Né le 11 avril 1901 à Bayeux (Calvados), fusillé le 31 mars 1942 au Mont-Valérien, commune de Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine) ; exploitant agricole ; résistant membre du réseau Action M ; maire de Lasson, au nord de Caen (Calvados).

Lucien Frémont
Lucien Frémont
Collection Jean Quellien
Lucien Frémont était le fils de Charles, magistrat, adjoint au maire de Caen. La famille Frémont résidait au château de Mondeville (Calvados). Sa scolarité se déroula à l’institution Notre-Dame de Bon Secours sur l’île de Jersey. Il rencontra et noua des liens d’amitié avec Philippe Kieffer futur Chef des Commandos de la France Libre.
Lucien Frémont, était marié, père de six enfants, il fut le plus jeune maire de France avant la guerre. Il était très impliqué dans la politique économique et agricole de son département, ce qui l’amena avec Jacques Le Roy Ladurie et quelques autres à constituer une Caisse agricole des dépôts et des prêts (CADP), elle était installée à la Maison du Paysan. Cette création était une réponse aux réticences et au blocage de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel dont le siège était à Lisieux.
Il adhéra au Parti social français (PSF) du colonel de la Rocque, puis au Comité secret d’action révolutionnaire, mouvement connu sous le nom de La Cagoule, créé par Eugène Deloncle en décembre 1935.
L’objectif de La Cagoule était de déstabiliser la République. Ce mouvement n’hésita pas à recourir aux actions violentes, le 23 janvier 1937, Dimitri Navachine était assassiné dans le bois de Boulogne ; le 9 juin 1937, les militants antifascistes italiens Carlo et Nello Rosselli étaient tués à Bagnoles de l’Orne (Orne). Une bombe explosait le 11 septembre 1937 devant le siège du Patronat au 4 rue de Presbourg dans le XVIe arrondissement, tuant deux gardiens de la paix. La Cagoule escomptait que cet attentat serait attribué au parti communiste. L’enquête policière établissait la responsabilité de l’organisation d’extrême-droite. Enquête au cours de laquelle Lucien Frémont fournit un alibi à Eugène Deloncle.
Lucien Frémont fut le représentant personnel du Comte de Paris (Courrier Royal), très lié depuis l’enfance avec Jacques Le Roy Ladurie, ils suivirent ensemble l’École Supérieure d’Agronomie d’Angers, ce dernier devint ministre de l’agriculture et du ravitaillement de Laval, rejoignit la Résistance en 1943 au sein de l’Organisation civile et militaire (OCM). Lucien Frémont s’impliquera dans les efforts de réorganisation du ravitaillement (culture de la pomme de terre et céréales dans la Plaine de Caen) et de l’élevage des chevaux de courses et demi-sang sélectionnés pour les sports équestres et les travaux agricoles.
Il fut un temps assez court membre du Mouvement social révolutionnaire (MSR) fondé par Eugène Deloncle en 1940. Ce qui n’empêcha pas d’aider dès 1940 des soldats britanniques et français à échapper à la capture, d’autres à s’évader. En 1941, il entra dans un réseau Action M chargé notamment d’héberger des aviateurs anglais, de fabriquer des faux-papiers. Il transmit des renseignements sur les effectifs du camp d’aviation de Carpiquet proche de son habitation. Début juillet 1941, il hébergea deux agents de la France Libre, Henri Labit et Jean-Louis Cartigny parachutés au-dessus de la région. Labit était légèrement blessé, Lucien Frémont l’hébergea quelques heures.
À la suite d’une dénonciation, la police Allemande fit irruption le 9 juillet 1941 à Lasson domaine du Marais, le blessé n’était plus là. Inculpé pour « intelligence avec l’ennemi », Lucien Frémont fut incarcéré à la Maison d’arrêt de Caen sous contrôle allemand. Il comparut le 29 juillet 1941 devant le tribunal 622 de la Feldkommandantur de Caen, était condamné à mort pour « aide à clandestins ». Sa demande de recours en grâce fut annulée du fait du motif de sa condamnation à mort. Le 23 mars 1942 il était transféré de Caen à la prison du Cherche-Midi à Paris VIe arrondissement, ce lieu de détention était administré par les Allemands. Eugène Deloncle demanda en vain aux Allemands d’accorder la grâce.
Détenu, mis au secret, Il eut un contact avec les siens par l’intermédiaire de l’aumônier militaire Allemand, l’abbé Franz Stock. Il écrira en prison un traité sur la reprise de l’agriculture en France après la guerre et un recueil de poésies.
Le 31 mars 1942, Lucien Frémont était passé par les armes au Mont-Valérien, inhumé au cimetière d’Ivry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne). L’abbé Stock fit passer à sa veuve un message écrit sur le lieu de son exécution. Une lettre d’adieu et de réconfort à ses administrés de Lasson et une lettre nominative à chacun de ses six enfants.
À l’annonce de sa mort un office religieux clandestin fut célébré à l’Église Saint-Jean de Caen, où une assemblée nombreuse y assista. Lucien Frémont fut décoré de la Légion d’honneur, à titre posthume, par le Général de Gaulle et honoré de décorations anglaises au titre de son activité dans le renseignement pour les anglais. Il a été homologué au titre des Forces françaises combattantes (FFC), et Interné résistant. Son nom figure sur le Mémorial de la prison du Cherche-Midi à Créteil (Val-de-Marne) et sur le Monument aux morts de Lasson.


