Né le 12 avril 1902 à Caen (Calvados), fusillé le 29 septembre 1943 au stand de tir du ministère de l’Air à Paris (XVe arr.) ; capitaine de réserve ; agent des services de renseignement militaire ; résistant.

Henri Brunet
Henri Brunet
Le père d’Henri Brunet possédait une fabrique de meubles à Verson (Calvados). Après avoir passé son baccalauréat au lycée Malherbe de Caen et effectué son service militaire dans le Train des Équipages, il monta une affaire de cartonnage à Paris. Il se maria en 1927. Sa femme Paulette mit au monde un premier enfant en 1929, un second en 1931.
Officier de réserve, il fut mobilisé en 1939 avec le grade de capitaine mais fut bientôt victime d’une mastoïdite aigüe qui lui valut de subir une intervention chirurgicale lourde et d’être réformé. Il décida alors de se réinstaller à Caen avec sa famille, dans l’espoir que les problèmes de ravitaillement y seraient moins critiques qu’à Paris. Il y ouvrit, rue Saint-Manvieu, un atelier de reproduction de plans. Presque aussitôt, il reçut la visite d’un officier allemand qui le somma d’accepter de travailler pour les forces d’occupation, faute de quoi son atelier serait réquisitionné. Brunet se vit donc confier régulièrement la duplication de plans secrets. Début avril 1941, il fut contacté par un ingénieur des Ponts-et-Chaussées de l’Orne, Louis Esparre, qui était aussi officier de réserve du Génie et agent du Service de renseignements (SR) de l’Air de Limoges (Haute-Vienne) (SR Air 40). Il était à la recherche de photos et de croquis d’avions-leurres en bois qu’il savait être fabriqués à Caen pour le compte de la Luftwaffe. Henri Brunet accepta aussitôt de se mettre au service du SR français comme « agent P2 » (agent rétribué), sous le pseudonyme de « Renard », et de dupliquer à son intention un exemplaire supplémentaire des documents allemands qui lui passeraient entre les mains. Les deux sous-officiers censés le surveiller vaquaient à diverses occupations entre deux siestes et le laissaient travailler à sa guise. Ainsi, en avril et mai 1941, Brunet avait pu remettre à Esparre une quinzaine de plans, parmi lesquels certains concernaient les fortifications de la côte normande ou la structure des sols des régions côtières. Début septembre 1941, Louis Esparre se sentit menacé d’arrestation et se fit muter à Perpignan (Pyrénées-Orientales) par son administration. Il fut remplacé par un instituteur, officier de réserve de l’armée de l’Air et membre de son SR, Robert Jeanne. En février 1942, des officiers de la 716e division d’infanterie allemande stationnée en Normandie s’aperçurent que Brunet avait cherché à deux reprises à subtiliser une copie des plans qui lui avaient été confiés. Ils alertèrent l’Abwehr à Paris. L’atelier de Brunet fut perquisitionné, sans résultat. L’affaire sembla en rester là. Mais le contre-espionnage allemand réussit bientôt à infiltrer dans le réseau un agent double (un policier français nommé Rocher) qui prétendit appartenir aux services secrets britanniques et proposa de faciliter l’acheminement des plans à Londres. Tous les quinze jours, Henri Brunet continua de se rendre à Paris pour apporter sa « production » à l’entreprise qui servait de couverture à Robert Jeanne, la « Société française de représentation de machines-outils » (SFRMO). Début octobre 1942, l’Abwehr acquit la certitude que le SR français était destinataire de doubles des plans de la 716e division, sans doute fournis par Brunet. Le 10 octobre, le major Kretschmann se rendit à Caen pour « resserrer les boulons ». Une tireuse de plans allait être acquise et les photocalques seraient désormais réalisés en interne, sauf autorisation préalable. Brunet n’était pas inquiété pour l’instant. Mais au même moment, l’agent double continuait de remonter les ramifications du réseau. Le Sicherheitsdienst (SD) lança son coup de filet le 