Né le 10 octobre 1915 à Salonique (Grèce), fusillé le 9 mars 1942 au Mont-Valérien, commune de Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine) ; manœuvre sur machine-outil, puis terrassier ; résistant, membre de l’Organisation spéciale (OS).

Acher Semahya
Acher Semahya
Plaque à l'Assemblée nationale
Plaque à l’Assemblée nationale
Acher Semahya vivait chez sa mère 6 rue Mercœur à Paris (XIe arr.). Il travailla comme manœuvre sur une machine-outil, puis pendant la guerre fut terrassier pour les autorités allemandes à Cormeilles-en-Vexin (Seine-et-Oise, Val-d’Oise). Avant la déclaration de guerre, il fréquentait l’Union sportive ouvrière (USO), dont le siège se situait rue du Faubourg-Saint-Antoine (Paris, XIe arr.). Il y fit la connaissance de Roger Hanlet en 1940.
Le XIe arrondissement était très populaire, ancré à gauche : trois députés communistes candidats d’union au second tour avaient été élus en 1936. Des membres des Jeunesses communistes, la plupart du XIe arrondissement, sous l’impulsion de Gilbert Brustlein, décidèrent d’agir contre les occupants allemands. Ils étaient tous très jeunes, sans formation militaire, et Gilbert Brustlein les testa non sans hardiesse.
Au cours du deuxième semestre de 1941, près de l’église de Ménilmontant (XXe arr.), des affiches vantant les victoires nazies en URSS furent placardées sur un mur. Fernand Zalkinov, Gilbert Brustlein, Tony Bloncourt et Acher Semahya se déployèrent arme au poing, tandis que Christian Rizo, Roger Hanlet et Pierre Milan les arrachaient – une opération initiatique qui n’était pas sans risque.
Acher Semahya participa au moins à trois actions. Le 21 août 1941 vers 23 h 20, à la station de métro Bastille, avec Roger Hanlet et Tony Bloncourt, il attaqua l’officier payeur Schoetz ; l’un d’eux tira. Le 6 septembre, il se posta avec Fernand Zalkinov devant l’hôtel Terminus, 5 boulevard de Strasbourg (Xe arr.) ; l’un tira, blessant le sous-officier Ernest Hoffmann à l’omoplate gauche. Enfin, le 5 septembre 1941 vers 23 h 40, il se rendit avec cinq combattants au 11 avenue de Paris à Vincennes (Seine, Val-de-Marne), où ils tentèrent de mettre le feu à un camion allemand ; les dégâts furent minimes.
Le 30 octobre 1941, des inspecteurs de la Brigade spéciale de la police judiciaire se présentèrent chez Roger Hanlet, l’interpellèrent et tendirent une souricière. Pierre Milan et Acher Semahya se présentèrent et furent arrêtés. Fernand Zalkinov fut interpellé le lendemain et Robert Peltier le 1er novembre à Creil (Oise).
Le logement d’Acher Semahya fut perquisitionné en présence de sa mère, Bacheva, et d’une de ses sœurs ; trois feuilles de papier transparent et une lettre à caractère personnel adressée à une jeune fille amie d’Acher Semahya furent saisies.
Interrogé dans les locaux de la police judiciaire au 36 quai des Orfèvres, Acher Semahya, chômeur depuis un mois, déclara qu’il venait rendre visite à Roger Hanlet pour lui demander s’il pouvait lui trouver du travail. Il ignorait si celui-ci avait participé à des attentats. Quant à son éventuelle implication, Acher Semahya nia tout en bloc, actions comme appartenance politique.
Le procès des sept des « Bataillons de la jeunesse » se déroula au Palais Bourbon du 5 au 7 mars 1942 face à un conseil militaire allemand qui leur imputa dix-sept attentats. Gilbert Brustlein, né dans le XIIe arrondissement de Paris, d’origine alsacienne, fut présenté dans Le Matin, journal collaborationniste, comme un « Juif de Suisse, naturellement en fuite ». Acher Semahya fut présenté ainsi : « Grec et Juif, s’est engagé dans les rangs du Parti communiste parce que ``c’est là que les étrangers étaient le mieux reçu en France’’ ». Albert Clément signa un article dans Le Cri du peuple, avec en titre : « Les sept terroristes sont condamnés à mort ». Les sept hommes, âgés de dix-huit à vingt-sept ans, furent passés par les armes le 9 mars 1942 au Mont-Valérien.
Acher Semahya fut inhumé dans le carré des corps restitués au cimetière d’Ivry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne). Sa mère, âgée de cinquante et un ans, et ses deux sœurs, Sara, vingt-trois ans, manutentionnaire, et Victoria, vingt et un ans, couturière furent arrêtées et internées au camp de Drancy réservé aux Juifs. Le 11 novembre 1942, elles firent partie du convoi no 45 à destination d’Auschwitz (Pologne), où elles moururent à une date inconnue.
Acher Semahya fut reconnu comme résistant Francs-tireurs et partisans-Main-d’œuvre immigrée (FTP-MOI) par le ministère des Anciens Combattants. Le 9 mars 2000, un hommage solennel fut rendu aux sept combattants. Ils furent décorés de la Médaille militaire, de la Croix de guerre avec palme et de la Médaille de la Résistance à titre posthume ; Laurent Fabius, président de l’Assemblée nationale, présida la cérémonie. Une plaque commémorative rappelle qu’ils sont « Morts pour la France ».

