Né le 13 novembre 1900 à Châtellerault (Vienne), fusillé après condamnation à mort le 19 juin 1943 sur le champ de tir de Biard près de Poitiers (Vienne) ; ajusteur à la Manufacture nationale d’armes de Châtellerault ; résistant de l’Organisation spéciale (OS) et FTPF.

Robert Gaillard était le fils d’Auguste, Éloi Gaillard âgé de 49 ans, armurier à la Manufacture nationale d’armes de Châtellerault et de Marie, Valentine Brégeon âgée de 36 ans, couturière, domiciliés 44 boulevard d’Estrées. Il fut orphelin très jeune suite au décès de ses parents en 1909 à quelques mois d’intervalle. Sa mère mourut à l’âge de 45 ans le 5 février 1909 alors qu’il n’avait que 8 ans et son père le 20 novembre 1909 à l’âge de 58 ans. Il s’engagea dans l’armée le 10 septembre 1918 à la mairie de Châtellerault. Il était alors armurier à la Manufacture et demeurait rue de Tivoli. Il s’engagea volontairement pour la durée de la guerre dans le 4ème Régiment de Zouaves. A la fin du conflit, deux mois plus tard, il se réengagea pour 4 ans toujours dans un régiment de zouaves. Il fut envoyé au Maroc d’avril 1919 à mai 1921 et libéré de ses obligations militaires le 9 septembre 1922. Revenu à Châtellerault, il s’y maria le 6 août 1924 avec Thérèse, Louise, Germaine Potet. Le couple eut un enfant, un fils prénommé Jean, Robert, Auguste né le 17 mai 1928 à Châtellerault. En août 1939, il s’installa à Naintré, à La Montée Rouge. Il travaillait toujours comme ajusteur à la Manufacture nationale d’armes de Châtellerault, et ne fut pas mobilisé dans l’armée en septembre 1939, classé affecté spécial au titre de son travail.
La Manufacture nationale de Châtellerault, placée sous une double direction franco-allemande et contrainte de produire pour la machine de guerre allemande, abrita le premier embryon de résistance châtelleraudaise. Dès l’automne 1940, une minorité d’employés – environ une quarantaine s’engagèrent contre l’occupant. Robert Gaillard s’engagea dans la Résistance rejoignant l’Organisation spéciale (OS) puis les FTPF de Châtellerault. Avec Camille Blanzat, Eugène Pinaud, Maurice Bourgois, Didier Boizier, Fernand Marit et ses deux frères, il structura l’OS dès octobre 1940 à la Manufacture nationale d’armes. Dans le dossier d’homologation des formations FFI au SHD Vincennes (op. cit.) Robert Gaillard apparaît dans la liste des membres entre octobre 1940 et décembre 1942 comme chef du 1er groupe, secteur Nord. Il fut aussi responsable technique des FTPF de Châtellerault à partir de 1941. Si l’information clandestine constitua leur activité première, ils effectuèrent aussi des sabotages, des collectes de fonds pour les familles d’internés, sans oublier les actes de résistance passive à portée d’un nombre plus conséquent d’ouvriers. Il fut un des acteurs de la grève du 26 novembre 1942. Face aux réquisitions de main-d’œuvre toujours plus pressantes pour aller travailler en Allemagne, la fronde monta à la « Manu ». Le 26 novembre 1942, 80 % des ouvriers de la « Manu » débrayèrent. Réunis à l’extérieur, ils entonnèrent la « Marseillaise ». Éliane Devergne, usineuse à la plaque à l’atelier 39, se souvient : « Profitant de la cohue à l’affichage des listes, l’un d’entre nous coupe le courant. C’est le signal. Dans chaque travée, un ou deux camarades entraînent les ouvriers vers la sortie. [...] C’est formidable [...] Nous sommes près de 2 500 dans la cour [...] De toutes les poitrines une vibrante ``Marseillaise’’ résonne. Nous sommes devant les bureaux de la direction française et allemande. On nous y attend armé et menaçant. [...] Nous parlementons [...] Nous donnons l’ordre de dispersion [...]. La liste suivante de requis fut réduite de trente noms. »