11 novembre 1942, le jour même où la Wehrmacht envahissait la Zone sud, suite au débarquement allié en Afrique du Nord. Henri Brunet et Robert Jeanne furent les premiers à être arrêtés. Le lendemain, c’était le tour de deux ingénieurs de la SFRMO nommés Maury et Rouauld. En décembre, quatre autres membres du réseau étaient pris : Louis Esparre, Pierre Doucet, Paulette Duhalde et Cécile de Majo-Durazzo. Le 24 mars 1943, Suzanne Speisser, une Alsacienne qui avait réussi en 1940 à se faire embaucher dans les services allemands de l’aéroport du Bourget, fut arrêtée à Lyon (Rhône) où elle se cachait. Les neuf résistants furent inculpés d’espionnage et traduits devant un tribunal de guerre de la Luftwaffe. Le procès se déroula du 1er au 11 mai 1943 dans l’enceinte de la prison de Fresnes (Seine, Val-de-Marne), dans un baraquement voisin des cachots, côté château d’eau. Les officiers allemands qui s’étaient fait berner par les accusés se tenaient derrière la Cour qui était présidée par un colonel. Selon l’acte d’accusation, 4 000 plans de toutes natures étaient passés entre les mains d’Henri Brunet. Le tribunal ne manqua pas de relever « l’incompréhensible insouciance des autorités militaires allemandes ». Mais cela ne fut pas retenu comme circonstance atténuante : « les aveux de l’accusé Brunet sont complets. Il a déclaré qu’il a toujours espéré que la France reprendrait le combat. Aussi, dans cette attente, il ne s’était jamais considéré comme démobilisé et il s’était promis de continuer à combattre pour son pays ». Henri Brunet tenta de tirer argument de la grave méningite qui l’avait affecté en 1940 pour arguer qu’elle l’avait empêchée « d’envisager les conséquences que pouvait avoir son activité ». Mais le 11 mai 1943, il fut condamné à mort avec cinq de ses co-accusés (Robert Jeanne, Louis Esparre, Pierre Doucet, Suzanne Speisser et Cécile de Majo-Durazzo) tandis que les trois autres se virent infliger des peines d’emprisonnement. Henri Brunet retomba gravement malade, ce qui conduisit à la suspension de la sentence le concernant le 27 mai 1943, dans l’attente d’une expertise médicale. Tandis que Paulette Brunet multipliait les démarches pour tenter d’obtenir la vie sauve pour son mari, les médecins conclurent à une diminution de sa responsabilité personnelle. Le 18 septembre, le recours en grâce fut pourtant rejeté définitivement. Deux jours plus tard, il fut exécuté au stand de tir de Balard. Ses trois camarades de combat Esparre*, Jeanne* et Doucet* avaient été fusillés au Mont-Valérien le 28 mai 1943.
À la Libération, Henri Brunet fut fait chevalier de la Légion d’honneur et reçut la Médaille de la Résistance au titre du réseau Turma-Vengeance et du SR Air 40. Il repose à Authie (Calvados) dans la sépulture Renouf-Cornu. À Caen, une rue et un groupe scolaire portent son nom. Il figure également sur la plaque apposée à Paris avenue de la Porte-de-Sèvres à la mémoire des 146 fusillés du stand de tir de Balard aujourd’hui détruit, et sur celle des morts pour la France située dans la cour de l’Hôtel de Ville de Caen. Il est également inscrit sur le mémorial 1939-1945 des services spéciaux de la Défense nationale à Ramatuelle (Var).
Sources

SOURCES : Général Jean Bézy, Le SR Air, France-Empire, 1979. – Amicale des Anciens des Services spéciaux de la Défense nationale, Livre d’Or du Mémorial de Ramatuelle 1939-1945, 2005. – Colonel Rémy, Mémoires d’un agent secret de la France Libre, éd. Raoul Solar, 1946. – Mémorial GenWeb. — Thierry Marchand, Résistance et espionnage, les pionniers du Service de renseignement de l’armée de l’air en Normandie, op. cit.

Iconographie
ICONOGRAPHIE : Livre d’Or du Mémorial de Ramatuelle 1939-1945, édité par l’Amicale des Anciens des Services Spéciaux de la Défense Nationale, 2005.

Jean-Pierre Ravery

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