Né le 20 avril 1911 à Paris (XIe arr.), exécuté sommairement le 10 juin 1944 à Lissieu (Rhône) ; entrepreneur ; résistant du Special Operations Executive (SOE) et de la France combattante.

Vila Rachline en 1935
Vila Rachline en 1935
Crédit : Famille Rachline.
Vila RACHLINE (à gauche) et son frère Lazare (à droite) en 1938
Vila RACHLINE (à gauche) et son frère Lazare (à droite) en 1938
Crédit : Famille Rachline.
Vila (Vilquin à l’état civil) Rachline était le fils de Zadok Rachline, forgeron, né en 1878, et de son épouse Katia Schapiro, née en 1885. Ses parents, citoyens de l’Empire russe et originaires de Vichnie Gorki (auj. Gorki-Leninskie), avaient fui les pogroms anti-juifs et étaient arrivés à Paris en 1906 avec le frère aîné de Vila, Lazare, alors âgé de quelques mois. En France, Zadok Rachline monta une entreprise de literie.
En 1931, Lazare et Vila rachetèrent la fabrique paternelle de literie et la transférèrent boulevard Ornano sous le nom de Établissements L. & V. Rachline. Le 28 mars 1935, Vila épousa Simone Solinski à la mairie du 12ème arr. de Paris. Les jeunes mariés s’installèrent alors au 10 boulevard Barbès. Ce n’est sans doute pas un hasard si Vila se retrouva dans l’immeuble où habitaient les parents de Marcel Bleustein, futur compagnon de route de Lazare. Les deux familles faisaient partie de ce « village » de familles ashkénazes (Lévithan/Gross/Bleustein) investies dans la fabrique et le commerce de meubles.
Évoquons tout d’abord le destin hors du commun de Lazare, le grand frère, qui, à bien des égards, éclaire le parcours de Vila, le frère cadet.
Lazare fut l’un des fondateurs de la Ligue Internationale contre l’Antisémitisme en 1927 (qui deviendra plus tard la LICRA). En 1940, Lazare fut mobilisé avec affectation spéciale, permettant au chef de famille nombreuse de rester auprès des siens. Mais il se porta volontaire et obtint d’être envoyé au front. Il fut fait prisonnier par les Allemands. Il s’échappa du stalag et s’engagea dans la Résistance dans le réseau Libération-Sud. Il fut recruté par les services secrets anglais pour lesquels il organisa des opérations clandestines à travers le réseau Vic du SOE. Recherché par la Gestapo, il fuit en Espagne (… avec un certain Marcel Bleustein) et gagna Londres. Dès lors, il rejoignit De Gaulle et devint l’un des hommes clés dans la structuration de la résistance intérieure. Après la guerre, il fonda avec Bleustein-Blanchet le journal Point de Vue, puis participa au lancement de L’Express avec Jean-Jacques Servan-Schreiber. Un jardin à Paris porte le nom de Lazare Rachline.
Pendant la guerre, Vila Rachline fut mobilisé et fait prisonnier en 1940. Il s’évada et retrouva sa famille à Toulouse. Son frère Lazare l’introduisit dans la Résistance. Il fut recruté par l’agent Maurice Pertschuk, agent franco-britannique, chef du réseau Prunus de la Section F du SOE. À l’instar de son frère, il travailla dans le réseau Vic. Selon Mémoire des Hommes, il fut aussi affilié au réseau Alexandre (SOE-DF, chargé de la mise en place des filières d’évasion devant permettre le retour des agents au Royaume-Uni). Vila – alias Victor Renaudin - fut arrêté une première fois par la police française à Brive, en possession de nombreux faux documents. Il réussit à s’évader. Il fut arrêté une seconde fois par la Gestapo à Lyon le 10 mai 1944. Il fut atrocement torturé à l’Ecole de Santé Militaire où officiait alors Klaus Barbie, mais il ne livra aucun nom, même pas le sien. Marcel Dassault l’avionneur partageait alors sa cellule et raconta plus tard son calvaire à son frère aîné. Le 10 juin, Vila fut extrait de la prison de Montluc avec 18 autres camarades, transporté dans un convoi de Lyon à Lissieu. Les Allemands les firent descendre dans un champ. Les prisonniers chantèrent « la Marseillaise ». Ils furent massacrés à la mitrailleuse.
