Né le 26 janvier 1912 à Taillette (Ardennes), mort fusillé, le 27 juin 1944, à Castelmaurou (Haute-Garonne) ; instituteur ; cadre des Compagnons de France ; dirigeant de Compagnons de France dans les Pyrénées-Orientales ; résistant, membre de plusieurs réseaux et de l’ORA des Pyrénées-Orientales.

Pierre Cartelet (1912-1944)
Pierre Cartelet (1912-1944)
Cliché : X
Fusillés de la Reulle
Fusillés de la Reulle
En septembre 1944 des soldats allemands sont chargés de déterrer les corps des fusillés du 27 juin 1944. Plusieurs cadavres resteront non identifiés jusqu’aux analyses par ADN en 2012.
Pierre Cartelet étudia à l’école normale d’instituteurs de Charleville-Mézières (Ardennes). Il demeura célibataire.
Mobilisé en 1939, il fut fait prisonnier en juin 1940. Par la suite, il parvint à s’évader du stalag XII A après plusieurs mois de captivité. Il s’enrôla aux Compagnons de France, organisation initialement très « maréchaliste ». Affecté dans les Pyrénées-Orientales, il fut nommé chef du secteur de Thuir puis de celui de Perpignan des Compagnons, il devint ensuite le chef départemental. Il s’appuyait sur des structures implantées à Perpignan (« La Roseraie », au Bas Vernet), Thuir, Prades (localités qui hébergeaient des Compagnons) et Vernet-les-Bains (où fut créé un Centre de formation pour les jeunes). Il convient de noter ici que huit jeunes en formation dans les centres de Prades et de Vernet requis pour le STO gagnèrent les rangs du maquis FTPF (Francs tireurs et partisans français) « Henri Barbusse ».
En accord avec ses chefs, il participa à la Résistance dans les Pyrénées-Orientales. Il fut une des chevilles ouvrières du réseau « Bourgogne » –dont le principal animateur était Jean Olibo– qui était chargé d’organiser des passages en Espagne, en particulier ceux d’aviateurs alliés abattus au dessus du territoire français. Dès octobre 1942, il était en contact avec Mme Le Chasseur, résistante, éducatrice au centre « Al Sol », au Bas Vernet qui accueillait des jeunes filles réfugiées et à Notre-Dame-des-Anges à Espira-de-l’Agly. Il permit le passage de plus deux cents aviateurs. Il était, en janvier 1944, en contact avec un autre compagnon, de Haute-Savoie, Charles Blanc, qui dans le cadre de la même filière, convoyait jusqu’à Perpignan, avec sa femme Laurence, des candidats au passage en Espagne. Cartelet participait également, avec le Savoyard Charles Blanc et Mahé de Boislandelle, aux activités du réseau « Alliance » (sous-réseau « Druides », issu, précisément des Compagnons de France) qui recoupaient en grande partie celles de « Bourgogne ». Il en fut l’organisateur dans les Pyrénées-Orientales, mettant à profit ses fonctions dirigeantes chez les Compagnons. Dans le cadre de ces réseaux, Pierre Cartelet fournit également des renseignements militaires aux Alliés. Cette filière rassemblait sept cadres des « Compagnons de France », parmi lesquels Coste, Tixador, Ladet, Fraguier, Louis Mahé de Boislandelle, Martin et Rolland. Ils étaient en liaison avec le sous-préfet de Prades, René Debia (à l’ORA et à l’AS). Le courrier qu’ils convoyaient deux fois par semaine allait à Barcelone par les Albères ou la Cerdagne.
Pierre Cartelet, avec d’autres responsables départementaux des Compagnons comme Louis Mahé de Boislandelle, intégra, en janvier 1943, l’ORA (Organisation de Résistance de l’Armée, initialement et jusqu’au printemps de 1944, OMA : Organisation métropolitaine de l’Armée) après sa formation dans les Pyrénées-Orientales par le colonel Joseph Guillaut et le commandant François Puig en août 1943.
Après l’arrestation à Perpignan de Charles Blanc et de sa femme Laurence, le 27 janvier 1944, Pierre Cartelet prit en charge quinze aviateurs américains que le couple de résistants savoyards avait recueillis et leur fit franchir la frontière. Il récupéra ensuite les papiers de Charles Blanc cachés par des amis. Le 2 mars, il savait que la police allemande l’avait repéré ainsi que l’un des membres du réseau. Il refusa de passer an Espagne, comme ce dernier, prétextant qu’il était célibataire et n’avait pas charge de famille. Il voulut poursuivre la lutte clandestine. Condamné à mort par contumace, il quitta Perpignan pour Toulouse (Haute-Garonne) où il entra à nouveau en contact avec l’ORA. Arrêté, il fut incarcéré à la prison Saint-Michel de Toulouse d’où il fut extrait, avec d’autres résistants par les SS et transporté dans le bois de la Reulle, entre Castelmaurou et Gragnague, au nord-est de Toulouse. Le 27 juin 1944, il fut exécuté, avec ses compagnons par des SS commandés par le sous-lieutenant Anton Philipp. Pendant longtemps le lieu de son exécution demeura incertain. Ce fut une association de citoyens de Castelmaurou et de Gragnague présidée par Georges Muratet, cheminot à la retraite qui décida d’identifier grâce à des analyses ADN effectués sur des personnes que l’on supposait être apparentées à de possibles fusillés de la Reulle parmi les cinq dont l’identité demeurait inconnue. Après ceux de Charley de Hepcée et ceux de Marcel Joyeux, les restes de Cartelet furent identifiés en 2014 grâce à la comparaison de son ADN avec celui de sa mère, Zélia Jacquemin enterrée à Tournes (Ardennes). Le neveu de Pierre Cartelet, Jean-Louis Pilon, de Sedan (Ardennes), autorisa l’exhumation du corps de Zélia Jacquemin afin de procéder à la comparaison de son ADN avec celui de Pierre Cartelet. Celui-ci fit donc partie des quinze fusillés de bois de la Reulle à Castelmaurou (Haute-Garonne). Le 9 décembre 2014, Magali Mirtain, maire de Castelmaurou et Jean-Michel Peltier, procureur adjoint de Toulouse signèrent officiellement l’acte de décès de Pierre Cartelet. Cette signature donna lieu à une cérémonie qui rendit hommage à Cartelet et aux quatorze autres fusillés du bois de la Reulle. Cartelet était avec Joseph Guillaut et Noël Pruneta l’un des trois membres de l’ORA de la R3 ayant des activités clandestines dans les Pyrénées-Orientales fusillés à Castelmaurou.
Pierre Cartelet avait été arrêté à Toulouse (Haute-Garonne) le 11 mai 1944 avec d’autres cadres de l’ORA de la Haute-Garonne et des Pyrénées-Orientales (le colonel Joseph Guillaut*, et Noël Pruneta*, originaire de Mont-Louis). Incarcéré, il fut torturé. Lorsqu’on vint le chercher, il déclara à son camarade de cellule : « C’est la fin. On vient me chercher, si tu en sors tu diras à mes chefs comment je me suis conduit. Tu leur diras que je n’ai livré aucun nom ».
Le centre des Compagnons de Vernet-les-Bains devint après la Libération un Centre d’apprentissage (futur Collège d’enseignement technique, aujourd’hui disparu et remplacé par l’École hôtelière de l’ALEFPA et son restaurant d’application « Comte Guifred de Conflent ») : il reçut, grâce à Louis Mahé de Boislandelle, le nom de « Pierre Cartelet ». Une rue de Perpignan dénommée précédemment rue Pont de Guerre porte son nom depuis 1944 et conserve sa mémoire. Son nom figure sur les listes du « Mémorial de la résistance ardennaise » de Berthaucourt (Ardennes), près de Charleville-Mézières. Son nom figure également sur une plaque commémorative de l’ancienne École normale d’instituteurs de Charleville-Mézières, aujourd’hui collège Arthur Rimbaud. Il a été rajouté à la liste des fusillés du 27 juin 1944 figurant sur le monument commémoratif du bois de la Reulle.
Voir : Lieu d’exécution : Castelmaurou (Haute-Garonne), fusillés sommaires du Bois de La Reulle (ou Reule)
Oeuvres

