ADAM Alphonse, Marie
Né le 9 décembre 1918 à Schiltigheim (Bas-Rhin), fusillé suite à une condamnation à mort au fort Desaix à Strasbourg (Bas-Rhin) le 15 juillet 1943 ; étudiant à Strasbourg ; fondateur et chef du Front de la jeunesse alsacienne, homologué à la Résistance intérieure française (RIF) et Déporté et interné résistant (DIR).
Alphonse Adam
1942, pendant une expédition de passage de la nouvelle frontière dans les Hautes Vosges
Auparavant, il avait déjà participé à un réseau de passeurs de prisonniers de guerre évadés, ainsi qu’à la diffusion des tracts de Camille Schneider. En juin 1941, il décida avec son ami Robert Kieffer et quelques camarades étudiants de fonder un mouvement de résistance, auquel ils donnèrent le nom de Front de la jeunesse alsacienne. Il obtint le soutien de l’abbé Léon Neppel, curé doyen de Schiltigheim, au presbytère duquel les dirigeants se réunissaient tous les vendredis soir. Une de ses sœurs, Micheline Adam, employée à la section de la police administrative de l’administration civile d’Alsace, y copiait les documents secrets dont elle pouvait avoir connaissance. Elle avait aussi acquis un cachet officiel, ce qui permettait la fabrication de faux papiers. Au printemps 1942, un rassemblement clandestin des membres du groupe se tint au Mont Saint-Odile. En juillet 1942, Adam décida d’étendre son organisation en dehors du milieu universitaire, aux jeunes déjà entrés dans la vie active, ce qui permit de commettre des actions de sabotage dans les industries de guerre, tout en continuant l’aide à l’évasion des prisonniers de guerre, dont le rayon d’action s’étendit jusqu’à Munich (Allemagne). Après la publication de l’ordonnance du 25 août 1942 soumettant les Alsaciens au service militaire obligatoire dans l’armée allemande, dès le 30 août, le Front de la jeunesse alsacienne distribua dans les boîtes aux lettres du Grand-Strasbourg plusieurs milliers d’exemplaires d’un tract invitant les jeunes à s’opposer par tous les moyens à cette incorporation de force. Cette action, unique en Alsace, aurait mis le Gauleiter Wagner dans une rage folle. Informé de ce résultat par sa sœur, Adam devint encore plus téméraire : en septembre, il fit imprimer un manifeste appelant la jeunesse alsacienne à la lutte contre le nazisme. À la mi-décembre, un membre du groupe, Pierre Tschaen, fut arrêté par la Gestapo, puis relâché quelques jours plus tard : il avait probablement parlé. Un mois plus tard, la menace se précisa et les chefs de l’organisation recommandèrent aux militants de passer en Suisse ou en France non annexée. Adam, Kieffer et Schneider furent arrêtés par la Gestapo à leur descente du train à Waldshut (Bade) à la frontière suisse. Incarcéré et torturé à Strasbourg et au camp de Schirmeck, puis transféré à la prison de Bühl (Bade), il fut jugé, avec vingt-neuf de ses camarades, à partir du 6 juillet 1943 par le Volksgerichtshof de Berlin siégeant à Strasbourg sous la présidence du « juge sanglant » Roland Freisler. Sa citation souligne sa « tenue admirable pendant toute l’instruction et le jugement ». Il fut condamné à mort le 8 juillet 1943, ainsi que cinq autres membres de l’organisation. Alors que les condamnés à mort du procès Welschinger ne furent pas exécutés, le Gauleiter Wagner obtint de Berlin que la peine soit appliquée immédiatement en représailles aux manifestations patriotiques qui avaient eu lieu à Strasbourg le 14 juillet (drapeau tricolore hissé sur la cathédrale, distribution gratuite de vin rouge dans des cafés). Adam a été fusillé avec eux le 15 juillet 1943 à 5 heures du matin au stand de tir du fort Desaix à l’île aux Épis, à proximité du pont du Rhin. Il fut le seul des six à refuser de se voir bander les yeux. Les corps furent incinérés au crématoire de la Robertsau et les cendres furent jetées dans le canal de la Marne au Rhin tout proche.
Henri Frenay, ministre aux Prisonniers, Déportés et Réfugiés, lui remit le 10 juillet 1945 à Strasbourg la Médaille de la Résistance à titre posthume. Peu après, on lui décerna également la Légion d’honneur et la Croix de guerre avec palme. Le 15 juillet 1945, l’Alsace libérée ouvrit une souscription pour l’érection d’une plaque commémorative au stand Desaix. Le même jour, un office religieux à la mémoire des six fusillés fut célébré à l’église protestante Saint-Guillaume, puis une cérémonie se déroula sur les lieux de l’exécution en présence du commissaire de la République, du préfet et du maire. Une stèle, à proximité du pont de l’Europe, rappelle le souvenir des six fusillés (square des Fusillés du 15 juillet 1943).
SOURCES : Service historique de la Défense, SHD, Vincennes, GR 16 P 2694 (nc).— Strassburger Neueste Nachrichten, 16 juillet 1943. – L’Alsace libérée, 25 février, 10, 13-15, 16 juillet 1945. – Georges Foessel, notice Adam Alphonse du Nouveau Dictionnaire de biographie alsacienne, fascicule no 43, Strasbourg, 2004, p. 4435-4436. – Jean-Laurent Vonau, Le Gauleiter Wagner. Le bourreau de l’Alsace, Strasbourg, 2011, p. 54-55. – Walter Wagner, Der Volksgerichtshof im naionalsozialistischen Staat, édition augmentée, Oldenbourg Verlag, Munich, 2011, p. 461-464. – Dossier de textes, photos et documents réuni par Mireille Hincker, Le Front de la jeunesse alsacienne, 2006. – Strasbourg 15 juillet 2013, 70e anniversaire de l’exécution des 6 résistants alsaciens membres du Front de la jeunesse alsacienne. – Entretien avec sa sœur, Pélagie Simon, 6 janvier 2014.
Léon Strauss