Né le 3 janvier 1898 à Paris (Xe arr.), guillotiné le 23 juillet 1942 dans la cour de la prison de la Santé à Paris (XIVe arr.) ; ajusteur, garçon de bureau ; militant communiste ; résistant FTPF.

Henri Meunier
Henri Meunier
Fils de Lucien, monteur en bronze et d’Henriette, née Pierrard, Henri Meunier demeurait 77 rue Monge à Paris (Ve arr.). Titulaire du CEP, il exerça la profession d’ajusteur sur métaux, il était connu des Renseignements généraux depuis 1936 où il se montra « particulièrement convaincu des théories révolutionnaires. » Il adhéra au Parti communiste en 1936, milita six mois dans une cellule du Ve arrondissement, fut exclu.
Affecté spécial en 1940 à la Société nationale de constructions aéronautiques du centre (SNCAC) ex. Farman à Boulogne-Billancourt (Seine, Hauts-de-Seine), requis le dimanche 19 mai 1940, il ne s’était pas présenté au travail. La police l’arrêta le 21 mai 1940 pour « refus de travail ». Probablement licencié, il trouva un emploi de garçon de bureau au service des laissez-passer à l’annexe de la préfecture de la Seine, au 50 rue Turbigo à Paris.
Il rencontra un militant communiste qu’il avait connu. Á sa demande celui-ci le mettait en contact avec « Simon », Henri Meunier accepta de participer à l’action clandestine. Il rencontra un homme vêtu d’un ciré noir qui lui demanda de participer à une manifestation organisée le dimanche 31 mai par le Parti communiste rue de Buci. Il le prévint qu’il risquait d’« y avoir de la bagarre et que des arrestations auraient probablement lieu. » Henri Meunier aurait reçu pour mission « d’empêcher ces arrestations en tirant sur les gardiens qui ne pouvaient manquer d’intervenir et en gênant les poursuivants éventuels. »
Le 31 mai 1942 vers 10 heures 30 le parti communiste organisait une manifestation de ménagères devant le magasin « Eco » situé au 77 rue de Seine à l’angle de la rue de Buci, (VIe arr.) Des tracts signés « Un groupe de ménagères du 6e arrondissement » étaient jetés à la volée avec en titre « Écoutez-nous ! ». L’accent était mis sur les difficultés d’approvisionnement, la cherté de la vie et sur la nécessité d’agir « Si nous élevons la voix davantage nous obtiendrons davantage. Mieux, si nous nous mettons en colère, on nous donnera satisfaction. […] Servons-nous nous-mêmes. Nos enfants ont faim, cela passe avant tout ». Madeleine Marzin, institutrice, militante communiste et d’autres militantes, confisquèrent des boîtes de sardines à l’intérieur du magasin « Eco » et les jetèrent vers la foule qui attendait à l’extérieur, puis elles prirent la fuite, l’une Marguerite Bronner perdit son sac à main.
Les évènements s’enchaînèrent très vite, André Dalmas, FTP qui protégeait la fuite des femmes poursuivies par des employés fut interpellé par des policiers. Conduit au poste de police de Saint-Germain des-Près, sur le parcours des FTP tentèrent de le libérer, une bagarre éclata, des coups de feu furent échangés, un brigadier et un gardien cycliste étaient tués, deux gardiens en civils et un inspecteur principal étaient blessés, dont l’un sérieusement. Des gardiens de la paix tentèrent d’interpeller Henri Meunier, il n’hésita pas, tira et prit la fuite…
Rentrant dans la rue de Seine, angle du boulevard Saint-Germain en bicyclette, un gardien de la paix remarqua « la population fuyant en criant, qu’il y avait un attentat de commis, comme les auteurs avaient l’air de se diriger vers la rue de Buci, j’ai fait demi-tour. »
Il en poursuivit un qui emprunta la rue Montfaucon et la rue Clément, jeta son arme qui s’était enrayée dans un garage. Rattrapé par le policier et par un gardien de la paix en civil sortant du 6 rue Clément, il a été maitrisé, l’arme a été retrouvée. Henri Meunier fut emmené au commissariat de Saint-Germain des-Près. Fouillé il était porteur d’un chargeur garni d’une seule douille calibre 7,65 mm percutée, une autre douille de même calibre était dans une poche. il assura qu’il « ne se souvenait pas l’avoir en sa possession ».
Son domicile du 77 rue Monge a été perquisitionné, furent saisis : deux feuillets sur l’étude de la langue russe, un dictionnaire franco-russe, un cahier de notes sur son internement au camp de Gurs. Il y eut une vingtaine d’arrestations dont des femmes : Madeleine Marzin, Marguerite Bronner, Jeanne Chauviré, Raymonde Vanden Branden, Norma Bléron, Louise Sézille de Mazancourt