Ma chère Maman,
Après que tu m’as quitté ce matin, nous avons été transférés au Cherche-Midi... je sais pourquoi, et ce qui me fait le plus mal, c’est le chagrin que je te fais sans le vouloir... Tu sais combien je t’aime. Je suis content de vous avoir vus tous ce matin. Maintenant, il faut que vous soyez tous unis dans la famille pour parler de moi, c’est ma dernière volonté. Il faut que l’affection que tu avais pour moi, tu la reportes sur Monique. Elle me remplacera auprès de toi.
A toi, mon frère, je te demande de ne pas abandonner Maman, je compte sur toi pour subvenir à ses besoins. Sarah et Victoria, c’est vous que je charge de consoler Mama. Je vous la confie. Mon oncle, je regrette beaucoup de ne pas t’avoir vu, j’avais tant de choses à te dire.
Odette, ça m’a fait grand plaisir que tu sois venue me voir. Tu sais que je t’ai toujours aimée et si je ne te l’ai pas dit, c’est que j’avais charge de famille. Maintenant, il faut que tu trouves un garçon honnête et travailleur pour te marier et que tu sois heureuse. Tu le mérites bien.
Je n’ai pas peur de mourir et ce qui me fait souffrir le plus, c’est le chagin que je vous fais. Mais ce que j’ai fait c’est pour la bonne cause et je suis prêt à recommencer.
Maintenant, tout est fini pour moi. Je suis courageux.
Je vous embrasse tous comme je vous aime.
Votre fils et frère.
Acher
Sources

SOURCES : Arch. PPo. BA 1752, Carton 12 rapports hebdomadaires sur l’activité communiste, 77W 1519, KB 3. – DAVCC, Caen, B VIII dossier 3 (Notes Thomas Pouty). – J.M. Berlière, F. Liaigre, Le sang des communistes, op. cit.Le Matin, 19 novembre, 20 novembre 1941, 5 mars, 6 mars, 7 mars et 15 mars 1942. – Le Cri du peuple, 7 mars 1942. – Site Internet Mémoire des Hommes. – Site Internet CDJC. – Site Internet Le procès du Palais Bourbon. – Mémorial GenWeb.— Site héros de Goussainville.

Iconographie
PHOTOGRAPHIE : Arch. PPo. GB 188 cliché du 1er novembre 1941 (DR)

Daniel Grason

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