Né le 29 mai 1923 à Rennes (Ille-et-Vilaine), fusillé le 13 décembre 1943 à Angers (Maine-et-Loire) ; instituteur ; militant communiste ; résistant au sein des FTPF, membre du Front national.

Adrien Tigeot
Adrien Tigeot
Crédit : Wikipedia
Adrien Tigeot était le fils de Joseph Tigeot et de Louise Blin. En 1924, la famille Tigeot s’installa à Erbray (Loire-Inférieure, Loire-Atlantique). Elle revint dans le Maine-et-Loire quelques années plus tard en déménageant à La Chapelle-Hullin. Entre 1935 et 1939, Adrien Tigeot fut scolarisé au cours complémentaire de Segré. Ensuite, après avoir été reçu au concours d’entrée, il intégra l’École normale (EN) d’Angers, promotion 139-142. En 1939, son père, un grand invalide de la Première Guerre mondiale, suite à l’amputation de ses deux jambes, refusa la nouvelle guerre qui venait de se déclarer.
Le 1er octobre 1941, jeune instituteur public stagiaire, Adrien Tigeot reçut son premier poste à Contigné. Le 1er avril 1943, il fut muté à Fontevraud. Puis, le 3 mai 1943, il fut désigné comme instituteur-adjoint de l’école publique de Corzé.
En tant que communiste, il participa aux premières réunions clandestines du parti dès septembre 1940, avant d’adhérer au Front national en 1941, puis aux Francs-tireurs et partisans (FTP).
Dans la Résistance, il fut « Didi » le commandant des FTP du Maine-et-Loire. Il était le responsable du groupe de résistants mis sur pied chez les étudiants en Médecine et les élèves de l’école primaire supérieure Chevrollier à Angers, dont André Moine, Roger Pelluau, Maurice Duveau (promotion EN 139-142), Jacques Mangel et Gilbert Durand. Il était fiancé à Noëlla Rouget, née Peaudeau, résistante et déportée.
Il participa à de nombreux sabotages contre, entre autres, des kiosques de propagande allemande. Il attaqua des mairies pour récupérer des tampons et des tickets d’alimentation, dont celles de Bouillé-Ménard, en avril 1943, et de Contigné, en février 1943.
Le lundi 7 juin 1943 (ou le 2 juin, selon les sources), à 10 h 10, arrivant d’Angers, il posa son vélo sous le préau et rejoignit ses élèves rentrés en classe depuis dix minutes. Il s’adressa alors aux jeunes en leur disant : « Bonjour, les enfants, c’est la dernière fois que vous me voyez. » Ensuite, il ouvrit la fenêtre de la classe et se mit au travail à son bureau. Quelques instants plus tard, le directeur de l’école et instituteur de l’autre classe aperçut deux hommes coiffés d’un chapeau mou et portant un porte-documents à la main. Arrivés à la porte, grande ouverte, de la classe du directeur, ils lui demandèrent si M. Tigeot était dans sa classe. Croyant avoir à faire à deux démarcheurs, il se retourna et vit Adrien Tigeot par la fenêtre de la cloison séparant leurs deux classes. Il lui fit un signe de la main. Adrien Tigeot, se doutant de quelque chose, enjamba alors le pupitre d’un élève et passa par la fenêtre pour s’enfuir par le jardin. En fait, ces hommes étaient des agents de la Section spéciale de la 4e brigade de police de sûreté d’Angers, « section dite pour la propagande et menées antinationales ». L’un des inspecteurs, bousculant le directeur, se précipita sur la porte de communication des deux classes. Elle résista un peu. Le deuxième policier fit le tour des bâtiments mairie-école et poursuivit Adrien Tigeot dans le jardin revolver au poing. Adrien Tigeot, bon coureur, comptait distancer ses poursuivants. Mais, au fond du jardin, deux autres hommes, camouflés dans des cassis, se dressèrent devant lui une arme à la main. Toute résistance était alors inutile. Adrien Tigeot n’était pas armé : il avait laissé son arme dans sa chambre à Angers. Après avoir fait mettre les enfants sous leur table afin de les mettre à l’abri d’éventuelles balles qui auraient été tirées, le directeur rejoignit les policiers au moment où ils passaient les menottes à Adrien Tigeot.
Ce dernier fut conduit par les policiers dans la chambre qu’il occupait à l’étage chez le couple Morille à Corzé. Ce couple exploitait en même temps un café-restaurant où Adrien Tigeot était pensionnaire. La perquisition ne donna rien, aucune pièce compromettante ne fut trouvée. Et pour cause : Adrien Tigeot avait enlevé tout le matériel compromettant de sa chambre et l’avait enterré dans le jardin de l’école sans prévenir personne. N’ayant plus rien à faire sur place, les policiers conduisirent leur prisonnier à leur quartier général, rue Racine à Angers, où ils l’interrogèrent.
