VIDAL Gabriel
Né le 20 mars 1909 à Perpignan (Pyrénées-Orientales), fusillé comme otage le 2 octobre 1943 au Mont-Valérien, commune de Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine) ; employé à la mairie de Perpignan, rédacteur, chef de bureau chargé du service des Archives municipales ; résistant, membre de Libération-Sud.
Gabriel VIDAL en 1939
collection André Balent
Gabriel Vidal aux Archives municipales de Perpignan (au centre)
Photographie : Zdislaw Hary’s Kaiser, journaliste reporter photo de presse & cinéma à Perpignan. Arch. privées.
Graffiti de la Chapelle des Fusillés au Mont-Valérien.
C. Bourdon
Texte : "Vidal Gabriel Archiviste de Perpignan (Pyr) mort pour la France le 2 octobre 1943".
La mère de Gabriel Vidal était bien plus jeune que son père. En 1909, Sabine, Françoise, Thérèse Montalat était âgée de quarante-deux ans. Elle était originaire de Sant Llorenç de la Muga, localité de l’Ampourdan (province de Gérone, Catalogne, Espagne) frontalière du Vallespir (Pyrénées-Orientales). Gabriel Vidal suivit des études secondaires au collège de Perpignan et obtint en 1927 le baccalauréat avec mention « latin, langues vivantes, philosophie ». Le conseil de révision cantonal de 1929 l’exempta de service militaire pour « faiblesse ».
Gabriel Vidal se maria le 3 décembre 1932 à Perpignan avec Georgette, Anastasie Parès. Le couple eut une fille, Jeanine, née à Perpignan le 13 juillet 1934.
Recruté comme employé municipal auxiliaire affecté au service de l’état civil le 22 octobre 1929, Gabriel Vidal fut titularisé dans le grade de rédacteur de 4e classe le 1er mars 1932. Promu rédacteur de 2e classe le 1er janvier 1936, il fut affecté aux archives municipales. Il fut mobilisé le 15 avril 1940 et resta sous les drapeaux jusqu’au 26 juillet 1940. Passé à la hors classe avec effet rétroactif à compter du 1er juillet 1940, Gabriel Vidal devint archiviste en titre de la ville de Perpignan le 1er juillet 1941. Ayant passé avec succès l’examen de chef de bureau le 2 décembre 1941, il accéda à la 3e classe de ce grade le 1er janvier 1942 et fut promu à la 2e classe le 1er janvier 1943.
Il fut arrêté le 22 mai 1943 près de Villemolaque – dans la nuit du 21 mai près du Boulou selon d’autres sources – par la Sipo-SD, alors qu’il accompagnait vers la frontière espagnole, avec Gaston Stellato issu de Libération-Sud et agent de liaison des Mouvements unis de la Résistance (MUR), un groupe de volontaires désireux de rejoindre les Forces françaises libres (FFL).
Gabriel Vidal fut initié à la franc-maçonnerie en 1934 à la loge Saint-Jean-des-Arts-et de la Régularité (Grande Loge de France) de Perpignan. Sans doute peu motivé par l’engagement maçonnique, il fut radié de sa loge en 1937 pour non paiement de sa cotisation. Sympathisant ou adhérent de base de la SFIO avant la guerre, Gabriel Vidal intégra les rangs de Libération-Sud en octobre 1942. Les réunions des MUR se tenaient souvent dans son bureau des archives municipales au Castillet de Perpignan. Il faisait aussi passer en Espagne des personnes désireuses de poursuivre la lutte en Afrique du Nord, sans doute dans le cadre du réseau Brutus lié au Comité d’action socialiste (CAS) et à Libération-Sud. Gabriel Vidal fut dénoncé par des lettres anonymes signées par « un groupe de légionnaires » envoyées au préfet des Pyrénées-Orientales et aux Renseignements généraux, qui ne réussirent pas à prouver son implication dans la Résistance. Peut-être fut-il protégé par un fonctionnaire de police favorable à celle-ci ? Le domicile de Gabriel Vidal fut perquisitionné avant qu’il soit arrêté. Emprisonné à la citadelle de Perpignan, Gabriel Vidal fut torturé. Pour le préfet des Pyrénées-Orientales (rapport du 20 février 1954), il aurait provoqué, après avoir parlé, « l’arrestation de 23 patriotes dont 14 sont décédés ». Toujours dans le même rapport, on peut lire : « M. Vidal serait mort courageusement en exprimant des regrets pour avoir dévoilé aux Allemands des renseignements sur certains résistants. » Cette version est partagée par Camille Fourquet, qui a écrit dans son tapuscrit inédit : « Au cours des interrogatoires, les policiers allemands arrachèrent à l’un des détenus – on sut plus tard qu’il s’agissait de Vidal – trente-quatre [nombre plus élevé que celui fourni par le préfet dans le rapport cité ci-dessus] noms des membres des MUR [...]. » Toujours d’après Camille Fourquet, les policiers allemands auraient déclaré à des résistants détenus, en présence de Gabriel Vidal, qu’ils avaient été dénoncés par lui. Une autre version des faits, rapportée par François Delcos, député radical des Pyrénées-Orientales élu en 1935 et résistant (mouvement Combat) arrêté en même temps que Gabriel Vidal, indique que c’est l’agent de liaison des MUR Gaston Stellato, et non Gabriel Vidal, qui aurait parlé, provoquant le 23 mai, une vague d’arrestations permettant de démanteler les MUR des Pyrénées-Orientales (Voir en particulier : Joseph Pomarola, Dominique Parsuire). Lors de la confrontation entre les deux passeurs arrêtés le 21 ou le 22 mai et les personnes emprisonnées après dénonciation, Gabriel Vidal, torturé au préalable, n’en aurait reconnu aucune. Ramon Gual et Jean Larrieu partagent cette opinion (« Lors de la confrontation, Vidal ne ``reconnaît’’ personne »), accusant ainsi Gaston Stelllato sans toutefois indiquer leurs sources, tout comme François Delcos. Gaston Stellato fut déporté à Buchenwald, en Allemagne (convoi parti de Compiègne, Oise, le 28 octobre 1943).
