Né le 26 novembre 1913 à Pouan-les-Vallées (Aube), fusillé après condamnation à mort le 5 août 1944 à L’Épine (Marne) ; boucher ; résistant ; Front national de lutte pour la libération et l’indépendance de la France ; FTPF-FFI ; FFC au titre du réseau Shelburn.

Lucien Bonnot
Lucien Bonnot
SOURCE : 
Photo communiquée par Christian Bonnot
Butte des fusillés à L'Épine
Butte des fusillés à L’Épine
Sur la plaque commémorative</br>de la Butte des fusillés à L'Épine
Sur la plaque commémorative
de la Butte des fusillés à L’Épine
Sur le monument aux morts d'Anglure
Sur le monument aux morts d’Anglure
Sur le monument aux martyrs de la Résistance</br> d'Épernay
Sur le monument aux martyrs de la Résistance
d’Épernay
SOURCE : 
Photos Jean-Pierre et Jocelyne Husson
SOURCE : Christian Bonnot
À la mémoire de Lucien Bonnot
Le baiser de la France

SOURCE : Christian Bonnot
Lucien Bonnot était le fils de Gaston Émile Georges Bonnot, cultivateur, et de Louise Laurence Rozier, sans profession. Il avait épousé Pierrette Henriette Berton le 24 mai 1937 à Anglure (Marne), où il exerçait la profession de boucher. Le couple avait deux fils, Georges né en 1939 et Christian né en 1942.

Mobilisé en 1939, il participa en 1940 à la campagne de Belgique au cours de laquelle il fut blessé. Évacué vers l’Angleterre, il y fut soigné avant de revenir à Anglure en août 1940. En novembre 1942, il rejoignit le Front national de lutte pour la libération et l’indépendance de la France. Il hébergea des réfractaires, des résistants et des membres d’équipages alliés, diffusa des tracts, ravitailla les FTPF installés dans la ferme de Varsovie à La Chapelle-Lasson (Marne). Il prit aussi part à des opérations de réception de parachutages et assura des transports dans sa camionnette de boucher.

En mars 1943, il fut dénoncé pour abattage clandestin et interné pendant trois mois. Le 24 avril 1944, il participa au sauvetage de deux aviateurs américains dans le secteur de Faux-Fresnay (Marne), et il assura la sécurité de trois aviateurs alliés abattus le 4 mai 1944 lors du bombardement du camp de Mailly (Aube) par la Royal Air Force. Il fut dénoncé à nouveau, Le 19 juin 1944, alors que la Police allemande se présentait à sa boucherie d’Anglure pour l’arrêter, il transportait dans sa camionnette à Romilly-sur-Seine (Aube) un jeune FTPF blessé appartenant au maquis de la Ferme de Varsovie, que le docteur Conte déclarait ne pouvoir soigner sur place. Le lendemain 20 juin 1944, Lucien Bonnot, craignant des représailles contre son épouse, se rendit à la Police allemande et fut incarcéré à Romilly-sur-Seine, puis à la prison de Troyes (Aube) et enfin à la prison de Châlons-sur-Marne (Châlons-en-Champagne).

Le 14 juillet 1944, il a été condamné à mort par le tribunal militaire allemand FK 531 siégeant à Châlons-sur-Marne, pour assistance à des aviateurs américains.

Dernière lettre de Lucien Bonnot adressée le 21 jullet 1944 à son épouse Pierrette
Orthographe et rédaction d’origine :
Vendredi soir.
Ma pauvre Petite Pierrette,
Ma dernière lettre ton dernier souvenir de moi ma pauvre chérie. Tu n’étais surement pas rentrée à Anglure que l’on venait à moi m’apprendre que la sentence était confirmée ce qui voulait dire donc je dois payer ma faute. Pauvre chérie toi qui avait tant confiance alors que moi je pensais toujours autre chose. Pauvre petite Pierrette quand tu seras éveillée samedi matin ton mari ne sera plus des vivants. Quel cauchemar pour toi et (pour toute la famille. Surtout ma chérie pense que tu as deux petits cadets ne va pas faire de chose stupide moi je meurs mais toi tu dois vivre pour ces pauvres chérubins. Eux qui n’auront pas le bonheurd’être chéri par leur papa, plus tard quand ils seront grands ils te donneront de la satisfaction. Ma Chérie
j’ai demandé un prêtre il doit venir et je suis rassuré de me confier à Dieu avant de mourir.
Ma Pauvre Pierrette je comprends ta douleur quand tu vas apprendre cette nouvelle. Peut-être que ce sera lundi en venant me voir comme d’habitude.
Quelle secousse pour toi ma pauvre petite. Surtout garde le silence le plus longtemps possible pour mes chers petits ils ont bien le temps d’apprendre qu’ils n’ont plus de papa. Ce sera assez douloureux pour tous sans que ces pauvres petits pleurent si jeunes.
Je te demande de rester en bon accord avec ma famille je n’en doute pas je sais que tu le feras aussi c’est un soulagement pour moi.
J’ai bien vu tantôt à la visite que l’avocat n’avait pas la même allure que les autres fois. peut-être lui savait il et il n’a rien dit. Enfin ma chérie je crois que le commerce tu vas l’abandonner et que vas-tu devenir après ma pauvre petite chérie où vas-tu aller habiter toutes ces choses me bouleversent.
Je pense aussi à toute ma famille et à la tienne quelle catastrophe Pauvre Petite Pierrette Chérie quel cauchemar que la vie Pourquoi donc venir sur cette terre juste
pour souffrir. Enfin je dois prendre mon courage pour ce qui m’attend je te dis adieu ma Pauvre
Chérie. jusqu’à ma dernière minute je penserai à toi à ton doux visage souriant qui est toujours devant mes yeux et j’emporterai avec moi tous les doux
souvenirs de notre trop courte vie Adieu à mes Chers Petits Cadets à toute la famille à tous ceux qui pouvaient s’intéresser à moi. Enfin en un mot à tous ceux que j’avais
comme amis. sans oublier ce pauvre Fernand et Pépée.
Un dernier mot. J’embrasse bien fort ce papier pour qu’il te donne tous les derniers baisers de mon cœur. Adieu ma pauvre Petite Pierrette Chérie Adieu Adieu. Celui que tu aimas à la folie et pour la vie. Lucien



