Né le 20 octobre 1913 à Toulouges (Pyrénées-Orientales), fusillé le 28 mai 1943 au Mont-Valérien, commune de Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine) ; ingénieur des Ponts et Chaussées ; membre d’un réseau de renseignement SR Air.

Louis Esparre était le fils d’un employé des PTT. Il suivit ses études chez les jésuites à Toulouse (Haute-Garonne) puis à Marseille (Bouches-du-Rhône). Licencié en droit, il obtint aussi un diplôme d’ingénieur des travaux publics à l’École des Ponts et Chaussées. Après avoir effectué de 1934 à 1935 son service militaire dans le génie, Louis Esparre fut nommé ingénieur des Ponts et Chaussées dans l’Orne.
Mobilisé à l’automne 1939 avec le grade de sous-lieutenant, son attitude lors de la Bataille de France lui valut la Croix de guerre 1939-1940. À sa démobilisation, il retrouva son poste dans l’Orne.
Dès septembre 1940, il fut recruté par le Service de renseignements de l’Air (SR Air) et, en 1941, il devint le chef du secteur Normandie du SR Air, secteur dont les informations étaient transmises à Londres via un poste installé dans la région de Limoges (Haute-Vienne).
Toujours en 1941, il épousa Jacqueline Doucet. En février 1941, il recruta comme agent P2 son beau-frère, Pierre Doucet. Ce jeune entrepreneur de travaux publics (il était né en 1912) fut, avec Henri Brunet (un artisan reproduisant les cartes et les plans), l’un des deux principaux agents du réseau sur Caen (Calvados). Ils copièrent de nombreux documents allemands dont un plan des fortifications en cours de construction sur la côte normande.
En juin 1941, Louis Esparre fut muté à la préfecture des Pyrénées-Orientales et attaché à l’arrondissement des transports. Malgré son éloignement, il resta en contact avec les membres du réseau Villon SR Air des Forces françaises combattantes (FFC). Il hébergea aussi des aviateurs et des Juifs désireux de franchir la frontière franco-espagnole
Il fut arrêté à son domicile perpignanais le 18 décembre 1942 par les Allemands (le 21, d’après Larrieu, op. cit.). Transféré à la prison de Fresnes, il y retrouva son beau-frère Pierre Doucet, arrêté à Caen le 14 décembre 1942. Du 1er au 11 mai 1943, Louis Esparre, Pierre Doucet, Henri Brunet et Mme de Majo (une hôtelière qui avait mis son hôtel à la disposition du réseau), neuf personnes en tout, comparurent devant le tribunal militaire allemand de Paris siégeant à la prison de Fresnes. Louis Esparre et Pierre Doucet furent condamnés à mort pour espionnage. Malgré diverses interventions, dont celle d’un cousin engagé dans la LVF, ils ont été fusillés au Mont-Valérien le 28 mai 1943.
_ Sa dernière lettre à ses parents, datée du 28 mai, a été écrite à Fresnes : « Ma petite Maman, mon petit Papa chéris. Un seul trouble dans ma divine sérénité devant la mort : c’est celui du désastre que je vous cause en partant. Mais ne vous attristez pas à considérer cette peine du point de vue humain. Dites-vous que votre cher Fils est allé rejoindre son Jésus, celui qu’il aime tant. Pensez qu’il va quitter cette terre uniquement pour aller vous attendre là-Haut. Je voudrais avant cette séparation momentanée vous demander un pardon immense de tout le mal que je vous ai causé durant la vie et surtout de celui que vous allez subir en apprenant mon départ. Ce que, surtout, je voudrais vous demander, c’est que vous preniez tous deux, plus tard, le chemin que je prends aujourd’hui. Je vous ferai préparer là-Haut une bonne place et nous serons heureux sans les méchancetés humaines. Dites à tous que je pardonne tout le mal qu’on a pu me faire et que je prierai de là-Haut même pour ceux qui ont contribué à me conduire au sacrifice suprême. Après m’avoir remis ma croix, mon bon Jésus veut que je l’accompagne jusqu’au bout. J’avais depuis longtemps accepté ce sacrifice. Aujourd’hui à 16 heures il sera consommé. Si vous pouvez obtenir ce qui restera de ma pauvre nature humaine, je serais désireux qu’elle repose en ma chère terre natale [...]. On vous rendra le chapelet sur lequel j’ai récité mes dernières prières et c’est par sa [...] que vous saurez vous souvenir de moi. Je n’oublie pas que c’est en ce magnifique mois de mai que notre Bonne-Maman me conduit près de son Fils [...] ainsi que le Bon Sacré-Cœur qui m’accorde la grande grâce de ne pas venir me chercher comme un voleur. Si mon cœur est lourd de tout ce qu’il laisse, mon âme est heureuse de tout ce qu’elle va trouver. Enfin voir Jésus, mon grand Jésus dans tout son amour !... Vous me verrez à travers notre Bernard, dont je serai de là-Haut le plus vigilant ange gardien dès que mon Jésus voudra bien me le permettre. Sachez, comme moi, supporter cette séparation momentanée, gardant mes plus tendres baisers pour vous [...]. Votre fils bien aimé. »

Louis Esparre ne vit jamais son fils, né pendant sa détention à Fresnes.
À la Libération, il fut fait chevalier de la Légion d’honneur à titre posthume.
Une place de Toulouges (Pyrénées-Orientales) porte son nom ainsi qu’une rue à Perpignan (Pyrénées-Orientales) et à Juvigny-sous-Andaine (Orne). Son nom figure sur le mémorial des Services spéciaux de la Défense nationale de Ramatuelle (Var)
Dans son journal l’aumônier allemand Franz Stock écrit :
Vendredi 28.5.43
3 exécutions
Visites à Fresnes. Y suis resté pendant la pause déjeuner. 3 exécutions l’après-midi : Louis Esparre, R. Jeanne, Pierre Doucet, de Caen. Belle mort des trois, confessés, communié. Récitâmes ensemble plusieurs fois le chapelet lorsqu’ils quittèrent leurs cellules et en chemin ; Esparre me remit son chapelet avec étui, de même Doucet au dernier moment, Jeanne sa chaine et son alliance. Enterrés à Ivry."
Franz Stock, Journal de guerre. Écrits inédits de l’aumônier du Mont-Valérien, Cerf, 2017, p. 160.
Sources

SOURCES : AVCC, Caen, 21 P 447868. — Livre d’or du Mémorial de Ramatuelle 1939-1945, édité par l’Association des anciens des services spéciaux de la Défense nationale. — Site de cette association. — Jean Larrieu, Vichy, l’occupation nazie et la Résistance catalane, I, Chronologie des années noires, Prades, Terra Nostra, 1994, p. 151, p. 186. — Thierry Marchand, Résistance et espionnage, les pionniers du Service de renseignement de l’armée de l’ai en Normandie, op. cit. — Notes d’André Balent.

Georges Sentis

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