Né le 5 mars 1922 à Beaumarchès (Gers), fusillé par condamnation le 23 décembre 1943 à la Doua, commune de Villeurbanne (Rhône) ; étudiant ; résistant du maquis de Tréminis (Isère).

Francis Lagardère passa sa petite enfance à Beaumarchès. Il suivit ensuite sa scolarité à Fès (Maroc), à Lyon (Rhône) et Eauze (Gers), selon les différentes affectations de son père dans l’armée. En 1935, sa famille s’installa à Lourdes (Hautes-Pyrénées) où son père, Jacques Lagardère, s’établit comme médecin civil. Ils demeurèrent au château de Soum, route d’Argelès. Francis Lagardère continua ses études au collège de Saint-Pé-de-Bigorre (Hautes-Pyrénées), au collège de Bétharram (Lestelle-Bétharram, Pyrénées-Atlantiques), au lycée de Pau (Pyrénées-Atlantiques) et à l’école hôtelière de Tarbes (Hautes-Pyrénées). Il fut un sportif accompli. Il pratiqua le football, le rugby, l’athlétisme (il devint champion de France du 4 × 100 m), le ski et l’alpinisme.
Au moment de partir aux Chantiers de jeunesse, il préféra s’engager dans le mouvement « Jeunesse et Montagne ». Il y vécut un entraînement physique intensif et devint champion de France d’athlétisme. Réfractaire au Service du travail obligatoire (STO), il entra dans la clandestinité et partit pour les Alpes. Il rentra en contact avec le Service Maquis Prévost et travailla à la formation des cadres de l’Organisation de la Résistance de l’armée (ORA). Il fut affecté dans un premier temps au camp d’Albiez en Maurienne (Savoie) puis envoyé dans le Dévoluy (Hautes-Alpes) pour participer à l’établissement d’un nouveau camp à Tréminis (Isère).
Vers le 5 août 1943, il prit le train à Grenoble (Isère) avec Henri Cléret (Arlès) pour descendre à Saint-Maurice-en-Trièves (Isère) et rejoindre à pied Tréminis. Jean-Claude Rozan (Lanval) avait donné l’ordre à Cléret d’y fonder un maquis aux alentours de la baraque de la Bonce. Lagardère devait le seconder en tant qu’intendant.
Francis Lagardère s’occupa du ravitaillement du camp en nourriture, matériel, faux papiers. Il accueillit également les nouvelles recrues et servit de canal de communication entre Rozan et Cléret. En tant qu’intendant, il résidait au hameau de Château-Bas à Tréminis chez l’habitant.
En septembre 1943, Rozan rappela Francis Lagardère à Grenoble pour prendre le commandement d’un corps franc. Le 19 octobre 1943, suite à une dénonciation, le camp de Tréminis fut attaqué et Lagardère arrêté par les autorités allemandes à l’hôtel du Mont-Blanc, à Grenoble, rue de Belgrade. Conduit le soir même à la Gestapo de Grenoble (cours Berriat), il retrouva ses camarades du maquis. Il fut placé dans une cellule de l’entresol. Il subit des interrogatoires lors desquels il reçut des coups de canne. Il fut le plus malmené de tous ses compagnons. Il garda très longtemps les menottes dans sa cellule.
Le 18 novembre, les Allemands le transférèrent, avec son groupe au camp de transit avant déportation de Compiègne-Royallieu (Oise). Le train fut dévié vers Lyon (Rhône-Alpes) et, le 21, ils furent emprisonnés à Montluc dans les salles communes pendant quatre jours.
Le 25 novembre, Francis Lagardère comparut devant le tribunal militaire allemand de la Zone sud (siégeant au Grand Nouvel Hôtel, rue Grôlée à Lyon) et fut condamné à mort le 26 novembre 1943 avec Pinguet, Perrochon, Coutelier, Casanova, Lescoute, Laroche, Fabre et Siguier. Motifs de la condamnation : 1. Ont fait fonction de francs-tireurs et entrepris une action de nature à porter préjudice à l’armée allemande, 2. Ont prêté leur aide à une puissance étrangère en guerre contre l’Allemagne.
Il fut placé à Montluc dans une cellule réservée aux condamnés à mort : d’abord au rez-de-chaussée puis dans la cellule 138 avec Pinguet, Coutelier et Perrochon. Le 23 décembre 1943, les Allemands le fusillèrent avec Jacques Casanova, René Perrochon, André Coutelier et René Pinguet sur le champ de tir de la Doua.
Son père apprit son décès par la presse le 26 décembre et demanda en vain aux autorités allemandes les restes de son fils. Il reçut de la prison de Montluc certains effets de Francis Lagardère : son portefeuille, ses lunettes, deux stylos et son chapelet. Son corps fut retrouvé dans le charnier de la Doua après la guerre et identifié par plusieurs habitants de Tréminis.
Il fut homologué lieutenant des Forces françaises de l’intérieur (FFI), fait chevalier de la Légion d’honneur et décoré de la Médaille de la Résistance à titre posthume.
Une avenue porte son nom à Lourdes.
Le 23 décembre 1943, il avait écrit une dernière lettre à sa famille, très marquée par sa foi catholique.
23 décembre 1943
 
Mes chers miens,
 
Voici ma dernière lettre. Dans quelques instants, je vais communier pour le salut de mon âme. Dans une heure, je serai devant Dieu et cela m’effraie, j’ai tant pêché.
Pardonnez-moi toute ma méchanceté et tout le mal que je vous ai fait.
Que maman chérie me pardonne cette ultime douleur que je lui cause. J’ai tant prié pour elle depuis soixante jours.
Si Dieu m’accueille dans son sein pour l’éternité, je veillerai sur vous, mes amours, qui avez été les cuisants regrets de mes journées de prison. Mes souffrances n’auront pas effacé toutes mes fautes, mais j’ai confiance en Dieu et en sa bonté infinie.
A Dieu, Maman que j’ai tant aimée et avec la pensée de qui je vais mourir.
A Dieu, mon Papa. A Dieu bonne Maman avec qui j’ai été si dur parfois. A Dieu vous tous, que je n’aurai pas eu la joie terrestre de revoir.
Dites à Daouhe Margalide que, dans mes derniers moments, j’ai bien pensé à elle.
A Dieu à tous nos amis, tous ceux que j’ai connus.
Je vous embrasse en Dieu.
A Dieu.
 
Francis
Sources

SOURCES : DAVCC, Caen (Notes Thomas Pouty). – Arch. Dép. Rhône, 3808W501, 3335W5, 3335W22, 3460W2 (dossier de Jacques Casanova). – Marcelle Reynaud, Le maquis de Tréminis : 1943. Mémoires et documents, 1996. – Bruno Permezel, Montluc, antichambre de l’inconnu (1942-1944), 1999. — Guy Krivopissko, La vie à en mourir, lettres de fusillés (1941-1944), 2003. — Arch. Dép. Gers, Guy Labedan, Marcel-Pierre Carrère, Mémorial des habitants du département du Gers morts au cours de la Deuxième Guerre mondiale, 2000, p. 50.

Jean-Sébastien Chorin

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