Né le 3 juillet 1914 à Paris (XIIIe arr.), fusillé comme otage le 30 avril 1942 au champ de tir de Biard près de Poitiers (Vienne) ; militant communiste de Cachan (Seine, Val-de-Marne) ; clicheur au journal Paris-Soir.

René François était le fils de Victor, René François (né le 20 février 1890 à Paris) mouleur en cuivre et de Berthe Perrigny (née le 27 avril 1890 à Paris) tapissière, tous deux domiciliés 52 rue Stendhal dans le XIIème arrondissement de Paris. Son père fut mobilisé le 3 août 1914 et fit la première guerre mondiale dans des régiments d’artillerie, démobilisé en août 1919. après avoir vécu à Paris, la famille déménagea en 1926 à Arcueil (Seine, aujourd’hui Val de-Marne). René François se maria à la mairie d’Arcueil le 24 janvier 1938 avec Emélie Ravier (1916 – 2010). A la veille de la guerre, marié et père d’un enfant, un fils prénommé Claude, René François résidait à Cachan (Seine, Val-de-Marne). Il était alors clicheur au journal Paris-Soir où il était délégué syndical. Il était également communiste.
D’après Paul Chauvet, il serait entré dans la clandestinité dès 1940.
René François fut arrêté dans la nuit du 30 avril au 1er mai 1941 en flagrant délit de propagande communiste et de distribution de tracts par des gardiens de la paix du commissariat de police de la circonscription de Gentilly (Seine, Val-de-Marne). Il fut, dès le lendemain, interné à la prison de la Santé (Paris). La 12e chambre du tribunal correctionnel de Paris le condamna le 3 mai 1941 à six mois de prison pour infraction au décret du 26 septembre 1939. Il fut transféré à la prison de Fresnes (Seine, Val-de-Marne).
À l’expiration de sa peine, le préfet de police de Paris prononça son internement administratif. Le 17 septembre 1941, il fut transféré dans le centre de séjour surveillé de Rouillé (Vienne).
Un train de permissionnaires allemands reliait régulièrement Maastricht (Allemagne) à Cherbourg (Manche) en passant par Caen (Calvados). Le 16 avril 1942 vers trois heures du matin, des résistants communistes le firent dérailler à hauteur d’Airan près de Moult-Argences (Calvados). Vingt-huit marins furent tués, dix-neuf autres blessés. Un nouvel attentat eut lieu au même endroit dans la nuit du 30 avril au 1er mai, dix soldats périrent, il y eut vingt-deux blessés.
Dès le 21 avril 1942, le commandant en chef des forces d’occupation en France et chef de l’administration militaire Karl Heinrich von Stülpnagel dressa une première liste de trente otages juifs et communistes à fusiller en représailles à l’attentat contre le « SF-Zug 906 » (le train 906).
René François fut désigné otage avec cinq autres camarades du camp de Rouillé Fernand Bréant, Pierre Déjardin, Bernard Grinbaum, Isidore Pentier, Maurice Veldzland. Le peloton d’exécution les fusilla sur le champ de tir de Biard le 30 avril 1942.
Son corps fut transféré après la guerre à Arcueil où il repose depuis lors dans le carré des corps restitués du cimetière municipal d’Arcueil.
Il obtint la mention mort pour la France et son nom est inscrit sur le monument aux morts d’Arcueil. Il figure également sur le monument commémoratif de Cachan et sur une plaque commémorative placée 37 rue du Louvre dans le IIème arrondissement de Paris : « Pour la liberté et les droits de l’homme, août 1989 - Les travailleurs de la SIRLO, 45e anniversaire de la Libération de Paris" (La SIRLO étant la société d’imprimerie fondée en 1934 par le groupe Beghin et située rue du Louvre où elle abrita dans ses locaux Paris soir jusqu’en 1944, puis L’Humanité jusqu’en 1953). Dans la Vienne, son nom est inscrit sur le monument érigé à la mémoire des 128 fusillés sur le champ de tir de Biard, inauguré le 8 mai 1949.
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Dernière lettre
 
Ma très chère petite femme,
 
Cette lettre sera la dernière, ma pauvre chérie, je serai fusillé dans deux heures, c’est-à-dire à 11 heures, par représailles : deux soldats allemands ont été assassinés il y a quelques jours. Je ne suis pas triste de mourir, pourquoi m’en faire pour moi, c’est un petit moment à passer ; sois sûre que jusqu’à la dernière minute je serai digne ; que cela te suffise d’être fière de moi. Cependant, je quitte cette vie en pensant surtout à vous, à toi, ma chérie, que j’ai tant aimée.
 
