Né le 19 janvier 1911 à Ventiseri (Haute-Corse), fusillé le 21 juillet 1944 à Arbonne-la-Forêt (Seine-et-Marne), lieu-dit plaine de Chanfroy dans la forêt de Fontainebleau ; surveillant d’externat à Royan (Charente-Maritime), employé à la Bibliothèque nationale (Paris), poète ; résistant (FTPF).

Réunion de La Main à Plumes au domicile de Robert Rius et Laurence Iché à Paris au printemps 1943
Réunion de La Main à Plumes au domicile de Robert Rius et Laurence Iché à Paris au printemps 1943
De gauche à droite : Laurence Iché, Manuel Viola, Robert Rius, Marie-Antoinette Simonpoli, Jean Simonpoli
@archives Rose-Hélène Iché
Issu d’une famille de paysans de Haute-Corse, Charles-Jean Simonpoli était l’un des 4 enfants de Jacques Simonpoli (1890-1969). Cette famille vivait à Ventiseri, un village du Fium’Orbu, situé à 300 m d’altitude, qui comptait alors environ 1200 habitants. Elle s’inscrivait dans le clan corse des « Neri », c’est-à-dire de la droite insulaire, par opposition aux « Bianchi » qui représentaient la gauche, surtout radicale avant la deuxième guerre. Les parents de Charles-Jean Simonpoli étaient des catholiques pratiquants.
Le père était un poète de langue corse qui appartenait à la mouvance autonomiste des rédacteurs de la revue A Muvra. Il eut une forte influence sur son fils Charles-Jean, enfant assez solitaire, discret, (ses anciens compagnons d’enfance disent ne pas avoir de souvenirs de lui), déjà grand lecteur. Les ressources de la famille étant insuffisantes, Jacques Simonpoli partit en Tunisie en 1923 et entra dans la police. Il y fit carrière : il était commissaire divisionnaire en 1943. Sa famille l’avait rejoint en 1926.
Charles-Jean Simonpoli quitta Tunis pour Paris afin d’y faire des études supérieures : d’abord en Droit pendant un an, puis en Lettres. Il suivit des cours d’italien. Il désirait faire des études de linguistique et revint pendant les étés de 1936 et 1937 à Ventiseri pour étudier la phonétique du dialecte corse local. Il présenta un mémoire à la Sorbonne sur les particularismes de la langue corse et obtint la mention Très Bien. Il occupa ensuite un poste de surveillant à Royan où il rencontra sa future femme Marie-Antoinette. Parmi leurs amis figuraient, semble-t-il, quelques communistes. Tous deux retournèrent à Paris où ils furent employés à la Bibliothèque nationale (BN). À Paris, Charles-Jean Simonpoli fréquentait les milieux surréalistes. Il se lia avec le trotskiste Robert Rius par ailleurs impliqué dans la résistance littéraire. Simonpoli créa et dirigea en 1941 Les Cahiers de poésie. Trois numéros furent publiés. En 1943, il fut radié de la BN pour avoir refusé de travailler avec un officier allemand. Sa femme conserva son emploi. En 1943, il chercha à lancer les Cahiers de poésie et de littérature internationale qu’il présenta comme étant « loin d’Aragon et de Drieu La Rochelle » et qui furent soumis à la censure. Mais en septembre 1943, avec son ami Rius, il s’impliqua délibérément dans la Résistance. La Gestapo le recherchait et en avril 1944 enquêta à la BN où travaillait toujours son épouse.
Directeur de la revue Les Cahiers de poésie, Charles-Jean Simonpoli fréquentait les milieux surréalistes et trotskisants. Avec son ami Robert Rius, il décida en 1943 d’entrer dans la lutte armée dans le cadre des FTPF. Ce choix provoqua un vif débat dans le groupe de La Main à Plume où l’on comprit mal leur « ralliement » supposé aux « staliniens ». En septembre 1943, Simonpoli passa avec Rius — en témoigne une lettre écrite par Rius et Simonpoli datée du 11— à Miélan dans le Gers où était implanté un maquis. Ils se rendirent ensuite à Perpignan avant de regagner Paris. Rius fit ensuite un bref séjour d’abord, en février 1944, au maquis de Villebéon (Seine-et-Marne).
Le 26 mai 1944, Rius et Simonpoli participèrent à une réunion des FTPF à l’instigation de Jean-François Chabrun où André Prenant, étudiant en géographie âgé de dix-neuf ans, militant du PCF et membre de l’état-major des FTPF de Paris s’efforçait de former un maquis dans la forêt de Fontainebleau près d’Achères-la-Forêt (Seine-et-Marne). Prenant en était le chef, mais des différents quant à la conduite des opérations l’opposèrent à Simonpoli. Dans un rapport, écrit vraisemblablement le 5 juillet 1944, André Prenant signala à « André » (le « colonel André », pseudonyme d’Albert Ouzoulias, commissaire militaire national des FTPF chargé des opérations et responsable en juin 1944 de la coordination de l’action armée en région parisienne) fit état des divergences qui l’opposèrent à Simonpoli (alias « Couturier ») qui, plus âgé et ayant davantage d’ascendant, prit la direction effective d’un maquis qui ne réussit pas à étoffer ses effectifs. Dans ce même rapport, il signala que Rius (alias « Gall »), appartenait à un groupe qu’il semblait désigner comme trotskiste sous la dénomination de circonstance. Les mentions relatives à « Gall » furent soulignées en rouge par Ouzoulias (« André ») qui contresigna ce rapport accompagné d’un court commentaire personnel. Le groupe disposant d’un nombre réduit d’armes devait s’en procurer.