Extraits du rapport de mission de Robert Arthur Chapman, opérateur radio anglais pour le SOE en mission en France occupée du 30 novembre 1943 au 14 décembre 1944 :
« Avant de terminer ce rapport, je souhaite rendre un hommage particulier aux services exceptionnellement dévoués de Victor (Vila) Rashlin. Je l’ai connu pendant près de six mois, un des plus actifs et des plus audacieux agents que j’ai pu connaitre, impitoyable dans son empressement à combattre l’ennemi. Il est très regrettable qu’il ait rencontré la mort au cours des dernières semaines de la lutte de libération. »
Vila Rachline obtint la mention Mort pour la France. Il fut homologué dans les Forces françaises combattantes (FFC) et interné résistant. La médaille de la Résistance (Rosette) lui fut décernée par décret en date du 24 avril 1946 (JO du 17 mai 1946). Son nom est inscrit à Lissieu sur le monument commémoratif 1939-1945 et à Livry-Gargan (Seine-Saint-Denis) sur le monument aux Martyrs de la Résistance et de la Déportation. Une plaque commémorative à la mémoire de Vila Rachline a été posée dans une synagogue de Tel-Aviv.
Le 5 février 2016, Robert Badinter, lors de l’inauguration du jardin Lazare Rachline dans le 3ème arr. de Paris, unit les deux frères dans son hommage.
« …Le 24 août 1944, le jour même de la reddition des Allemands, Lucien (Lazare) Rachline arrive à Paris et gagne directement la Préfecture de police. Le lendemain, Lucien est présent dans le cortège de généraux et de chefs de la Résistance qui escortèrent le Général de Gaulle dans sa triomphale descente des Champs Elysées. De telles heures justifient une vie.
Mais le destin est aussi tragédie. Tandis que Lucien (Lazare) sillonnait la France comme Délégué du Général de Gaulle, son frère cadet Vila, membre lui aussi du réseau Vic, fut arrêté à Lyon. Conduit au siège de la Gestapo, il ne livra aucun nom, même pas le sien…. Ongles arrachés, œil crevé, dents brisées, il ne dira rien de ce qu’il sait. Le 10 juin 1944, Vila, extrait de sa cellule au Fort de Montluc, monte dans un camion allemand avec 18 autres détenus. Ils sont abattus à la mitrailleuse dans un champ. Les nazis espéraient avoir arrêté le Délégué du Général de Gaulle, Lucien Rachline dit Rachet. Ils ont tué son frère Vila. Que chacun de nous, à cet instant solennel où nous honorons la mémoire de Lucien Rachline, pense à son frère cadet torturé et fusillé parce qu’on l’avait pris pour lui…
 »


Voir Lissieu (Rhône), 10 juin 1944
Sources

SOURCES : François Rachline, LR les silences d’un résistant, Albin Michel, 2015. — Michel Klein, Ces bêtes qui m’ont fait homme, Hachette, 1976. — Témoignage de Robert Arthur Chapman agent britannique du SOE. — Témoignage de Lazare Rachline auprès du Comité d’histoire de l’Occupation et de la Libération de la France. — Archives de Lazare Rachline répertoire électronique. — MémorialGenWeb [patronyme orthographié Rachline]. — Mémoire des Hommes. — Service historique de la Défense, Vincennes GR 16 P 496874, GR P 28 4 378 139 et Caen SHD/ AC 21 P 650113 et AC 21 P 138689 (nc). — Acte de naissance (Archives de Paris).

Henri Grémont

Version imprimable