ICONOGRAPHIE : GUAL & LARRIEU, op. cit., p. 448, p. 961.

Sources

SOURCES : André Balent, « Cartelet (Pierre) », notice biographique in Nouveau Dictionnaire de biographies roussillonnaises, Tome I 1, Pouvoirs et société (1789-2011), Perpignan, Publications de l’Olivier, 2011, pp. 230-231. — Ramon Gual & Jean Larrieu, Vichy, l’occupation nazie et la Résistance catalane, II a, Els Alemanys (fa pas gaire) temps, Prades, 1996, p 124. — Ramon Gual & Jean Larrieu, Vichy, l’occupation nazie et la Résistance catalane, II b, De la résistance à la Libération, Prades, Terra Nostra, 1998, p. 430, 444, 447-448, 741, 743, 824, 920, 960, 961, 964. — Jean Larrieu, Vichy, l’occupation nazie et la Résistance catalane, I, Chronologie des années noires, Prades, Terra Nostra, 1994, pp. 154, 241, 274, 300. — Emmanuel Haillot, "L’identité retrouvée du résistant inconnu", La Dépêche, 20 septembre 2014. – Philippe Lecler, Le temps des partisans suivi du Mémorial de Berthocourt, la Résistance et sa répression dans les Ardennes, Langres, Dominique Guéniot, 2009, 191 p. — Josep Marsal i Moncasi, Records d’un antifeixista català, Saint-Génis-des-Fontaines, Cercle Alfons Mias, 2000, 36 p. — George Millar, Horned pigeon, Londres, Pan books Ltd, 1970, 351 p. [pp. 311-314, 320-323] (1e édition, Londres, Wm Heinemann Ltd, 1947). — Le Républicain, Perpignan, 24 septembre 1944 ; 10-11 décembre 1944. — Jeunesse du Roussillon, bimensuel, Perpignan, 10 novembre 1944. — "Bois de la Reulle : acte officiel de décès de Pierre Cartelet", article non signé, La Dépêche, 16 décembre 2014. —http://ardennetiensferme.over-blog.com/article-1014426.html (consulté le 31 décembre 2009). —http://www.memorial-genweb.org/~memorial2/html/fr/resultcommune.php ? (consulté le 31 décembre 2009). — Informations orales communiquées par Didier Bigorgne, janvier et février 2010. — Courriel de Jean-Daniel Gaudais, du groupe de recherches des fusillés du bois de la Reulle Castelmaurou Gragnague, 21 septembre 2015.

André Balent

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