Robert Gaillard participa à de nombreuses actions de sabotage sur la ligne de chemin de fer Paris-Bordeaux dans le secteur de Châtellerault.
Arrêté le 17 février 1943 par la Gestapo avec Roger Aubugeau alors qu’ils travaillaient à la « Manu », ils furent incarcérés à la prison de la Pierre-Levée (Poitiers, Vienne) jusqu’à leur exécution. Condamné à mort par le tribunal militaire allemand de Poitiers (FK 677) le 16 juin 1943, il a été fusillé sur le champ de tir de Biard le 19 juin 1943 avec quatre autres camarades, Pierre Tavernier, Eugène Roux, Jean Chiquet et Roger Aubugeau. Fait exceptionnel, les autorités d’occupation diffusèrent dans la presse locale l’avis d’exécution de ces hommes. Son décès donna lieu à un acte sur le registre de Châtellerault le 28 octobre 1943 ainsi libellé : « est décédé le 19 juin 1943 à Biard, victime des événements de guerre ». Il fut d’abord inhumé avec Pierre Tavernier dans le cimetière de Buxerolles (Vienne). Son corps, avec celui de ses sept camarades de la Manu fusillés sur le champ de tir de Biard, fut rapatrié dans le carré des fusillés (Rang 1, tombe 6) dans le cimetière de Châteauneuf à Châtellerault par la section du Parti communiste le 10 novembre 1944. Le 30 novembre 1944 furent célébrées des funérailles officielles.
Il obtint la mention mort pour la France par décision du 3 octobre 1947, fut homologué FFI et obtint le statut Interné-Résistant (DIR). Il reçut à titre posthume la Médaille de la Résistance par décret du 31 mars 1947. Son nom est inscrit sur le monument aux morts de Naintré, sur le monument érigé à la mémoire des 128 fusillés sur le champ de tir de Biard, inauguré le 8 mai 1949, et sur le monument des martyrs de la Résistance à Châtellerault. Une rue porte son nom à Châtellerault.
Dans sa cellule, après l’annonce du verdict, Robert Gaillard rédigea sa dernière lettre, adressée à sa femme et à son fils :
La Pierre-Levée, le 16 juin 1943.
Ma chère Thérèse, mon cher enfant,
Ici, il te faudra du courage, beaucoup de courage. L’on vient de me juger. Drôle de jugement qui est une exécution. Nous sommes condamnés à mort, Aubugeau, Chiquet, Tavernier, Roux et moi. J’ai du courage, mais toi il faudra en avoir davantage pour élever Jean dans le droit chemin. [...] Que mon frère t’aide, il le peut, écris-lui... Tu te feras remettre mes affaires. Toi qui es la seule chose que j’aurais connue de bon dans cette vie, je t’aimais comme tu ne peux pas l’imaginer. Je te regrette ainsi que mon fils Jean. Tu es jeune ; si tu veux refaire ta vie n’hésite pas. Dis à Georges de Tours tout ce qui s’est passé, il t’aidera de ses conseils. Élève Jean comme il doit être élevé. Quant à toi mon cher Jean, aime ta mère plus que jamais. Souviens-toi ne l’abandonne jamais. Adieu mes chers êtres adorés, puisse l’avenir vous sourire, pensez à moi quelques fois et je pourrai mourir tranquille.
Sources

SOURCES : SHD AVCC, Caen. Cote AC 21 P 452 995 et SHD Vincennes GR 16 P 239027 — Mémoire des hommes, dossiers d’homologation des formations FFI, groupe FTPF Châtellerault GR 19 P 86/44 — Arch. Dép. Vienne, 1921W8 et état civil, registre matricule, recensements — Marie-Claude Albert, Châtellerault sous l’Occupation, Geste Éd., 2005. — Au nom de la Résistance, hommage aux 128 fusillés, coll. Centre régional « Résistance & Liberté » et MIMC Office national des anciens combattants Vienne, Poitiers, 2013. — Site Internet Vienne Résistance Internement Déportation, Arch. FNDIRP 86. — Mémoire des Hommes — Mémorial genweb.

Virginie Daudin, Michel Thébault

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