HANLET Roger, Jacques, Emmanuel
Né le 4 décembre 1922 à Paris (XIe arr.), fusillé le 9 mars 1942 au Mont-Valérien, commune de Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine) ; porteur cycliste ; militant communiste ; résistant membre de l’Organisation spéciale (OS) appelée après la guerre Les Bataillons de la jeunesse.
Malgré l’interdiction du Parti communiste, Roger Hanlet participa à la diffusion de la propagande clandestine jusqu’à la première quinzaine d’octobre 1941. L’attaque de l’Union soviétique par les troupes nazies le 22 juin 1941 consacra la rupture du Pacte germano-soviétique et libéra les énergies militantes des militants communistes. La direction nationale décida progressivement de passer de la propagande à l’action armée. Le coup de feu de Pierre Georges, futur colonel Fabien, le 21 août 1941 au métro Barbès, qui tua l’officier allemand Alfons Moser, marqua un changement d’orientation de la direction nationale communiste clandestine, sans que le militant lambda en soit informé.
Treize policiers de la 1re Brigade mobile de la police judiciaire et un membre des Brigades spéciales, dirigés par un commissaire, étaient sur la piste de plusieurs membres des Bataillons de la jeunesse. À Nantes, le 20 octobre 1941, Guisco Spartaco dirigeait le groupe constitué de Marcel Bourdarias et de Gilbert Brustlein. Ce dernier tira, tuant le lieutenant-colonel Hotz, Feldkommandant de la ville.
Roger Hanlet participa à huit actions entre le 12 août et le 1er octobre 1941 en compagnie d’autres militants, tels Robert Peltier, Tony Bloncourt, Christian Rizo, Acher Semahya, Gilbert Brustlein, Pierre Milan, Jacques d’Andurain, Fernand Zalkinov, Conrado Miret-Muste, Jules Dumont, ex-colonel des Brigades internationales, et Fabien.
À Orry-la-Ville dans la nuit du 12 au 13 août 1941, vols d’outils servant à la réfection des voies ferrées ; le 21 août vers 23 h 20, attentat contre l’officier payeur Schoetz à la station de métro Bastille, l’homme ne fut pas atteint ; le 23 août 1941 à Goussainville ils étaient sept à tenter de saboter un poste de repérage d’avions.
Le 5 septembre vers 23 h 40, face au 11 avenue de Paris à Vincennes (Seine, Val-de-Marne), sept combattants incendièrent un camion allemand, causant des dégâts peu importants ; le 19 septembre vers 6 h 40, trois bouteilles inflammables furent lancées dans le garage Soga réquisitionné par les Allemands au 21 boulevard Pershing (XVIIe arr.). L’incendie fut immédiatement maîtrisé, ne fit pas de dégâts, un coup de feu fut tiré ; une dizaine de partisans participèrent à cette opération.
Le 1er octobre près de la gare de Lagny (Seine-et-Marne), des explosifs avaient été posés sur la voie ferrée, mais le dispositif d’allumage ne fonctionna pas. Les quatre hommes regagnèrent leur domicile sans problème. En octobre, incendie de hangars à fourrage appartenant aux Allemands à Jouy-le-Châtel (Seine-et-Marne) et vol de clés à tire-fond à la station de métro Cambronne.
Le 30 octobre 1941, des inspecteurs de la Brigade spéciale de la police judiciaire se présentèrent au domicile de Roger Hanlet. Des zones d’ombres subsistent sur les conditions dans lesquelles se déroula la perquisition du domicile. Dans sa chambre était bien en vue une photographie de Léon Frot, conseiller municipal communiste du quartier de La Roquette. Dans une boîte en bois placée sur la commode, les policiers trouvèrent un pistolet automatique de la Manufacture d’armes de Guernica avec son chargeur de dix cartouches ainsi qu’un revolver à barillet 6,35 mm contenant dix cartouches.
De sa propre initiative, sans contrainte, Roger Hanlet indiqua aux policiers l’endroit où des armes étaient cachées dans la cave. Les policiers tendirent une souricière au domicile : Pierre Milan et Acher Semahya se présentèrent, ils furent arrêtés. Fernand Zalkinov fut interpellé le lendemain et Robert Peltier le 1er novembre à Creil (Oise).