Il fut incarcéré à la prison du Pré-Pigeon à Angers. Le lendemain, mardi 8 juin, dans un rapport au préfet du Maine-et-Loire, l’inspecteur d’académie, M. Foster, relata, entre autres, l’arrestation d’Adrien Tigeot (ainsi que celles de René Brossard et de Marius Briand). Il le traitait, comme ses camarades, « d’instituteur terroriste » et demanda sa révocation de l’Éducation nationale. Quelques jours plus tard, l’inspecteur d’académie communiqua au directeur de l’école une demande de rapport sur sa conduite : comment se faisait-il qu’il ne connaissait pas les activités de son adjoint ? Comment se faisait-il qu’il ne savait pas qu’Adrien Tigeot était communiste ? Le directeur répondit que la législation française ne lui permettait pas de connaître la vie privée de son adjoint et que le peu de temps qu’il avait eu Adrien Tigeot comme adjoint expliquait le mutisme de celui-ci sur ses actions. Environ trois semaines plus tard, le directeur eut la visite d’agents de la Sipo-SD. Ceux-ci lui demandèrent de les accompagner à l’école. Après avoir parlé, ils demandèrent à voir le jardin, puis une bêche. Un des hommes, après quelques recherches et sur indication d’un plan que tenait son collègue, mit au jour un paquet enveloppé de toile. Ce paquet contenait des documents chiffrés et des tampons provenant des mairies de Bouillé-Ménard et de Contigné. Au cours de la perquisition effectuée au domicile d’Adrien Tigeot, les policiers français avaient trouvé un flacon de chloroforme et un document portant sur l’organisation du Parti communiste en Maine-et-Loire (finances, alimentation, armes, matériel, recrutement, francs-tireurs, planques, relations).
Une fois son enquête terminée, le Service de police anticommuniste (SPAC) d’Angers remit Adrien Tigeot aux autorités militaires allemandes. Probablement le 9 août 1943, il fut transféré du quartier français au quartier allemand de la prison d’Angers.
Le 1er décembre 1943, il fut condamné à mort par le tribunal militaire allemand de la Feldkommandantur 595 d’Angers, avec Pierre Porcher, André Moine, Alfred Clément*, Maxime Bacquet, Julien Alix, Gabriel Alix et Marius Briand (acquitté puis déporté en Allemagne, et enfin exécuté dans une prison de Cologne). Le tribunal considéra Adrien Tigeot comme dangereux pour la sécurité publique et le reconnut coupable « d’être un franc-tireur communiste et d’avoir aidé l’ennemi ».
Son recours en grâce ayant été rejeté, il a été fusillé dans la clairière de Belle-Beille à Angers le 13 décembre 1943, à 8 h 25 après avoir écrit ses dernières lettres à ses parents et à sa fiancée.
Il fut inhumé dans le cimetière de l’Est à Angers, carré 12, rang 11, fosse 2. Exhumé, il repose actuellement dans le carré militaire des morts pour la France 1939-1945, no 48, rang 8, tombe 12. La croix porte la mention « fusillé ».
Le 18 octobre 1961, il fut décoré, à titre posthume, de la Médaille de la Résistance.
Le groupe scolaire des Justices, rue Saumuroise à Angers, porte son nom. Lors de sa séance du 28 septembre 1992, le conseil municipal de Corzé a décidé à l’unanimité de donner le nom d’Adrien Tigeot à son école publique, suite à la demande de son directeur, Yves Chevallier. La cérémonie inaugurale a eu lieu le samedi 19 juin 1993. Dans l’église de La Chapelle-Hullin, une plaque est apposée en sa mémoire.
Tous les troisièmes dimanches du mois d’octobre, une cérémonie a lieu devant le monument des fusillés de Belle-Beille, au cours de laquelle son nom est cité.
Dans le cadre de ses activités clandestines, Adrien Tigeot, avait rencontrée Noëlla Peaudrau (Noëlla Rouget), une jeune institutrice. Noëlla et Adrien décidèrent de se fiancer, les bans sont publiés, mais ils furent alors tous deux arrêtés, Noëlla le 23 juin . Tous deux furent emprisonnés au Pré-Pigeon, la prison d’Angers. Adrien Tigeot fut autorisé à écrire une lettre. Après la guerre, Noëlla qui avait été déportée à Ravensbrûck, trouva cette lettre dans laquelle Adrien lui demande « de vivre, de l’oublier et d’aimer ».
Angers, le 13 décembre 1943
Parents chéris, grandes sœurs, grands frères, petits frères, Jean-Pierre et Josiane adorés,
 