Gabriel Vidal fut détenu à la prison de Montpellier (Hérault) du 1er au 27 septembre 1943. À Montpellier, il fut condamné par un tribunal militaire allemand dont on ignore le verdict. Il fut ensuite transféré au camp de Romainville (Seine, Seine-Saint-Denis) où il fut détenu du 27 septembre au 2 octobre 1943. Otage, il a été fusillé au Mont-Valérien le 2 octobre 1943 avec quarante-neuf autres otages. Il s’agissait de représailles à un attentat (le 28 septembre 1943) organisé par un groupe de Francs-tireurs et partisans français-Main-d’œuvre immigrée (FTP-MOI) contre le Dr Julius Ritter, colonel SS qui supervisait le Service du travail obligatoire (STO). Il fut incinéré au cimetière du Père Lachaise (Paris, XXe) et inhumé ultérieurement au carré militaire de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis). Son nom ("Vidal archiviste à Perpignan") est gravé sur l’un des murs de la chapelle où les condamnés attendaient leur exécution. Bernard-Henri Bonnafous, chef-adjoint de l’AS de la R3 avait été reçu par Vidal dans son bureau du Castillet à Perpignan, après la restructuration de l’AS à Perpignan. Dans ses mémoires de résistance éditées par les archives départementales de l’Aude, alors qu’il évoque l’arrestation de Vidal, Bonnafous fait part de sa perplexité et établit une relation entre cette rencontre et le graffiti de la chapelle du Mont-Valérien qu’il avait découvert lors d’une visite des lieux. Il avait vaguement su que le rôle de Vidal avait suscité des interrogations.
Le 5 avril 1949, un certificat délivré à titre posthume reconnut l’appartenance de Gabriel Vidal au mouvement Libération-Sud. Le 21 mai 1950, il fut homologué adjudant à titre posthume et la mention « Mort pour la France » lui fut accordée. La carte de Combattant volontaire de la Résistance fut établie à titre posthume le 6 juin 1960 et remise à sa fille Jeanine.
Son nom figure sur le mémorial (la cloche) du Mont-Valérien à Suresnes (Hauts-de-Seine). Il existe une rue Pierre-et-Gabriel-Vidal à Toulouges (Pyrénées-Orientales), qui honore la mémoire du père (Pierre Vidal) et du fils (Gabriel Vidal). Le 9 décembre 2016, lors de l’inauguration des nouveaux locaux des archives municipales de Perpignan (partie de la caserne Mangin, ancien couvent des Dominicains de Perpignan, cédée par l’Armée à la ville), le nom de Gabriel Vidal fut attribué à la salle de lecture.
Voir Mont-Valérien, commune de Suresnes, 1941-1944
SOURCES : DAVCC, Caen. – Arch. com. Perpignan, 55 W 73, personnel municipal : dossier individuel de Gabriel Vidal ; état civil, registre des actes de naissance, 1909. – Arch. privées André Balent, Camille Fourquet, Le Roussillon sous la botte nazie. Années 1940 à 1944, tapuscrit inédit, s.d. [1965], p. 21 et 23. — Yannis Bautrait & Sylvie Caucanas (présentation et annotations), La Résistance telle que l’a vécue ... Bernard-Henri Bonnafous octobre 1941-septembre 1944, Carcassonne, Archives départementales de l’Aude, 2013, 115 p. [p. 38]. — Ramon Gual, Jean Larrieu, Vichy, l’occupation nazie et la Résistance catalane, II b, De la Résistance à la Libération, Prades, Terra Nostra, 1998, p. 973. – Jean Larrieu, Vichy, l’occupation nazie et la Résistance catalane, I, Chronologie des années noires, Prades, Terra Nostra, 1994, p. 184-185. – Georges Sentis, Dictionnaire biographique des résistants et des civils des Pyrénées-Orientales tués par les Allemands et les collaborateurs, Perpignan, Éd. MR, 2012, p. 7-8.
André Balent