Né le 20 juin 1921 à Versailles (Seine-et-Oise, Yvelines), fusillé après condamnation le 21 octobre 1942 au stand de tir du ministère de l’Air à Paris (XVe arr.) ; employé dans les assurances ; militant communiste ; résistant membre de l’Organisation spéciale (OS).

Fils de Félix, représentant de commerce, et de Georgette, née Fournier, sans profession, Jean Lefebvre était employé à la Société générale pour les assurances et le contentieux ; il était dit aussi étudiant en chimie. Il demeurait chez ses parents 103 rue de la Vallée à La Frette-sur-Seine (Seine-et-Oise, Yvelines). Membre du Parti communiste clandestin, il fut interpellé, et comparut en mai 1941 devant le tribunal correctionnel de Versailles avant d’être condamné à trois mois de prison et cent francs d’amende.
Membre de l’Organisation spéciale (OS), il aurait participé à des actions armées. Il fut arrêté par des inspecteurs de la BS2 le 16 mai 1942 alors qu’il était, avec Henri Tison et Lucien Micaud, membres de l’OS. Jean Lefebvre, responsable d’un dépôt de matériel et d’explosifs (et peut-être fabriquant d’explosifs en raison de ses études de chimie), était porteur de documents sur l’organisation.
Interrogé dans les locaux des Brigades spéciales à la préfecture de police, probablement battu, il fut incarcéré le 19 juin 1942 à la prison de la Santé. Il comparut avec les membres du groupe le 30 septembre 1942 devant le tribunal du Gross Paris qui siégeait rue Boissy-d’Anglas (VIIIe arr.). Condamné à mort pour « activité de franc-tireur », Jean Lefebvre, vingt et un ans, fut passé par les armes le 21 octobre 1942 avec d’autres résistants du groupe dont Raymond Losserand, Irénée Appéré, Gaston Carré...
Son père Félix Lefebvre déposa sur procès-verbal le 10 novembre 1944 dans le cadre des commissions d’épuration de la police. Il précisa que la police avait perquisitionné son domicile, mais ne mentionna pas si son fils Jean avait été victime de violences policières lors des interrogatoires. Auditionné, il déclara à ce propos : « J’ignore si mon fils a été frappé ».
Le nom de Jean Lefebvre figure sur les monuments aux morts du square et souvenir et du cimetière communal de La Frette-sur-Seine. Une plaque commémorative fut apposée Quai de Seine : « En souvenir de Jean Lefebvre, étudiant frettois fusillé par les Allemands le 21 octobre 1942 ». La municipalité donna à la rue de la Vallée où il habita le nom de Jean Lefebvre.
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Dernière lettre
 
[Sans date]
Maman chérie,
Mes petites Simone et Jacqueline,
Pauvre maman, c’est fini, tu ne verras plus ton Jean. Cette lettre est la dernière, nous allons être fusillés tout à l’heure, cet après-midi.
J’ai vu que tu avais du courage ; si tu savais comme cela m’a réconforté ! Il va falloir que tu conserves ce courage, tu vas en avoir besoin,, ton calvaire n’est pas terminé ; Simone et Jacqueline sont là, elles doivent être heureuses et j’ai confiance ; elles le seront, elles méritent de l’être.
Pour moi, ne regrettez rien du passé. J’ai été heureux grâce à vous, J’ai eu une vie aussi heureuse que j’aurais pu le désirer et non seulement heureuse, mais pleine, bien remplie. . .
Je ne regrette rien que vous Je ne regrette que de ne pouvoir payer ma dette envers vous J’ai cependant la satisfaction d’avoir, durant ma courte vie. J’ai fait ce ce que je devais.
Nous conservons tous devant l’instant fatal notre courage intact, tu en es certaine ? Je voudrais aussi que vous ne portiez pas le deuil de ma mort, si cela est possible, surtout que Simone et Jacqueline ne le portent pas. Ma mort n’est pas l’aboutissement d’une maladie, ce n’est pas le fait d’un accident, ce n’est pas un anéantissement lamentable de mon être.... [censuré]... et eu ce sens comme devant toute naissance, toute création, nulle tristesse ne doit être apportée.
Transmettez à tous ceux que j’ai connus, ainsi que mon dernier souvenir, mon dernier cri d’espoir.
Adieu à mon grand-père, à mes oncles, mes tantes, mes cousines.
A vous, maman, Jacqueline, Simone, mes derniers baisers où je, mets tout mon amour.
Courage, confiance en l’avenir.
Jean
 
[Sans date]
Papa chéri,
J’ai appris il y a quelques jours que ton calvaire n’était pas terminé [père interné administrativement, dont sans doute communiste], que tu allais encore souffrir, pour moi, souffrir d’être encore séparé de maman, de mes sœurs.
Mais je suis sûr qu’une fois encore tu auras le courage nécessaire, que, pour eux, tu sauras résister.
Je ne sais quand tu recevras cette lettre ; pour moi, sache que je me serai montré courageux jusqu’au bout ; cela n’a d’ailleurs pas été difficile : vous m’aviez formé, vous m’aviez donné l’exemple.
Tu liras plus tard les lettres que j’ai écrites à vous deux, à maman et à toi. Maintenant, comme à elle, je te dis envers et contre tout : courage, confiance.
Mon papa chéri, toi qui as été sans cesse un exemple pour moi, je t’embrasse une dernière : fois, je t’ai aimé au delà de ce que les mots peuvent exprimer.
Adieu
Jean
Sources

SOURCES : Arch. PPo., KB 6, KB 21, KB 89. – AVCC, Caen, Boîte 5 B VIII dossier 3 (Notes Thomas Pouty). – Mémorial GenWeb. – Lettres de fusillés, Éditions France d’abord, 1946, p. 144-145. — État civil, Versailles.

Daniel Grason

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