse. Rends-la heureuse dans ta vie sur la terre. Élève tes enfants honnêtement et chrétiennement. Qu’ils soient dignes de porter un nom que nous portons, nous, très fièrement. Je te souhaite beaucoup de bonheur sur la terre. Sois heureux, mais sois toujours honnête et franc. Travaille pour la paix et le bonheur des peuples et des hommes. Travaille pour un monde meilleur et tu verras comme la vie te sera plus facile ; et quand tu verras l’heure de la mort arrivée, tu pourras regarder derrière toi et dire « j’ai fait mon devoir, je meurs tranquille », comme je me le dis aujourd’hui.
Je n’ai pas d’autres recommandations à te faire. Veille bien sur papa et maman. Prie pour ton cher frère qui te quitte en t’embrassant bien fort. Adieu. Vive la France.
Charles.
Console également grand-mère et embrasse-la bien pour moi, ainsi que papa, maman et toute la famille.
Sources

SOURCES : SHD Vincennes, GR 19 P 46/12, AS puis FTPF : Maquis France (en ligne). DAVCC, Caen. — Guy Krivopissko, La La vie à en mourir, Lettres de fusillés 1941-1944, Tallandier, 2003. — Archives de René Durand neveu du maquisard homonyme, dont l’intervention de Robert Decosse, devant des élèves, 4 novembre 2002, consultées par André Balent. — Renseignements fournis par la mairie de Puy-L’Évêque. — État civil. — site http://www.resistanceenfumeloisover-blog.com consulté le 10 février 2015 par André Balent.

André Balent, Jean-Pierre Besse

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