L’abbé allemand Franz Stock l’évoque dans son Journal de guerre :
« Mardi 31.3.42
Lever 5 heures, 15 otages au Cherche-Midi (attentat du Havre). Arrivé à 6 heures du matin, une partie d’entre eux sont des Juifs du camp de Drancy, quelques communistes, et d’autres déjà condamnés par le tribunal militaire.
....
Lorsque j’arrivai à la maison (12h20), je trouvai un appel, 2 prisonniers doivent être exécutés, l’un à Fresnes, l’autre au Cherche-Midi. Déjeunai rapidement, partis pour Fresnes, préparai Lambard, bonne confession et communion, récitai la prère des mourants. Puis avec lui au Cherche-Midi, y prépara Lucien Frémont, bonne confession et communion ; originaire de Caen, y avait été condamnée à mort il y a 9 mois, aujourd’hui confirmée, avait hébergé des parachutistes français (de Gaulle) et les avait aidés à s’évader, 42 ans, 5 enfants, élevé chez les jésuites ; il donnait sa vie pour sa famille, sa foi et sa patrie. Nous priâmes ensemble, belle mort des deux (4 heures), surnaturelle. Juste avant de mourir Frémont glissa une image du Sacré-Coeur de Jésus dans la poche de son manteau, qu’il n’avait jamais abandonnée pendant la guerre et avec laquelle il voulait mourir. Lambard garda son chapelet jusqu’à la fin, me le remit. Enterrés à Ivry. Frémont : 39e div. 2e ligne, n°29. Lambard : 39 div. 1e ligne n°26. »
Sources

SOURCES : DAVCC, Caen, Fusillé Quellien Jean B VIII/Archives prison : carton 11, chemise 73, Liste S 1744-1460/41 (Notes Thomas Pouty). – Arch. Caen Résistance et mémoire. – Bureau Résistance GR 16 P 234663. – Site Internet Mémoire des Hommes. – Mémorial GenWeb. – État civil, Bayeux. – Franz Stock, Journal de guerre. Écrits inédits de l’aumônier du Mont Valérien, Cerf, 2017, p. 75.– Mémoires de Jacques Le Roy Ladurie, p. 117, Éd. Flammarion/Plon, p. 117. – Philippe Kieffer, coffret, Éd. Pierre de Taillac, p. 294. – Nos remerciements à Bruno et Catherine Frémont, descendants de Lucien Frémont.

Daniel Grason

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