Né le 8 mars 1921 à Mertrud (Haute-Marne), fusillé comme otage le 15 décembre 1941 au Mont-Valérien, commune de Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine) ; charpentier en fer ; militant communiste de Seine-Inférieure (Seine-Maritime).

Marcel Fezandelle
Marcel Fezandelle
Archives municipales de Saint-Dizier, CM 52
Plaque à Mertrud. Un père fusillé en 1940 et son fils en 1941.
Plaque à Mertrud. Un père fusillé en 1940 et son fils en 1941.
Lucien Fezandelle. Père de Marcel à la chasse en 1939.
Lucien Fezandelle. Père de Marcel à la chasse en 1939.
Fils unique de Lucien et Germaine Fezandelle, le jeune Marcel quitta Mertrud (Haute-Marne) vers 1937 pour se fixer avec sa mère en Seine-Inférieure auprès de son lieu de travail, le Chantier Naval Worms situé au Trait (Le Trait, Seine-Inférieure, Seine Maritime).
Le père de Marcel, Lucien Fezandelle, bûcheron était resté de son côté dans les bois de la région de Mertrud quand la guerre fut déclarée en 1939. Cet ancien combattant de 14-18, plusieurs fois décoré durant la Première Guerre, cachait des prisonniers évadés en 1940 en Haute-Marne. Dénoncé, il fut interné à Saint-Dizier. En tentant de s’évader il fut abattu par les Allemands le 1er juillet 1940 et enterré sur place sans sépulture.
Pendant ce temps là, Marcel exerçait le métier de traceur de navires aux Chantiers navals du Trait. Membre des Jeunesses communistes, il participait à la vie de la section de la ville ouvrière du Trait avant la déclaration de guerre de septembre 1939. L’activité des communistes du Trait avait repris, clandestinement, pendant la drôle de guerre et le début de l’Occupation. Cette activité politique, interdite depuis septembre 1939 était l’objet d’une observation attentive de la part des Renseignements généraux informés par la direction du Chantier Naval Worms. Celle-ci obtint la mise à l’autre bout du département de Louis Douay, instituteur rédacteur du journal clandestin Le Réveil du Trait. C’est dire que la police française était bien renseignée sur les communistes ou supposés tels de la ville du Trait. Ainsi, dès l’été 1940, Marcel Fezandelle procéda à plusieurs distributions de tracts dans la ville du Trait. Il fut arrêté par deux inspecteurs français le 11 novembre 1940 à son domicile de la Cité des Roses où il était pensionnaire. Des témoignages attestèrent, par la suite, que Marcel était porteur de tracts et surtout d’une liste de militants qui conduisit à une rafle sur la région proche. Ainsi, le 20 novembre 1940, Arthur Lefebvre de Montigny fut arrêté tandis qu’Henri Messager et Georges Loison de Villequier réussirent à échapper à l’arrestation, étant absents de chez eux.
Marcel Fezandelle fut condamné à huit mois de prison infligés par un tribunal civil. Il fut successivement incarcéré de novembre 1940 à juillet 1941 à la prison Bonne-Nouvelle à Rouen ; douze jours à la prison allemande du palais de justice de Rouen ; de juillet à décembre 1941 à Compiègne, Frontstalag 122. Transféré à la prison du Cherche-Midi à Paris, il a été fusillé comme otage le 15 décembre 1941 au Mont-Valérien, jour d’une exécution de masse d’une centaine de Juifs et de communistes.
À sa mère, il écrivit : « Je suis prêt à mourir courageusement, sans pleurer, pour cette bonne raison que je suis innocent. Il faut que tu vives Maman chérie, que tu remontes le courant de l’espoir dans un avenir proche. »
Le dimanche 14 décembre 1941 à 21 heures.
Ma pauvre bonne chère Maman,
Je suppose que tu as reçu mes dernières lettres, en tous cas, cette présente sera unique en son genre, ma pauvre mère. Ce sera dur mais il te faudra rester courageuse jusqu’au bout comme je le suis moi-même.
Va voir Madame Vincent avant de continuer à lire ce qui suit - Je suis condamné à mort à l’instant même et serai fusillé quand tu liras cette lettre. Dans quelques heures, ce sera fini. Je dis avec courage, adieu ma bonne maman - Adieu la Vie, l’amour, les amis et les plaisirs de la terre, je t’embrasse de tout mon cœur et de toutes mes forces ainsi que toute la famille et amis, sans exception.
J’espère que j’aurai laissé parmi vous tous et dans ton grand cœur, ma petite Maman chérie, un souvenir doux et triste. Quant à moi, je penserai à toi jusqu’à ma dernière lueur de vie.
Je suis condamné comme otage pour répression contre les événements qui se passent à Paris actuellement et malheureusement, je ne suis pas pour, loin de là. Voilà maintenant sept jours que nous sommes dans l’agonie et dans l’attente tragique de ce que nous redoutions et qui nous fut confirmé le soir dans la cellule ou nous sommes enfermés par trois depuis tantôt car nous sommes passés à Romainville, cinq jours avant notre dernière étape de la fin qui sera sans doute Vincennes.
Je suis donc bien prêt à mourir courageusement, sans pleurer pour la bonne raison que je suis innocent et (n’ai) rien à me reprocher - C’est une vie de martyr que la tienne, récompensée de cette façon. Vraiment tu ne mérites pas cela, m’élever jusqu’à 20 ans, te priver pour voir ton petit Marcel chéri mourir assassiné. (Illisible) l’espoir d’un avenir meilleur qui sera pour toi, quoi que tu puisses en penser, un réconfort moral important car il faut que tu vives, Maman chérie, que tu remontes le courant d’espoir dans un avenir proche. Oublier ton fils séparé de toi depuis 13 mois et deux jours reporte ton (illisible) amour maternel en affection avec Lucie Vincent - Vis avec elle, reprends courage, ne pleure pas et dis toi que tout ici sur terre a une fin et qu’on ne force jamais la destinée.
J’ai ici des bagages qui te seront remis chez nous 2 valises, 2 musettes (7.1 : 30). Vends vélo, accordéon et conserve en souvenir de ton petit Marcel tout le reste de mes affaires. Que c’est dur d’écrire toute cette oraison funèbre à une mère chérie, adorée. Ainsi, je me plie strictement au destin et je vais finir ma vie en pensant uniquement à toi que j’aime et à l’amour qui me souriait.
Ton fils n’a pas peur de la mort, sois vaillante pour affronter la vie en face et en jouir le plus possible. Tu es jeune encore et tu as droit au bonheur aussi. C’est mon ultime souhait que je t’adresse là et j’espère qu’il en sera ainsi.
Je n’ai que cette terrible lettre à écrire. Je te demande pardon pour tous les sacrifices que je t’ai imposés et je te remercie d’avance de me l’accorder.
Sois courageuse, ne reste pas seule. Je pense à toi toujours et t’embrasse de toutes mes forces et mon cœur.
Ton fils Marcel à jamais à toi, te dis Adieu et Courage.
Marcel Fezandelle.
Sources

SOURCES : DAVCC, Caen. – Hommage aux fusillés et aux massacrés de la Résistance en Seine-Maritime, ouvrage de l’ADFFM de Seine-Maritime, 1994. – Informations fournies par la Mairie de Mertrud à la demande de celle de Le Trait (Seine-Maritime), à l’occasion de la réfection du monument aux morts traiton en 2014. — dossier de presse composé d’articles du Journal de la Haute-Marne de 1980 et de 2013. — Jean-Marie Chirol Les Combattants de la Liberté Edition haut-marnaise (1980).

Jean-Paul Nicolas

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