André Prenant se rendit seul à un rendez-vous fixé le 2 juillet afin de récupérer des armes d’un parachutage du Bureau des opérations aériennes à Ury (Seine-et-Marne). Le 4 juillet alors que Prenant et Robert Ménégoz (alias « Rouvier ») étaient à Paris, un deuxième rendez-vous échoua à son tour les autres membres du maquis se rendirent à Ury (Seine-et-Marne) lieu présumé du parachutage où ils furent arrêtés par le SD-SIPO.
Détenus à la prison de Fontainebleau (Seine-et-Marne), les maquisards FTPF d’Achères-la-Forêt, au nombre de six, (Robert Rius ; Charles-Jean Simonpoli ; Laurent Poli alias « Julien », garde forestier à Achères-la-Forêt né à Paris le 4 mai 1924 ; Germinal Matta alias « Jacques », 19 ans, communiste ; Marco Ménégoz alias « Paul », 16 ans et demi-frère de Robert, jeune poète des Feuillets du 81, de Lisieux, Calvados ; René Girard, ouvrier agricole à Villebéon, né le 11 janvier 1920 à la Selle-sur-le-Bied, Loiret [mais la présence de ce dernier dans le maquis n’est pas mentionnée dans le rapport d’André Prenant ni attestée dans les divers témoignages]), furent torturés sous la direction de Wilhelm Korf chef adjoint du SD-SIPO de Melun, « spécialiste » de la propagande des organisations de résistance. Charles-Jean Simonpoli fut condamné à mort par les Allemands à l’issue d’une procédure sommaire. Avec vingt-et-un autres détenus des geôles allemandes, dont Robert Rius, il fut conduit, le 21 juillet, à la plaine de Chanfroy (commune d’Arbonne-le-Forêt) dans la forêt de Fontainebleau. Ils y furent abattus au pistolet-mitrailleur avec d’autres résistants : 8 du maquis « Bara » de Moisenay (Seine-et-Marne), 6 du maquis de Villebéon et deux autres (du Front national ou des FTPF). Au total 22 résistants furent tués ce jour-là.
Le 17 août 1944, d’autres résistants de mouvements de la résistance non communiste furent abattus au même endroit, toujours sous la direction de Wilhelm Korf, le « bourreau de la Seine-et-Marne », condamné à la prison à vie en décembre 1953 et gracié en 1963. Le charnier des victimes des deux tueries fut découvert par des soldats américains le 7 décembre. Les victimes des deux massacres eurent droit à des obsèques nationales en présence du ministre de la Justice du GPRF, François de Menthon, et du général Pierre Billotte qui représentaient le gouvernement. La cérémonie eut lieu le 14 décembre à Fontainebleau. Les trente-six victimes furent enterrées au cimetière de Fontainebleau.
Sur l’emplacement du charnier de la plaine de Chanfroy, un monument commémore les massacres des 21 juillet et 17 août 1944.
Après la guerre, la mémoire du FTP Simonpoli fut honorée dans son village natal. D’après des témoignages produits par Gérôme Bouda dans son film Ghjuvà est mort (2011), son engagement dans un maquis de la mouvance « communiste » aurait ensuite provoqué un revirement idéologique de son père et de sa famille qui se serait manifestée par une adhésion au PCF .
Sources

SOURCES : Pour les § avant 1942 : Gérôme Bouda, de l’université de Corte (Haute-Corse), Ghjuvà est mort, Productions Via Stella, 2011 [court métrage de docu-fiction]. — Ghiacumu Simonpoli, Fiumorbu in guerra, 1815-1816, Poema di ottu canti, edizioni di U Muntese, Aghiacciu, 1962. — Hyacinthe Yvia-Croce, Anthologie des écrivains d’expression corse, éditions Cyrnos et Méditerranée, Ajaccio, 1987. — Juliette Bessis, La Méditerranée fasciste. L’Italie mussolinienne et la Tunisie, Paris, Publications de la Sorbonne, 1980. — Hélène Chaubin, « La Corse, des années 1930 à la Seconde Guerre mondiale : la passion de l’identité », dans Bretagne et identités régionales pendant la Seconde Guerre mondiale, Université de Bretagne occidentale, Brest, 2002, p.135-150. Pour les § relatifs à la Résistance, y compris la Résistance littéraire, voir dans la notice Robert Rius.

André Balent, Hélène Chaubin

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