À la surprise des policiers, Roger Hanlet fut très prolixe. Lors des interrogatoires dans les locaux de la police judiciaire au 36 quai des Orfèvres, il reconnut sa participation aux attentats et ses conversations avec Gilbert Brustlein après l’attentat de Nantes. Les renseignements qu’il donna permirent l’interpellation de Christian Rizo. Une confrontation entre Hanlet et Rizo eut lieu le 26 novembre 1941 sur sa participation au vol d’outils à Orry-la-Ville. Ce dernier nia, puis, devant les précisions apportées par Hanlet, reconnut sa participation. Tous les membres du groupe furent incarcérés et mis au secret à la prison de la Santé.
Le journal collaborationniste Le Matin titra le 19 novembre : « Des terroristes auteurs d’attentats sont arrêtés. Mais un de leurs chefs, Gilbert-André Brustlein, est en fuite. C’est un devoir national que d’aider à sa découverte. » Dans le corps de l’article, sa photographie était ainsi légendée « Le bandit Brustlein ». Les nazis dénoncèrent un mythique complot « judéo-bolchévique ». Fernand Zalkinov, du fait de l’Occupation, n’eut pas la possibilité de poursuivre ses études, il devint par nécessité ouvrier fourreur. Il devint selon Le Matin « fourreur juif », un des chefs du groupe (20 novembre).
Le procès des sept des Bataillons de la jeunesse se déroula au Palais Bourbon du 5 au 7 mars 1942 face à un conseil militaire allemand qui leur imputa dix-sept attentats. Gilbert Brustlein, né dans le XIIe arrondissement, d’origine alsacienne, était présenté dans Le Matin comme un « Juif de Suisse, naturellement en fuite » donc dans l’esprit du rédacteur, Juif apatride et lâche (5 mars 1942). Albert Clément signa un article dans Le Cri du peuple avec en titre : « Les sept terroristes sont condamnés à mort. » Les sept hommes, âgés de dix-huit à vingt-sept ans, furent passés par les armes le 9 mars 1942 au Mont-Valérien.
Roger Hanlet fut inhumé dans le carré des corps restitués au cimetière parisien d’Ivry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne). Son frère Yvan, mis en état d’arrestation à titre de représailles, fut déporté dans le convoi politique du 6 juillet 1942 à destination d’Auschwitz (Pologne) ; il y mourut à une date inconnue.
Après la Libération, les inspecteurs et le commissaire de la police judiciaire comparurent devant la commission d’épuration de la police. Les parents de Roger Hanlet relatèrent son arrestation. La commission était présidée par Arthur Airaud, résistant, violemment frappé par des policiers des Brigades spéciales. Pour eux, il était inconcevable et inimaginable que Roger Hanlet eût parlé spontanément. Sa mère ignorait à cette date que son fils avait participé à des actions armées. Elle déclara : « Je ne peux croire que mon fils Roger était capable de se livrer à de tels actes. »
Roger Hanlet fut reconnu comme soldat FFI par le ministère des Anciens Combattants. Le 9 mars 2000 un hommage solennel fut rendu aux sept combattants, soixante ans après le procès du Palais Bourbon. Ils furent décorés de la Médaille militaire, de la Croix de guerre avec palme et de la Médaille de la Résistance à titre posthume. Laurent Fabius, président de l’Assemblée nationale, présida la cérémonie. Une plaque commémorative rappelle qu’ils sont « Morts pour la France ».
SOURCES : Arch. PPo., BA 1747, Carton 12 rapports hebdomadaires sur l’activité communiste, 77W 1519. – Archives. dep. Loire-Atlantique, 1694 W 16. - DAVCC, Caen, B VIII dossier 3 (Notes Thomas Pouty). – Le Matin, 19 novembre, 20 novembre 1941, 5 mars, 6 mars, 7 mars et 15 mars 1942. – Le Cri du peuple, 7 mars 1942. – J.-M. Berlière, F. Liaigre, Le sang des communistes. Les Bataillons de la jeunesse dans la lutte armée. Automne 1941, Fayard, 2004. – FMD, Livre-Mémorial, op. cit. – Site Internet Mémoire des Hommes. – Site Internet Le procès du Palais Bourbon. – Mémorial GenWeb.
Daniel Grason