Nous aurions pu vivre une vie heureuse, le sort ne l’a pas voulu. Ne regrettons rien. Je m’excuse, sur mes lettres, de t’avoir écrit que nous retrouverions le bonheur ; je mentais et le savais, je me doutais de cette fin. Ne m’en veux pas. À quoi bon t’avoir, fait-partager mes soucis...
 
Tu pourras te remarier et trouver avec un autre homme ce que je n’ai pu te donner.
 
Mais un conseil : ne perds pas une occasion d’être heureuse. A tous moments, je pense aussi à notre cher petit Claude, qui va être orphelin.. Je l’aimais comme un vrai papa, je le jure ; j’aurai voulu le voir grandir, le guider. Cela ne peut être. Je te demande de faire pour lui ce que j’aurais pu faire moi-même ; rends-le heureux, parle-lui aussi beaucoup de moi, qu’il sache qu’il n’a pas à rougir de son papa. Tous mes souhaits de bonheur vont vers lui.
 
Je pense aussi à ma chère maman. Fais-lui comprendre que je ne suis pour rien dans ma fin, qu’il s’accomplit une chose normale, qu’il y a des millions d’hommes et que je n’en suis qu’un. Je vais lui écrire un mot, d’ailleurs. li faut donc que, malgré la perte que je vous occasionne dans vos cœurs, vous viviez. Ne faites rien pour attenter à votre vie, promettez-le moi...
 
Ce n’est qu’un dur moment à passer. Après, la vie continue, et elle sera belle, j’en suis persuadé...
 
J’ai devant moi vos photos et j’écris en vous regardant. Ces photos sont pleines de vie ; demeurez comme cela. Ma chérie, je te quitte en te laissant bien des soucis, dettes, etc. Je sais que tu es brave et que tu sauras remonter le courant. Courage, donc, courage devant la vie ; elle est dure, mais il y a de bons moments, crois-moi. Tu verras mes camarades, mes amis tu leur diras que j’ai pensé à eux, qu’ils aient un bon souvenir de moi et qu’ils aient du courage eux aussi devant cette vie. Je pense à mon frère, j’emporte un mauvais souvenir de lui, mais qu’il soit heureux, lui et sa famille. Je vais rejoindre mon père.
 
II paraît qu’on est bien là-haut...
Mes dernières pensées vont vers vous ; crois bien que je vous ai aimé de toutes mes forces. Je serai courageux et l’annonce de notre condamnation nous a tous (car nous sommes six) laissés flegmatiques devant cet arrêt. Je ’aurais jamais cru que ce cap fût si facile à passer. Mon amour, je termine en te disant adieu. Du courage ; reporte ton amour que tu avais pour moi sur notre enfant ; fais-en un homme, j’ose dire digne de son papa.
 
Sois bonne avec ma mère, elle a toujours été très bonne pour moi. Je souhaite à toi, mon petit Claude, Jeannette, Pierrot et leur petit Jeannot, beaucoup de bonheur Je vais mourir en brave. Je vous envoie à tous et à toi et Claude particulièrement mes derniers baisers.
 
Ton mari, ton papa, mon cher petit Claude.
 
FRANÇOIS
P.S. .- Je te laisse 95 francs, des photos et papiers, stylo et porte-mine. Il est 10 heures et demie ; encore une demi-heure...
 
Je fume ma dernière pipe.
Sources

SOURCES : SHD Caen AVCC, Cote AC 21 P 451 744 et Service historique de la Défense, Vincennes GR 16 P 233481 (nc). — Arch. Dép. Vienne, 109W386 à 395. — Arch. Dép. Seine (état civil, registre matricule) — Au nom de la Résistance, hommage aux 128 fusillés, coll. Centre régional « Résistance & Liberté » et MIMC Office national des anciens combattants Vienne, Poitiers, 2013. — Dernière lettre communiquée par la FILPAC. — Paul Chauvet, La Résistance chez les Fils de Gutenberg dans la Deuxième Guerre mondiale, Paris : à compte d’auteur, 1979. — Mémoire des hommes — Mémorial genweb.

Virginie Daudin, Michel Thébault

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