Mon cœur se serre à l’idée de vous dire adieu pour toujours. J’ai espéré longtemps, jusqu’à la dernière minute, mais, maintenant, c’est fini...
J’implore votre pardon pour les peines, pour toute l’angoisse que je vous ai occasionnées. Je vous ai délaissé pour poursuivre mon idéal, pour lutter et maintenant vous pleurez.
Consolez-vous en pensant que je meurt pour une cause que je crois juste - mon sacrifice n’est pas inutile -
Continuer à vivre, tous ensemble sans désaccord, bien unis. Ma chère Maman, mon cher Papa, pensez à vos chers petits qui vous restent, reportez l’affection que vous portiez sur eux. Que la petite Josiane me remplace dans la grande famille, adorée de vous tous. Parlez-lui plus tard de son grand tonton qui l’aurait tant aimée, choyée.
Jean-Pierre se souviendra de moi, lui, pauvre chéri ; dites-lui que je suis mort à la guerre comme un soldat.
Mon cher petit Abel, travaille bien à l’école et puis, plus tard ; je souhaite que tu dessines toujours mieux pour devenir un petit artiste : la vie te paraîtra plus belle.
Joseph tu deviens un homme : sois courageux ; remplace-moi à la maison, deviens le grand fils chéri.
Mes chers Marc et Joseph, rendez Germaine et Louisette heureuses, comme j’aurais voulu rendre heureuse ma Noëlla chérie. Profitez de ce malheur pour mieux vous comprendre, mieux vous aimer.
Petites sœurs chéries, consolez ma pauvre Maman ; si vous avez d’autres petits enfants, parlez-leur de moi quelquefois.
Pour que vous puissiez prier pour moi, ainsi que ma chère Noëlla, je suis mort en chrétien, avec l’espoir de vous retrouver, peut-être un jour, dans un au-delà très beau, très pur.
Toutes mes dernières pensées s’envolent avec vous avec tout mon amour...
Adieu mes êtres chéris... adieu, peut-être bientôt.
Didi
Donnez la lettre à Noélla seulement quand elle sortira de prison. Merci.
Recevez-la comme si elle était ma petite femme adorée, mais laissez-la vivre, m’oublier, aimer...

Son épouse Noëlla, née le 25 décembre 1919 à Saumur (Maine-et-Loire), eut un notoriété sous le nom de Noëlla Rouget en raison de sa volonté de vaincre la haine par le pardon. Elle plaida devant les tribunaux pour sauver le tête de son bourreau Jacques Vasseur, sans succès, mais obtint du général de Gaulle sa grâce. Catholique fervente, elle mourut le 22 novembre 2020 à Genève (Suisse).


Angers, champ de tir de Belle-Beille (Maine-et-Loire) 1944 –1944
Sources

SOURCES : AVCC, Caen (Notes Thomas Pouty). – Arch. Dép. Maine-et-Loire, 181 J 50, 77 W 48, 303 W 286, 303 W 291, 303 W 293, 303 W 294. – Arch. mun. Angers, 28 J 78, 4 H 103. – Arch. mun. Corzé, délibération du conseil municipal du 28 septembre 1992. – Acte de décès, Registre des inhumations du cimetière de l’Est à Angers. – Le Courrier de l’Ouest, 26 mai 1993, 21 juin 1993. — Renseignements communiqués par Brigitte Exchaquet-Monnier & Éric Monnier (10 janvier 2019). — Le Monde, 25 novembre 2020.

Bertrand Gogendeau

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