Henri Meunier était emmené dans les locaux des Brigades spéciales à la Préfecture de police. Soumis à un interrogatoire musclé, frappé à de multiples reprises Henri Meunier déclara qu’il avait demandé à Raymond Estrade de l’accompagner, il affirma qu’il « n’était pas venu spécialement pour prendre part à l’opération. » Il affirma qu’il ne connaissait ni André Dalmas ni Edgar Lefebure ni Marguerite Bronner, et n’avoir « jamais entendu parler de l’Organisation spéciale du Parti communiste. J’affirme que je n’en suis pas membre. J’ai seulement participé à l’action de ce matin. »
Dans un rapport rédigé après son évasion, texte saisi le 1er mars 1943 chez Julia Romain, Madeleine Marzin écrivit : « Meunier – Arrêté revolver en main. Terriblement battu. Il devint sourd d’une oreille et perdit un œil. Il tomba dans le coma et ce fut alors qu’on lui arracha des déclarations dont je n’ai pu avoir connaissance, mais qui permirent cinq arrestations dans le 5e (d’après ce que m’en dit à la Roquette Yvonne Chauviré qui se trouva assise à la P.J. à côté de la femme de Meunier) qui était employée auxiliaire au service des passeports à la Préfecture de Police. »
Le rapport du Service de l’identité judiciaire en date du 3 juin 1942 indiquait que l’arme utilisée par Henri Meunier ne tua ni blessa aucun policier le 31 mai rue de Buci, ni ailleurs.
Henri Meunier louait un box rue de la Clef dans le Ve arrondissement, les policiers perquisitionnèrent, une cinquantaine de brochures sur « L’Union soviétique » et « Gabriel Péri vous parle » ont été saisies ainsi qu’une boîte de stencils, il déclara aux policiers que les brochures lui furent remises par « Simon ». Quant aux stencils, il fit observer aux policiers que d’autres personnes utilisaient le box.
Quant au chargeur trouvé dans sa poche lors de la fouille, il « ne se souvenait pas l’avoir en sa possession ».
Le 5 juin 1942, l’Humanité clandestine saluait l’initiative de la rue de Buci : « Ménagères parisiennes, bravo ! » et lançait le mot d’ordre « Rien pour les boches, tout pour les français ! »
Le conseil des ministres du gouvernement de Vichy décida de faire comparaître les inculpés devant le tribunal d’État. Celui-ci prononça le 25 juin 1942 des peines extrêmement lourdes, il y eut cinq condamnations à mort  : Henri Meunier, Edgar Lefébure, André Dalmas, Pierre Benoît qui fut condamné à mort par contumace car il était en fuite et Madeleine Marzin dont la peine fut commuée en travaux forcés à perpétuité. Il y eut six condamnations aux travaux forcés à perpétuité : Raymond Estrade, Émile Sézille de Mazancourt et Marguerite Bronner prendront le chemin de la déportation.
Henri Meunier, André Dalmas et Edgar Lefébure furent guillotinés le 23 juillet 1942 dans la cour de la prison de la Santé, (XIVe arr.). Après l’énoncé du verdict « Tribunal d’assassins » était-il écrit dans l’Humanité (3 juillet 1942). Le tribunal d’État était soupçonné d’exécuter les ordres de la Gestapo, « Les juges paieront tous les crimes qu’ils ont commis pour le compte de l’ennemi », assura l’Humanité (7 août 1942).
Le dimanche 28 avril 1946, il y eut une cérémonie rue Jean-Dolent, devant la prison de la Santé, une plaque de marbre fut dévoilée : « Derrière ces murs 18 patriotes antifascistes furent exécutés sur les ordres d’un Gouvernement au service de l’ennemi ». Le nom d’Henri Meunier y figure. Quarante-huit heures plus tard, l’Humanité en rendait compte en page une, par une simple photographie légendée, en « l’honneur de 18 patriotes guillotinés ou fusillés ».
Le 14 juin 1947, le corps d’Henri Meunier et ceux de trois autres guillotinés : Jacques Woog, André Dalmas et Edgar Lefébure furent transférés et réinhumés face au carré des fusillés en présence des familles, d’associations et de Georges Marrane, maire d’Ivry-sur-Seine.
Voir Paris (XIVe arr.), prison de la Santé, 1941-1944
Sources

SOURCES : AN 4 W 6 rue de Buci. — Arch. PPo, BA 2056, BA 2128, BA 2297, BA 2299, GB 39 (rapport de Madeleine Marzin rédigé après son évasion), GB 98, PCF carton 13 activités communistes pendant l’Occupation. — AVCC, Caen, guillotiné B VIII dossier 3 (Notes Thomas Pouty). — L’Humanité clandestine, 5 juin 1942, 3 juillet 1942, 7 août 1942. — Le Matin, 1er juin 1942, 3 juin 1942, 4 juin 1942, 24 juillet 1942. — L’Humanité, 30 avril 1946. — État civil (Xe arr.).

Iconographie
Photographie : Arch. PPo. GB 184

Daniel Grason

Version imprimable