Lucien Bonnot a été fusillé le 5 août 1944 sur le terrain de La Folie à L’Épine, le même jour que deux autres résistants marnais : Pierre Bouché et Pierre Escudié à qui il avait fourni en prison un canif et qui tenta de tuer un de ses gardiens.
L’abbé Pierre Gillet, compagnon de cellule de Lucien Bonnot, a témoigné des violences que ce dernier a subies lors des interrogatoires et de son courage.

Le tribunal civil de première instance de Châlons-sur-Marne a rendu le 22 septembre 1944 un jugement déclaratif de décès transcrit à l’état civil de cette ville le 28 septembre 1944 sous le numéro 616, qui déclare que Lucien Bonnot « est décédé à Châlons-sur-Marne le 5 août 1944 à huit heures deux minutes » .

Lucien Bonnot a été reconnu « Mort pour la France » en 1945. Il a été homologué FFI et FFC au titre du réseau Shelburn. Les titres d’Interné-résistant et de Combattant volontaire de la Résistance (CVR) lui ont été décernés ainsi que la Médaille de la Résistance avec rosette par décret du 24 avril 1946 publié au JO du 17 mai 1946.

Inhumé dans le cimetière de l’Est de Châlons, le corps de Lucien Bonnot a été exhumé le 23 septembre 1944 et transféré dans le cimetière d’Anglure.
Avant son exécution, Lucien Bonnot avait fait savoir, dans une lettre adressée à son épouse, qu’il avait été vendu par Charles Vallon, cantonnier auxiliaire à Faux-Fresnay, et par Jean Bourgeois. Charles Vallon avait recueilli les deux aviateurs alliés abattus en avril 1944 dans le secteur de Faux-Fresnay, et avait demandé à Lucien Bonnot de les prendre en charge, en présence de Jean Bourgeois. Arrêté en même temps que Lucien Bonnot, Charles Vallon avait été relâché. L’enquête conduite après la Libération a abouti à mettre également en cause Paul Musset, chef cantonnier à Faux-Fresnay qui avait été informé par son subordonné Charles Vallon, et qui avait remis à la Gestapo un parachute et des bottes d’aviateur. Le 5 mai 1945, le commissaire du gouvernement de la Cour de Justice de la Marne a réclamé la peine de mort pour Charles Vallon qui a bénéficié de circonstances atténuantes et a été finalement condamné à vingt ans de travaux forcés et à l’indignité nationale. Au terme de plusieurs remises de peine, il a été libéré en 1951.
Jean Bourgeois, innocenté dans une lettre anonyme adressée à la Cour de Justice de la Marne, a été acquitté ainsi que Paul Musset, le premier avec vingt ans d’indignité nationale et le second avec l’indignité nationale à vie.

Dans la Marne, le nom de Lucien Bonnot est inscrit sur la plaque commémorative de la Butte des fusillés à L’Épine. Il figure sur le monument aux morts d’Anglure et sur la liste des fusillés du monument aux martyrs de la Résistance élevé à Épernay.
Dans l’Aube, son nom figure sur le monument aux morts de Pouan-les-Vallées.
Sources

SOURCES : AVCC, Caen, AC 21 P 713 300. — SHD, Vincennes, GR 16 P 72688. – Arch. Dép. Marne, M. 7463, exécutions par les Allemands 1941-1944 ; M. 4774, fusillés ou exécutés par les Allemands, liste dressée à la demande du ministère de l’Intérieur en octobre 1944 ; 7 U 62 No 22, Cour de justice de la Marne. – Arch. ONACVG-SD51, dossier CVR. – L’Union, 7 mai 1945 et 18 juin 1946 (photo). – Arch. Christian Bonnot, fils de Lucien Bonnot (photo). – Informations communiquées en 2012 par Marie-Françoise Garnesson. – « Hommage à un actif résistant, Lucien Bonnot, fusillé en août 1944 », l’Est-Éclair, 30 septembre 1994. – Pierre Servagnat, La Résistance et les Forces Françaises de l’Intérieur dans l’arrondissement d’Épernay-Souvenirs du capitaine Servagnat (photo), Imprimerie de Montligeon, 1946. – Pierre Gillet, « Châlons sous la botte. Souvenirs de la Résistance à Châlons-sur-Marne et dans l’arrondissement (1940-1945) », Cahiers châlonnais, n° 3, Châlons-sur-Marne, 1983, réédité en 1998. – Jean-Pierre et Jocelyne Husson, La Résistance dans la Marne, dvd-rom, AERI-Département de la Fondation de la Résistance et CRDP de Champagne-Ardenne, Reims, 2013. – Daniel Jourdain et Claude Macé, La Résistance dans l’ouest aubois, ANACR, FNDIRP de Romilly, collectif 39-45, 2018. État civil, Pouan-les-Vallées (acte de naissance) ; Châlons-en-Champagne (transcription du jugement déclaratif).

Jean-Pierre Husson, Jocelyne Husson

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